Quatre réanimations, un seul lieu : le défi des soignants et des médecins

Quatre réanimations dans un seul et même lieu. C’est le défi relevé par le CHU de Poitiers à l’aube de l’ouverture du nouveau centre régional cardio-vasculaire. Réunir les personnels soignants et médicaux, harmoniser les soins et les matériels, tel est le but de cette union, gage d’une prise en charge de qualité pour les patients.

Le 3 janvier prochain marquera l’ouverture du nouveau centre régional cardio vasculaire (CCV). Avec ce projet, le CHU de Poitiers s’inscrit dans la démarche de regrouper autour des pathologies cadio-vasculaires, toutes les compétences humaines et techniques en cardiologie, neuro-vasculaire, imagerie, urgences et réanimation. C’est d’ailleurs ce dernier point qui nous intéresse.

Le Pr Claire Dahyot-Fizelier, le Dr Didier Baudouin, Christelle Plumereau, cadre de santé, au milieu de l’équipe de réanimation chirurgicale.
Le Pr Claire Dahyot-Fizelier, le Dr Didier Baudouin, Christelle Plumereau, cadre de santé, au milieu de l’équipe de réanimation chirurgicale.

En effet, le centre cardio-vasculaire va unir quatre des cinq réanimations du CHU de Poitiers : médicale, chirurgicale, neuro-chirurgicale et cardio-thoracique. La réanimation pédiatrique reste au sein du service de pédiatrie, dans Jean-Bernard. « L’unification des réanimations est inscrite dans notre projet d’établissement. L’ouverture du CCV nous a donné cette opportunité », souligne Martine Imbert, coordonnateur général des soins. C’est un défi relevé haut la main par les soignants et les médecins des services de réanimation. En quelques chiffres, le futur pôle des réanimations va grouper à terme 60 lits en plus de l’unité de soins continus.

Derrière l’appellation « réanimation » se trouve un service dont l’expertise est méconnue et pourtant bien réelle. Les patients qui s’y trouvent ont leur pronostic vital engagé, ce qui nécessite une prise en charge rapide et efficace. « Et pour l’être encore plus, nous avons imaginé un projet médical commun », annonce le professeur René Robert, chef du pôle urgences-Samu-Smur-anesthésie-réanimation (Ussar) et chef du service de réanimation médicale. Et le docteur Didier Baudouin, responsable de l’unité de réanimation chiurgicale, d’ajouter : « Rapprocher les équipes, c’est rendre la prise en charge homogène ».

Pas de place pour le hasard
Dans les faits, la réanimation médicale sera en binôme avec la cardio-thoracique et la réanimation chirurgicale avec la neurochirurgicale. L’unité de soins continus est commune aux quatre réanimations. Ces choix n’ont rien d’hasardeux et le professeur René Robert le démontre : « La réanimation médicale et la réanimation cardio-thoracique s’unissent dans la prise en charge de la défaillance cardiaque associée à la défaillance multi-organes. La réanimation chirurgicale et la réanimation neurochirurgicale ont des points communs historiques, il semblait naturel de les associer dans la prise en charge des patients polytraumatisés. Toutefois, il ne faut pas réduire les réanimations à ces seules prises en charge. Chacun garde ses spécificités ».

Afin d’organiser ce mariage, pour le meilleur, l’ensemble des personnels des réanimations se sont réunis lors de groupes de travail. « Les soignants, les cadres et les médecins ont vraiment joué le jeu en participant activement aux quatre groupes », se félicitent Catherine Allegrini, cadre supérieure de santé du pôle Ussar, responsable du projet, et Emmanuelle Luneau, cadre supérieure de santé du pôle cœur-poumons-vasculaire. Autour d’elle, se sont réunies Marie-France Joyeux-Soyer, cadre supérieure de santé du pôle neurosciences, Nathalie Laidet, cadre de santé de la réanimation cardio-thoracique, Fabienne Etourneau, cadre de santé de la réanimation neuro-chirurgicale, Marie-Line Debarre, cadre de santé de la réanimation médicale, et Christelle Plumereau, cadre de santé de la réanimation chirurgicale.

Uniformiser, non, harmoniser, oui
« Il n’est pas question d’uniformiser. Il s’agit plutôt d’une harmonisation », assurent de concert Fabienne Etourneau, et le Pr Claire Dahyot-Fizelier, responsable universitaire des réanimations chirurgicale et neurochirurgicale et de l’unité de la réanimation neurochirurgicale. Fabienne Etourneau et Marie-Line Debarre ont, par exemple, collaboré sur la gestion du matériel. Dans ce groupe de travail, soignants et médecins ont défini un chariot d’urgence propre aux quatre réanimations.

L’équipe de la réanimation médicale.
L’équipe de la réanimation médicale.

Paroles de médecin… Le Pr René Robert, chef du pôle Ussar et chef service de la réanimation médicale

« Ce rapprochement entre toutes les réanimations va permettre la mise en commun du matériel lourd et des protocoles de recherche avec l’augmentation du nombre de patients. La prise en charge ne pourra qu’être meilleure. Nous allons aussi nous unir sur une activité de recherche commune. Lors des pics d’activité, nous pourrons aussi compter sur une entraide. La proximité favorise la communication. En réanimation médicale, nous échangeons déjà beaucoup avec nos collègues de la réanimation chirurgicale. Maintenant, ce sera à l’échelle d’un grand pôle des réanimations. »

L’ensemble des services du CHU ont institutionnalisé le chariot d’urgence, ce qui n’était pas encore le cas dans les services de réanimation. Le but ? Être réactif. « Un(e) infirmier(ère) sera capable de servir pour une urgence, sans être déstabilisé(e), quelle que soit la réanimation où elle se trouve », explique Fabienne Etourneau. Toutefois, même si l’ordonnancement reste similaire, le contenu peut varier d’une réanimation à une autre, toujours selon les particularités de chaque service.

Le Dr Claire Biedermann, chef de l’unité fonctionnelle de réanimation cardio-thoracique, Nathalie Laidet, cadre de santé, et l’équipe.
Le Dr Claire Biedermann, chef de l’unité fonctionnelle de réanimation cardio-thoracique, Nathalie Laidet, cadre de santé, et l’équipe.

Autre point évoqué dans les groupes de travail : la logistique et l’hygiène. Dans chacune des réanimations, un aide-soignant fera office de référent logistique. Son rôle sera de déterminer les besoins matériels et de gérer toute la partie logistique. « Nous avons harmonisé les protocoles d’hygiène ainsi que les flux patients. Le but étant que nos pratiques soient plus efficaces et plus hygiéniques. Nous avons aussi choisi des zones de décartonnage », explique Marie-Line Debarre.

Une nouveauté vient s’ajouter à ce qui a été évoqué précédemment avec la création d’un livret d’accueil pour le patient et son entourage. Via ce support, les soignants précisent les modalités de visite aux patients, l’environnement dans lequel il se trouve, etc. « La réanimation reste un service particulier qui peut mettre mal à l’aise, notamment les jeunes visiteurs. Ces livrets n’empêchent pas l’accompagnement par les soignants mais viennent en complément », assure Nathalie Laidet. Dans la même optique, un autre livret, destiné aux nouveaux personnels, sera édité dans un second temps.

Paroles de soignants… Simon Béjaud, infirmier en réa médicale, et Stéphanie Tricoire, infirmière en réa cardio-thoracique

Simon Béjaud et Stéphanie Tricoire sont tous deux infirmiers. Ils ont participé au groupe de travail sur l’organisation des soins dans le futur pôle des réanimations du centre cardio-vasculaire. « Par exemple, nous avons choisi, après concertation avec les médecins et les soignants, d’harmoniser les lignes de perfusion et la disposition des cathéters centraux », soulignent-ils. En réa cardio-thoracique, les soignants ont déjà mis en place cette nouvelle pratique. « Nous avons uniformisé la pose des pansements de cathéters, les feuilles de surveillance et la dilution des médicaments. Un pharmacien nous a aussi rappelé les règles de bonnes pratiques », ajoute Stéphanie Tricoire. Du point de vue des deux infirmiers, ces échanges sont positifs : « Il y a eu une réelle implication de toutes les parties. Tout le monde est satisfait et cela nous permet de nous rencontrer pour dialoguer. »

Nouveaux locaux, nouvelles habitudes
Dans toute cette nouvelle organisation, les bouleversements les plus attendus restent en réanimations neurochirurgicale et cardio-thoracique. Le docteur Claire Biedermann, responsable de l’unité de réanimation cardio-thoracique, n’y voit que des avantages : « A Beauchant, nous sommes isolés du satellite Jean-Bernard, si bien que le moindre déplacement de patient doit se faire en Smur. C’est traumatisant pour un malade de réanimation qui doit être bougé le moins possible. Il faut garder en tête que ces gens souffrent de défaillances multi-organes ». Même avis du côté du Pr Claire Dahyot-Fizelier (lire encadré ci-dessous).
En outre, les soignants ont déjà manifesté leur intérêt pour épauler leurs collègues et pourquoi pas, à terme, intégrer une autre réanimation dans certaines situations d’urgences. Cette harmonisation n’est pas le fait du hasard. Pour organiser un grand pôle de réanimations, il faudra de la perméabilité entre les services sans pour autant perdre l’expertise qui les caractérise. Ces groupes de travail préparent le terrain pour créer de nouvelles habitudes dans de nouveaux locaux. « Cela ne se fait pas en claquant des doigts. Nous allons d’abord déménager et prendre nos marques tout en mettant en application ce qui a été retenu », assurent les cadres.

Winston Churchill disait : « Il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction ». Une citation qui s’applique sans nul doute à ce projet.

L’équipe de réanimation neurochirurgicale.
L’équipe de réanimation neurochirurgicale.

Paroles de médecin… Le Pr Claire Dahyot-Fizelier, cheffe de la réanimation neurochirurgicale

Le Pr Claire Dahyot-Fizelier, cheffe des réanimations neurochirurgicale et chirurgicale, se félicite de cette réunion, à la fois pour des raisons pratiques qu’humaines : « Dans Jean-Bernard, la réanimation neurochirurgicale est isolée des autres. Nous allons bénéficier de nouveaux locaux, moins vétustes et plus adaptés aux spécificités de la réanimation. Et surtout, nous nous rapprochons de nos collègues. Il est indéniable que cela facilitera les échanges ». Outre l’harmonisation des protocoles de soin, pour le Pr Claire Dahyot-Fizelier, ce mariage entre les réa va mettre les projets de recherche en commun. « En réanimation, les gens se comprennent. Il faut différencier les soins ordinaires des soins de réanimation. L’organisation du travail n’est pas la même, les équipes sont différentes, le matériel également. Nous rapprocher apporte une cohérence tout en gardant l’expertise de chacun. C’est important pour garantir la qualité de la prise en charge des patients. »