La filière médico-chirurgicale du handicap compte parmi ses prises en charge des patients de centres de rééducation et de réadaptation de Poitou-Charentes.
Cette filière va connaître une nouvelle dimension prochainement, depuis la parution au journal officiel du 22 décembre 2022 du ministère de la Santé et de la Prévention, de l’expérimentation « AUTO-NOM » (prononcé « autonome »). En effet, celle-ci autorise désormais la mise en place d’une équipe mobile médico-chirurgicale pour traiter les patients au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cette expérimentation, d’une durée de 24 mois, s’inscrit dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2018. Elle est le fruit d’une collaboration nationale pilotée par la Croix Rouge.
Filière handicap : une prise en charge médico-chirurgicale globale
Chef de clinique assistant en médecine physique et de réadaptation (MPR) au CHU de Poitiers, le Dr Romain David explique les particularités des patients accueillis en centre de rééducation et de réadaptation et les missions de la filière handicap dont il est le coordonnateur. Les établissements de rééducation et de réadaptation prennent en charge des patients ayant perdu l’usage temporaire ou définitif de certaines de leurs capacités tant physiques qu’intellectuelles à la suite d’une atteinte du système nerveux ou locomoteur. Une lésion du système nerveux central peut entrainer des déformations des mains et des pieds très invalidantes pour les patients en altérant de façon importante leur qualité de vie. L’un des rôles de la MPR est justement de prévenir et de traiter par tous les moyens médicaux, rééducatifs et interventionnels, ces déformations des membres. L’arsenal thérapeutique est important allant des mesures éducatives, du positionnement (appareillage), de la rééducation via la kinésithérapie et l’ergothérapie, l’activité physique adaptée, l’apprentissage de l’auto-rééducation, les traitements médicamenteux jusqu’à l’injection de toxine botulinique (Botox) dans les muscles pour diminuer la raideur des muscles. Dans certains cas, l’ensemble de ces mesures ne sont pas suffisantes et une prise en charge médico-chirurgicale est alors nécessaire. C’est justement là qu’intervient la filière handicap du CHU de Poitiers.
L’un des points fort de cette filière est de proposer une prise en charge médico-chirurgicale globale en concertation : le Dr Romain David en MPR qui coordonne le suivi du patient avant et après chirurgie, le Pr Philippe Rigoard, neurochirurgien et chef du service neurochirurgie du rachis, chirurgie de la douleur et du handicap (NRDH) et le Dr Philippe Denormandie, chirurgien orthopédiste de l’hôpital de Garches, spécialiste du handicap. « On ne peut pas faire de la chirurgie du handicap sans une prise en charge médicale efficace en amont et en aval », explique le Pr Philippe Rigoard. L’autre point fort est de combiner les techniques de chirurgie tendineuse et neurologique, ce qui permet la réalisation d’une multitude de gestes et un traitement optimal pour le patient.
« Grâce au Pr Rigoard et au Dr Denormandie, j’ai eu la chance d’être intégré à toutes les étapes du parcours de prise en charge médico-chirurgicale, dès la consultation multidisciplinaire régionale pour l’évaluation, en préopératoire avec la réalisation de tests[1] dans le service de MPR du CHU de Poitiers, puis au bloc opératoire. Grâce au Pr Rigoard et au Dr Denormandie, j’ai eu l’opportunité d’apprendre à réaliser certains actes interventionnels (ténotomies à l’aiguille, injections de phénol…), des gestes que très prochainement, je ferai directement dans le service de MPR. Je porte le projet de développer ce que l’on appelle l’office surgery, soit la « chirurgie hors bloc opératoire » qui consiste à réaliser des actes interventionnels mini invasifs, sous anesthésie locale en dehors des blocs opératoires mais dans un environnement permettant le respect des normes de sécurité. Cela permettra à une partie des patients d’avoir une prise en charge en ambulatoire », souligne le Dr Romain David.
Soigner au plus près
Les spécialistes de la filière handicap ont pour projet de constituer une équipe mobile qui se rendra, à partir de 2023, dans les EHPAD dans lesquels la population gériatrique est particulièrement touchée par de l’hypertonie acquise déformante entrainant d’importante déformation des mains et des pieds. En effet, 22% des patients présenterait jusqu’à quatre déformations des membres. Ce projet, auquel participe sept autres grands centres hospitaliers ou de rééducation, s’inscrit dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2018, qui promeut des organisations innovantes expérimentales contribuant à améliorer le parcours des patients et plus particulièrement la population gériatrique. « Il s’agirait de nous rendre dans ces établissements afin de corriger des déformations par des conseils, de la prévention, des installations ou des gestes mini-invasifs que l’on peut effectuer à leur chevet. Cela évitera aux patients un certain nombre de déplacements », précise le Pr Philippe Rigoard.
Soigner les patients vulnérables au plus près de chez eux, ils savent faire. Depuis plusieurs années déjà, la filière handicap proposent des consultations délocalisées dans d’autres centres de réadaptation. La filière handicap est, en effet, le fruit d’une histoire qui a commencé avec le Pr Françoise Lapierre, chef du service de neurochirurgie du CHU de Poitiers de 1990 à 2008. Celle qui fut l’une des premières femmes chirurgiennes de France, se rendait chaque mois, pour des consultations, au centre Le Grand Feu, établissement de rééducation et de réadaptation fonctionnelle situé à Niort. A son départ, le Pr Philippe Rigoard qui l’accompagnait alors qu’il était encore interne, a pris sa suite. Il a développé l’offre de soins délocalisée en proposant également des consultations au centre Richelieu de La Rochelle pour lesquelles l’a rejoint le Dr Philippe Denormandie. L’arrivée du Dr Romain David, qui les accompagnent désormais, a permis de constituer une filière médico-chirurgicale pour une prise en charge globale du patient en situation de handicap.
L’activité de la filière est forte avec un volume opératoire important et avec près de 400 consultations sur le CHU de Poitiers et les centres de réadaptations de La Rochelle et Niort. « La direction générale et la direction de la coopération des territoires du CHU, avec Madame Dichamp, nous permettent de mettre en place tous les moyens pour que l’on puisse prévenir et traiter au mieux les malades atteints d’un handicap à leur chevet. La filière médico-chirurgicale du handicap en est une excellente illustration », conclut le Dr Romain David.
[1] Ces tests consistent à vérifier grâce à des anesthésiants, s’il s’agit d’un problème neurologique ou orthopédique afin de définir quelle chirurgie effectuer ou bien s’il faut combiner les deux.