Regard médical : Helena Mosbah, médecin endocrinologue

Helena Mosbah

Médecin spécialiste en endocrinologie-diabétologie-nutrition, le docteur Helena Mosbah a rejoint le CHU de Poitiers il y a un an. Son arrivée permet notamment de développer la prise en charge des obésités d’origine génétique, au sein du centre spécialisé obésité (CSO) Poitou-Charentes.

Qui êtes-vous ?

Après mon internat d’endocrinologie à Paris, j’ai effectué un clinicat en diabétologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), puis un clinicat d’endocrinologie à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Ensuite, j’ai travaillé comme praticien hospitalier contractuel dans le service de nutrition de la Pitié-Salpêtrière, spécialisé dans la prise en charge des obésités sévères et/ou complexes. Je travaillais plus particulièrement dans le centre maladies rares dédié aux obésités génétiques. En parallèle, j’ai exercé dans le service d’endocrinologie de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), au centre de référence des pathologies de l’insulinosécrétion et de l’insulinorésistance (PRISIS). J’ai ainsi développé une expertise dans le domaine des obésités et des diabètes d’origine génétique. Je suis venue exercer au CHU de Poitiers, en juin 2022, avec un projet hospitalo-universitaire, et je poursuis, en parallèle, une thèse dans le domaine des lipodystrophies, maladies métaboliques du tissu adipeux.

Quelles sont les obésités génétiques ?

Toutes les obésités sont en partie d’origine génétique. On connait des facteurs de susceptibilité qui contribuent de façon importante au développement de l’obésité, en association à des facteurs environnementaux. Ce que nous appelons « obésités génétiques » sont celles qui résultent de l’anomalie d’un gène ou d’une région du génome, impliqués dans la régulation du comportement alimentaire. Ces obésités génétiques peuvent être isolées (monogéniques) ou s’intégrer dans des syndromes comme le syndrome de Prader-Willi ou le syndrome de Bardet-Biedl. On retrouve le plus souvent des troubles du comportement alimentaire (impulsivité, intolérance à la frustration) précoces. Ces obésités sont souvent associées à un trouble du neurodéveloppement (déficience intellectuelle, malformation d’organes, trouble neurosensoriel, etc). Selon les études, les obésités génétiques représenteraient environ 5% des obésités sévères et précoces. Améliorer l’accès au diagnostic et assurer la prise en charge optimale des patients présentant une obésité génétique sont des missions importantes, identifiées dans le cahier des charges des CSO.

Quels sont les traitements spécifiques ?

L’identification des formes génétiques d’obésité est essentielle car, pour certaines formes étiologiques, il existe maintenant un traitement, disponible en accès précoce. La setmélanotide a montré un bénéfice dans certaines formes d’obésités génétiques, à la fois sur la perte de poids, l’amélioration du comportement alimentaire, et aussi la qualité de vie. C’est pour cela qu’il est essentiel de sensibiliser les médecins généralistes et spécialistes à ces diagnostics, afin que ces patients puissent bénéficier des thérapies innovantes.

Comment diagnostiquer une obésité génétique ?

Le diagnostic repose sur des éléments cliniques puisqu’il faut tâcher de définir l’âge de début de l’obésité, grâce à l’étude du carnet de santé, à l’interrogatoire du patient et/ou de ses parents. Il est essentiel également de recueillir les antécédents familiaux d’obésité. En effet, une obésité intra-familiale est un facteur de risque d’obésité chez l’enfant. L’identification de troubles du comportement alimentaire, d’anomalies endocriniennes (retard de croissance, retard pubertaire), de troubles neurosensoriels (vision, audition) ou d’une déficience intellectuelle, orientent vers une obésité génétique. Le diagnostic génétique repose alors sur une analyse de sang (réalisée après consentement écrit du patient) en lien étroit avec le service de génétique clinique.

Quelle prise en charge proposez-vous ?

Au sein du service hospitalier, nous proposons une prise en charge le plus souvent ambulatoire et surtout pluridisciplinaire. L’accompagnement psychologique et/ou psychiatrique est primordial puisque les événements psychologiques peuvent être à la fois des facteurs déterminants et/ou des conséquences négatives de l’obésité. La stigmatisation des personnes en situation d’obésité est fréquemment rapportée par les patients, encore plus quand elle s’accompagne d’une déficience intellectuelle. La prise en charge est également diététique, adaptée à la présence de troubles du comportement alimentaire. Notre centre propose également un accompagnement en activité physique adaptée, essentiel pour améliorer la composition corporelle, favoriser le mieux-être et le lien social. Le centre fait partie du réseau FORCE, réseau scientifique national de recherche sur l’obésité. Il s’agit donc de proposer une prise en charge globale et coordonnée. Dans ce cadre, nous avons plusieurs partenariats (Sport Santé, Equipes relais handicap rares, soins de suite et de réadaptation nutritionnelle, etc). Nous sommes centre de recours pour les patients qui sont suivis pour des obésités complexes au sein d’autres établissements ou par des libéraux sur le territoire Poitou-Charentes. Nous réalisons chaque mois des réunions de concertation pluridisciplinaire afin de créer un espace d’échange entre les professionnels de santé. Pour les obésités génétiques suspectes ou confirmées, nous proposons des réunions quadrimestrielles avec les généticiens cliniciens du CHU, le Dr Gwenaël Le Guyader notamment. Nous sommes les seuls sur ce territoire à proposer cette expertise génétique.

Quels sont les enjeux pour vous ?

Considérant l’expérience que j’ai pu acquérir dans la prise en charge des obésités génétiques, mon objectif est de raccourcir le délai diagnostique et d’améliorer le bien-être de ces patients, à travers une prise en charge globale et coordonnée.

 

Une conférence de sensibilisation grand public sur l’obésité est organisée par notre centre le 7 Septembre 2023 à 19h30 à La Rotative, Buxerolles.