Cancers : des thérapies toujours plus ciblées et personnalisées

Vue aérienne du pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers.

Le pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers, centre de recours pour la prise en charge des cancers, s’appuie sur les avancées de la recherche en matière de développement des médicaments et sur les évolutions de l’imagerie, de la robotisation et de la génomique, pour proposer des traitements du cancer plus personnalisés.

 

Véritable enjeu de santé publique, amplifié par le vieillissement de la population, les changements d’habitudes de vie et les modifications de notre environnement, le cancer constitue toujours la première cause de mortalité en France et son nombre ne cesse de croître.

Toutefois, s’il y a de plus en plus de malades, il y a aussi de plus en plus de patients guéris et d’autres avec une espérance de vie de plus en plus longue. Une des mesures qui a contribué à une prise en charge plus efficace de la maladie est la mise en place du plan cancer engagé en 2003, et l’organisation de la cancérologie dans les établissements autorisés. Le pôle régional de cancérologie de Poitiers a ouvert ses portes en mars 2009. « Ce pôle a transformé l’approche thérapeutique du cancer, précise le Pr Jean-Marc Tourani, chef du pôle régional de cancérologie. Ce n’est plus le malade qui se déplace dans les services, c’est l’expertise et le soin qui viennent à lui. Traiter un cancer suppose la coordination de spécialistes d’horizons différents : oncologues, spécialistes d’organes, chirurgiens, hématologues, radiothérapeutes… Le pôle les a réunis autour du malade. »

Cette synergie a ainsi favorisé l’innovation et dynamisé les équipes, notamment au sein des différentes réunions de consultation pluridisciplinaires (RCP) qui ont vu le jour par organe. La recherche toujours plus foisonnante a encouragé l’émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques via les essais cliniques et de nouvelles organisations ont également vu le jour qui bénéficient aujourd’hui directement aux patients. Une activité toujours plus importante donc qui oblige aujourd’hui à envisager l’agrandissement du pôle régional de cancérologie (voir encadré ci-dessous).

Pôle régional de cancérologie, faire face à la hausse d’activité

Inauguré en 2009, le pôle régional de cancérologie a, du fait de la croissance d’activité, atteint aujourd’hui les limites de ses capacités en termes de places. « En effet, devant une demande croissante d’hospitalisation complète, le service d’oncologie médicale du pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers, qui dispose de 30 lits, a dû s’étendre, fin 2015, au sein du pavillon Aristide-Maillol, avec l’ouverture de 14 nouveaux lits, précise le Pr Jean-Marc Tourani. Et 14 supplémentaires sont en prévision. » A cela s’ajoutent aussi les besoins grandissants en hôpital de jour du fait de l’activité toujours plus importante du service d’hématologie autour de la prise en charge des myélomes. « Il faut souligner que l’activité du pôle est 1,3 fois plus importante que celle du CHU de Limoges et, en termes de traitements médicaux, elle est identique au CHU de Bordeaux. »

L’objectif de cet agrandissement est donc d’étendre le secteur d’hospitalisation complète pour l’oncologie médicale, l’hématologie et la recherche clinique ainsi que pour l’hôpital de jour.

Concrètement un autre bâtiment devrait être construit à côté de ceux du pôle régional de cancérologie. Sera regroupée au rez-de-chaussée la médecine nucléaire, « à l’heure actuelle, éparpillée dans l’établissement  » ; au premier étage sera étendu l’hôpital de jour et au deuxième étage le secteur d’hospitalisation complète. Une ouverture est envisagée en 2022.

Ce dossier n’a pas pour but de souligner de façon exhaustive cette activité de cancérologie menée au sein de l’établissement, pour répondre au mieux à la prise en charge des cancers et offrir une meilleure qualité de vie aux patients, mais de mettre en exergue les nouveautés et les avancées en matière de médicaments, d’évolution de la génomique et de l’imagerie, et les nouvelles techniques focalisées sur la tumeur pour des traitements toujours plus ciblés.

Biothérapie, immunothérapie, des thérapies plus personnalisées Depuis quelques années, la prise en charge du cancer est en train de connaître des évolutions majeures. A côté des traitements traditionnels que sont la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, qui restent encore des préconisations fortes et des armes efficaces, sont apparues, il y a peu, des thérapies dites ciblées ou biothérapies et les immunothérapies. Tout l’intérêt de ces thérapies est qu’elles visent le mécanisme défaillant de la cellule cancéreuse en épargnant les cellules normales du corps contrairement à la chimiothérapie ou la radiothérapie beaucoup plus toxiques.

« Ces nouveaux traitements ont véritablement changé l’approche de prise en charge des cancers, poursuit le Pr Jean- Marc Tourani. Nous sommes passés d’une situation où il fallait absolument détruire la tumeur pour guérir le patient à une certaine forme de chronicisation des traitements, avec un cancer indolent et contrôlé et où l’on estime qu’à l’instar d’un diabète, d’une hypertension, le patient peut vivre avec. »

Contrairement à la chimiothérapie dont le but est de détruire les cellules tumorales, les biothérapies bloquent le plus souvent leur croissance. « Les cas de guérison sont en général faibles, mais l’amélioration de la survie est très significative, elle se compte en mois, voire en années. » Ces médicaments ont une indication dans de nombreux cancers touchant les poumons, les reins, les cancers digestifs, les cancers cutanées qui n’ont pas pu être éradiqués par la chirurgie et/ ou la radiothérapie.

Autre avancée, en matière de traitement, qui révolutionne depuis peu la prise en charge des cancers : l’immunothérapie. « L’immunologie des tumeurs est devenue l’approche la plus prometteuse dans la lutte contre le cancer : les cellules cancéreuses peuvent être ciblées et détruites grâce au système immunitaire du patient. » Concrètement, l’immunothérapie va lever l’inhibition du système immunitaire généré par la tumeur elle-même, de façon à ce qu’il soit en mesure de combattre efficacement les cellules cancéreuses.

Les plus couramment utilisés aujourd’hui sont les inhibiteurs de points de contrôle (check point inhibitors). « Les cellules tumorales sont capables de détourner les dispositifs de contrôle du système immunitaire pour éviter d’être attaquées et détruites. Pour cela, la tumeur déclenche des mécanismes très précis qui inactivent les cellules immunitaires.

L’organisme ne peut pas alors fournir une réponse adaptée pour lutter contre les cellules cancéreuses. » On dit que la tumeur « freine » le système immunitaire. « Des anticorps ont ainsi été découverts, qui agissent en se fixant sur des antigènes à la surface des cellules immunitaires empêchant ainsi les cellules tumorales de se fixer sur eux (les antigènes) et par conséquent empêchant l’inhibition du système immunitaire. » Les principaux cancers à avoir bénéficié de ces avancées sont les cancers du poumon et des mélanomes. « Ils répondent particulièrement bien à l’immunologie, avec des survies très nettement prolongées par rapport aux traitements classiques. Concernant le mélanome, il y a six ans de cela il n’y avait pratiquement aucun traitement. L’espérance de vie d’un patient avec des mélanomes métastatiques, qui était de moins d’un an, est prolongée aujourd’hui de plusieurs années. »

Les cancers digestifs bénéficient aussi de ces biothérapies et des immunothérapies, notamment dans le cancer du côlon. « Depuis 2009, grâce à ces nouveaux traitements, la médiane de survie a doublé pour atteindre cinq ans », précise le professeur David Tougeron, hépato-gastro-entérologue. Et, chaque année, ce sont toujours plus de patients qui intègrent de nouveaux essais cliniques et profitent ainsi précocement de ces nouvelles thérapies.

A court terme, d’autres cancers pourront être concernés comme les cancers urologiques, ORL et d’autres formes de cancers digestifs. « Cependant, au-delà de l’efficacité, il faudra être attentif aux effets secondaires importants de ces produits, souligne le professeur Jean-Marc Tourani. Certaines combinaisons pourraient avoir plus de risques liés aux effets secondaires, notamment par le développement de maladies auto-immunes, que de bénéfices. »

A côté des cancers dits solides, l’oncohématologie a également bénéficié de ces avancés. Le service d’hématologie du CHU est le service de recours du Poitou- Charentes pour toutes les hémopathies malignes, à savoir les cancers du sang et de la moelle osseuse (lymphomes, myélomes, myélodysplasies, leucémies). Le service permet à l’essentiel des malades – plus de 70 % des patients traités – de bénéficier de traitements innovants, via les nombreux essais thérapeutiques auxquels il participe.

Dans ces nouveaux traitements d’avenir, on peut notamment souligner les « check point inhibitors ». « A l’instar des check point inhibitors en oncologie, ces anticorps monoclonaux vont lever l’inhibition des cellules immunitaires du patient qui vont aller s’attaquer à la tumeur, explique le Pr Xavier Leleu, chef du service d’hématologie et de thérapie cellulaire. Si cette technique marche très bien en oncologie dans certains modèles tumoraux, c’est un peu moins vrai en hématologie où cette immunothérapie reste encore en développement. Il y a cependant un domaine où ce traitement est révolutionnaire, la maladie d’Hodgkin. Il permet à des patients souvent jeunes, ayant échoué à des traitements très puissants par chimiothérapie classique, de prétendre à une allogreffe et d’avoir un avenir. »

Une autre révolution en matière d’immunothérapie dans le traitement des leucémies consiste à modifier génétiquement les lymphocytes T pour qu’ils reconnaissent spécifiquement les cellules tumorales et s’attaquent à elles. Il s’agit de la technique dite CAR (Chimeric Antigen Receptor) T-cells. « Combattre la leucémie en utilisant les armes immunologiques n’est pas une idée nouvelle. Elle connaît déjà un accomplissement dans la greffe de moelle osseuse. Cependant, ce qui est totalement nouveau, c’est l’utilisation des lymphocytes du patient pour aller combattre les cellules leucémiques. En quelque sorte, on arme ses cellules. C’est une technique très lourde. Elle nécessite de prélever au patient des lymphocytes T qui vont être modifiés génétiquement in vitro afin d’être dotés d’un récepteur antigénique chimérique leur permettant de reconnaître spécifiquement les cellules tumorales qu’elles vont ensuite tuer. » La lourdeur porte sur le fait que les lymphocytes doivent être envoyés dans un laboratoire dont le plus proche se trouve en Allemagne.

Consultations d’oncogériatrie : une prise en compte des phénomènes de vieillissement

La cancérologie de la personne âgée est devenue, depuis quelques années, un problème majeur de santé publique. D’une part, le pourcentage des 65-70 ans et plus dans la population est en constante augmentation ; d’autre part, près d’un tiers des cancers sont diagnostiqués après l’âge de 75 ans.

Aussi, afin d’offrir une prise en charge en cancérologie la mieux adaptée aux patients âgés, douze créneaux de consultation d’oncogériatrie sont assurés au pôle régional de cancérologie chaque semaine. L’objectif est de prendre en charge le cancer en tenant compte des fragilités propres à chaque individu développées au cours de la vie. Les patients sont adressés à ces consultations à la demande des chirurgiens, des oncologues, des radiothérapeutes ou des spécialistes d’organes afin d’évaluer, chez un patient âgé ayant un cancer, la pertinence de l’indication du traitement proposé et sa faisabilité. « La consultation est une aide à la décision afin de définir le traitement adéquat en fonction de l’état de la personne et engager si nécessaire des mesures correctrices en amont et/ou en aval du traitement, précise le docteur Simon Valero, gériatre et coordonnateur de l’unité de coordination en onco-gériatrie (UCOG) Poitou-Charentes. Il ne faut pas de traitements trop délétères ou, à l’inverse, sous-traiter des sujets âgés dont l’état de santé est particulièrement bon. L’oncogériatrie vise à gommer l’âge chronologique pour raisonner en termes d’âge physiologique. »

A noter aussi : l’unité de coordination en onco-gériatrie (UCOG) Poitou-Charentes et le réseau régional de cancérologie ont lancé en avril une vaste campagne de sensibilisation à l’intérêt du diagnostic précoce du cancer chez les personnes âgées. Cette campagne fait suite à un constat : 20% des personnes âgées disent attendre plus d’un an avant de consulter pour des symptômes clairement définis. Ce retard, dû à la baisse de vigilance et à la peur des traitements, constitue une perte de chances pour ces patients.

Pour le moment, le CHU n’a pas été retenu parmi les trois premiers centres en France. Cependant, par son expertise reconnue internationalement en matière de recherche dans les hémopathies malignes et sa capacité à répondre techniquement à l’organisation que nécessite cette prise en charge (aphérèse lymphocytaire, réception des cellules congelées…), Poitiers pourrait être un des prochains centres en France à la mettre en oeuvre. « J’espère cette année. C’est véritablement un traitement d’avenir. Pour le moment, elle est plus simple à développer en hématologie mais elle aura aussi à terme des débouchés en oncologie. »

Toujours en hématologie, il faut également souligner les progrès importants en matière d’allogreffes. Le CHU propose depuis 2015 des greffes alternatives dites « haplo-identiques ». « Le greffon provient dans ce cas d’un donneur familial qui n’est que semi HLA-compatible (au minimum 5/10e). Ce type de transplantation augmente de façon très significative la chance de trouver un donneur (fratrie, parents, enfants, cousins…) et, en cas d’urgence, d’avoir un greffon très rapidement. » En outre, le service permet à des sujets âgés de plus de 65 ans atteints de leucémies aiguës de bénéficier d’une greffe.

Autre évolution majeure dans la prise en charge médicale des cancers, qui sera d’ailleurs renforcée par le développement des immunothérapies, c’est le développement de l’hospitalisation à domicile. « Actuellement de nombreux traitements administrés sous perfusion en hôpital de jour sont en train, selon les préconisations de l’Agence régionale de santé, d’être externalisés en hôpital de jour, souligne le Pr Jean-Marc Tourani. A terme, il en sera de même pour les immunothérapies. Ce qui évite ainsi aux patients de revenir au CHU tous les quinze jours ou trois semaines. »

Des diagnostics de plus en plus précis
Des prises en charge toujours plus personnalisées sont devenues possibles grâce à des diagnostics de plus en plus précis liés à une meilleure compréhension de la biologie des cancers, particulièrement pour ceux avec de bonnes indications comme les cancers du poumon, du côlon, des ovaires, du sein, de l’estomac, les mélanomes, les sarcomes ou encore les hémopathies malignes. Une précision que l’on doit au travail majeur de caractérisation des cancers réalisé par la plateforme génétique moléculaire du cancer labellisée par l’Institut national du cancer (Inca) depuis 2006, coordonnée par le Pr Lucie Karayan-Tapon.

Le docteur Christine Giraud accompagne les patients lors d’une greffe de moelle osseuse.
Le docteur Christine Giraud accompagne les patients lors d’une greffe de moelle osseuse.

« Aujourd’hui, nous disposons d’un plateau de biologie moléculaire de très haut niveau », précise Jean-Marc Tourani. La France en compte 28, il y en a une par CHU. Son objectif : conforter l’accès aux tests moléculaires de tous les patients pour leur faire bénéficier de thérapies ciblées. Cette plateforme compte un laboratoire de cancérologie biologique qui a comme mission de typer les tumeurs. « Au CHU de Poitiers, le choix a été de regrouper au sein de ce laboratoire l’oncologie moléculaire et l’oncohématologie moléculaire pour plus d’efficacité », précise le Pr Lucie Karayan-Tapon, responsable du service de la cancérologie biologique.

Les cancers sont des maladies du génome comprenant des altérations de la structure des gènes et des anomalies de l’expression de ces gènes en protéines. « Grâce à des techniques de biologie moléculaire, on peut identifier ces altérations génétiques au sein des cellules cancéreuses de façon à mettre en évidence de nouveaux biomarqueurs moléculaires et des cibles thérapeutiques.  » Pour identifier une tumeur, deux approches sont possibles, soit gène par gène, soit par une approche globale. Depuis 2016, grâce à l’acquisition d’un séquenceur haut débit, le service peut dorénavant avoir recours à cette deuxième technique qui a l’avantage de mettre en évidence plusieurs mutations parmi une quarantaine de gènes connus actuellement impliqués dans la cancérogénèse. « Cette technique offre de vrais atouts. D’une part, lorsque les biopsies sont trop petites, ce qui est le cas parfois dans le cancer du poumon, et ne permettent pas d’avoir une approche gène par gène. D’autre part ce typage, plus exhaustif, a l’intérêt de mettre en évidence plusieurs mutations pour lesquelles nous savons qu’il existe des essais cliniques, au sein de l’établissement ou ailleurs, qui pourraient être bénéfiques au patient. »

Dans ce cadre, une RCP d’oncologie moléculaire a vu le jour pour donner la chance aux patients de la région ayant des anomalies repérées dans les différentes analyses génétiques de bénéficier de traitement dans le cadre des essais thérapeutiques. Ou, comme l’explique le professeur David Tougeron, « si l’on sait que telle anomalie connue pour le cancer du poumon répond favorablement à un traitement, le tester sur le patient, même si ce n’est pas le même type de cancer, et voir si cela fonctionne. Car, le mécanisme défaillant visé par les thérapies ciblées peut être commun à plusieurs cancers. »

Une aide à la décision
L’évolution rapide de la biologie moléculaire constitue donc une vraie aide à la décision dans la prise en charge thérapeutique. Et les évolutions vont très vite. « Par exemple, jusqu’en 2016, pour les tumeurs gliales du cerveau, leurs classifications n’étaient que morphologiques, poursuit le Pr Lucie Karayan-Tapon. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de les tester au niveau moléculaire avec une résolution qui est de 10 à 500 fois supérieure à celle du caryotype. Dorénavant, la prise en charge est adaptée en fonction des anomalies observés. »

Une autre avancée du laboratoire porte sur les maladies résiduelles ou la recherche de mutations de résistance dans les hémopathies malignes. « Après traitement, nous avons aujourd’hui les capacités de repérer les mutations de résistance et permettre ainsi d’adapter le traitement du patient. »

Le laboratoire met également en oeuvre une technique de biopsie liquide en direction des tumeurs solides. Le Pr Lucie Karayan-Tapon précise : « Quand des biopsies de tumeurs solides ne sont pas envisageables, nous avons la possibilité de détecter l’ADN des tumeurs relargué lors de la mort cellulaire dans le sang grâce à une méthodologie sensible dite PRC digitale pour détecter l’ADN tumoral circulant. Nous mettons en oeuvre aujourd’hui cette technique pour repérer les mutations et les marqueurs de résistance dans les cancers du poumon et évaluer ainsi l’efficacité d’un traitement. La technique est très performante : sur 1 000 molécules d’ADN détectées, il est possible d’en trouver une anormale. » Cependant, la limite de cette technique est qu’elle n’est actuellement efficace que dans les stades avancés de la maladie.

Plusieurs recherches sont en cours dans la détection de l’ADN tumoral circulant du cancer du côlon et du pancréas menées par le professeur David Tougeron. « A terme, on peut imaginer que, grâce à cette technique, il sera possible de détecter, à partir d’une prise de sang, les états précancéreux de n’importe quelle tumeur sans avoir recours à la biopsie, qui reste un geste invasif. »

Une IRM 7 Tesla : repousser les limites de l’imagerie médicale

A l’instar de l’IRM 3 Tesla qui a révolutionné il y quelques années l’imagerie médicale, l’IRM 7 Tesla qui va être acquise, courant 2019, par le CHU de Poitiers, s’inscrit dans cette même logique : repousser toujours plus loin les limites de l’imagerie. L’intérêt ? Mieux voir et mieux comprendre l’extension d’une tumeur, pour le moment dans des indications de tumeurs cérébrales, afin de mieux adapter le traitement. « Avec cette nouvelle technologie, nous allons augmenter la résolution, la finesse de l’information aussi bien spatiale que métabolique de la tumeur, précise le Pr Rémy Guillevin, chef adjoint du pôle imagerie, à la tête de l’équipe de recherche Dactim-MIS du LMA/UMR CNRS 7348. Lutter contre le cancer nécessite d’être le plus en amont possible de la progression d’une tumeur qui, il faut le savoir, se développe avec un rythme exponentiel. Plus tôt on aura une information précise et fine, meilleures seront les chances d’enrayer le cancer. »

Cette acquisition sera aussi l’opportunité pour le CHU de conforter sa place de premier plan en matière de recherche sur la neuro-oncologie dans la grande région.

A noter aussi, le service de cancérologie biologique a pour projet de constituer un département de génomique humain en s’associant avec le service de génétique constitutionnelle. « L’idée est d’avoir dans une seule et même structure les tests qui informent sur l’état du génome de cellules tumorales et ceux qui apportent des informations sur le patrimoine génétique transmissible pour plus d’efficacité et une meilleure prise en charge des patients », précise le Pr Lucie Karayan-Tapon.

Dans ce cadre, il faut souligner le rôle essentiel de l’oncogénétique dont le but est de rechercher une éventuelle prédisposition héréditaire. Les consultations d’oncogénétique s’adressent à des patients souffrant de formes familiales de cancers seins/ovaires, cancers et/ou polyposes recto-coliques. « Ces derniers dont le cancer s’est déclaré très jeune (moins de 50 ans) ou ceux ayant des antécédents familiaux multiples de cancers sont invités à une consultation d’oncogénétique, explique le Pr Brigitte Gilbert-Dussardier, chef du service de génétique clinique. Pour les personnes qui développent ce type de cancer, il faut savoir que 10 % d’entre elles ont une prédisposition génétique à le développer. « 

Cette consultation complexe obéit à une organisation particulière. Le patient voit une conseillère en génétique qui va réaliser son arbre généalogique. Elle doit récupérer tous les éléments des dossiers médicaux, les résultats auprès des différents hôpitaux afin de répertorier avec l’aide du patient tous les cas de cancers dans sa famille. Si une prédisposition héréditaire est suspectée, une prise de sang est réalisée pour analyser certains gènes. « A partir du moment où l’hérédité est avérée, on demande au patient de transmettre l’information aux membres concernés de sa famille. Un enfant d’un patient atteint d’une forme génétique du cancer du côlon a un risque de 50% d’avoir hérité de l’anomalie génétique. » Le but étant alors que les membres concernés de la famille puissent venir consulter en oncogénétique. « Ceux qui n’ont pas l’anomalie seront complètement rassurés ; quant à ceux porteurs du gène, ils feront l’objet d’une surveillance accrue. »

L’imagerie au cœur des traitements
L’imagerie a connu ces dernières années une avancée remarquable et joue maintenant un rôle essentiel dans la caractérisation des cancers ; en effet elle permet aujourd’hui d’apporter des informations indispensables sur la localisation, la taille, le stade évolutif et le suivi du cancer.

Le plateau d’imagerie du CHU est l’un des plus importants en France relativement à la taille de la structure hospitalière ; il comprend quatre scanners, quatre IRM, deux Tep scanner incluant un plateau dédié à l’imagerie diagnostique du cancer implanté au niveau du PRC (un scanner et une IRM).

A côté de cette approche diagnostique et de suivi des tumeurs, l’imagerie offre aussi de nouvelles ressources thérapeutiques alternatives aux techniques traditionnelles en cherchant une démarche plus ciblée du traitement des cancers. Pour certaines métastases hépatiques, par exemple, la chimiothérapie intra-artérielle permet une approche ciblée des tumeurs. « Via l’artère, nous montons un cathéter jusqu’au foie, ce qui permet de distribuer dans la tumeur de la chimiothérapie à très haute dose », explique le Pr Jean-Pierre Tasu, responsable du pôle imagerie. Toujours par le biais d’un abord artériel, il est possible d’injecter directement dans le foie, au contact des tumeurs, des billes radioactives qui vont traiter localement les lésions. Réalisé en collaboration entre les services de médecine nucléaire et de radiologie, ce traitement est appelé radio-embolisation. « C’est l’application directement dans le foie d’une dose très forte de rayonnement. L’intérêt de cette technique : elle libère une dose très concentrée sans exposer le reste du corps aux effets de ces médicaments et à la radioactivité. »
D’autres techniques de radiologie interventionnelle sont également disponibles comme la radiofréquence. Guidé sous scanner ou sous échographie, le radiologue introduit une ou plusieurs sondes autour ou dans la zone à traiter et la fait chauffer pour détruire les cellules tumorales. « Elle est pratiquée chez des patients ayant des petites tumeurs du foie, du rein ou du poumon et il s’agit d’une alternative efficace à la chirurgie. »

Plantées dans la zone à détruire, les aiguilles du Nanoknife® électrocutent la tumeur par un courant de 3 000 volts.
Plantées dans la zone à détruire, les aiguilles du Nanoknife® électrocutent la tumeur par un courant de 3 000 volts.

L’électroporation est une méthode assez proche où les tumeurs ne sont pas chauffées mais « électrocutées ». Le CHU est leader dans ce domaine car il est un des deux seuls centres en France à être équipé de cette technique aussi appelée Nanoknife®. Ce traitement est actuellement mis en oeuvre dans le cadre d’un protocole de recherche portant sur le cancer du pancréas. Il s’agit d’un cancer de mauvais pronostic dont l’incidence explose, avec plus de 1% de nouveaux cas supplémentaires chaque année et chez des patients de plus en plus jeunes. « L’électroporation se caractérise par l’utilisation d’un courant de très fort voltage. Des aiguilles vont entourer la tumeur et en créant un champ électrique de 3 000 volts, les pores des cellules vont s’ouvrir et au bout d’un certain temps mourir. » Cette technique pourrait être la seule chance de guérison pour certains malades. « Elle est assez difficile à mettre en oeuvre mais les premiers résultats semblent encourageants. » A ce jour, une quinzaine de patients ont pu en bénéficier.

L’apport de l’imagerie a également été d’un bénéfice énorme dans le traitement des tumeurs cérébrales dans le cadre de la chirurgie éveillée. Avec la création du centre cardio-vasculaire, le CHU s’est équipé d’une IRM 3 Tesla associée à la salle de neurochirurgie qui permet, en condition de bloc, de valider les procédures opératoires. « Ce système d’imagerie ouvert sur le bloc chirurgical permet de contrôler pendant et après l’opération la qualité de la résection de la tumeur dans le but de maximiser celle-ci, précise le Pr Rémy Guillevin, chef adjoint du pôle imagerie du CHU de Poitiers. Cet outil fait reculer les frontières tout en s’assurant de ne pas endommager chez le patient ses fonctions cérébrales. »

Encore sous anesthésie générale, au bloc opératoire, le patient est directement emmené dans l’IRM pour contrôle dès la fin de l’opération.
Encore sous anesthésie générale, au bloc opératoire, le patient est directement emmené dans l’IRM pour contrôle dès la fin de l’opération.

Dans ce domaine, l’intérêt aussi pour les patients est de profiter en direct des dernières avancées de la recherche menée par la seule équipe du CHU labellisée CNRS (7348) : Dactim-MIS (Data Analysis and Computation Through Imaging & Modeling) mathématiques, images, santé, équipe du laboratoire de mathématiques et applications de l’université de Poitiers. Celui-ci, dont le professeur Guillevin assure la co-direction, s’intéresse à l’extraction et la modélisation mathématique de paramètres issus de l’imagerie médicale. « Nous exploitons les systèmes d’imagerie afin de mettre en place des applications qui permettent de mieux guider et de mieux adapter les traitements anticancéreux. Les paramètres issus de l’IRM (flux sanguin, quantification des métabolites, lactate, ATP, choline, etc.) servent à alimenter des modèles mathématiques dans le but de prédire le fonctionnement et, par extension, le développement de la tumeur mais aussi la réponse thérapeutique à un traitement donné. » Pour le moment, cette recherche profite aux lésions tumorales cérébrales « mais à terme d’autres cancers pourront être concernés comme ceux des reins, du foie ou de la prostate ».

Cette structuration autour des tumeurs cérébrales donne un caractère unique au CHU de Poitiers. « En effet, nous sommes le seul établissement en France à disposer de cette combinaison complète : une plateforme d’imagerie de recherche à haut champ connectée au bloc opératoire où un neurochirurgien propose de la chirurgie éveillée. » A côté des traitements, à proprement parler, l’imagerie est aussi amenée à assurer la surveillance des cancers. « Elle donne des indications précieuses sur la nécessité de diminuer ou d’augmenter le traitement « , souligne le Pr Jean-Pierre Tasu. Aussi, dans ce souci d’un meilleur suivi du patient, le CHU va se doter d’un Tep-IRM, association d’une Tep et d’une IRM, qui permettra d’acquérir au cours d’un même examen, et sur une seule séance, les données morphologiques de l’IRM et les informations fonctionnelles et métaboliques des organes obtenues par la Tep. « Cet outil offrira une meilleure vision sur la caractérisation des cancers et favorisera une meilleure évaluation aux traitements. » Il aura aussi une vocation de recherche dans le cadre des cancers de la prostate, du foie et du cerveau par exemple.

Des techniques de recours Le CHU a également développé très tôt des techniques de recours, comme la chimiothérapie hyperthermie intrapéritonéale (Chip) pour les personnes atteintes d’un cancer digestif avec carcinose péritonéale. Ce qui lui permet aujourd’hui, et ce depuis six mois, de proposer une alternative dénommée Pipac (chimiothérapie intrapéritonéale pressurisée par aérosols) dans les cas trop évolués qui ne peuvent bénéficier de la Chip.

« Il y a une dizaine d’années, ce type de cancer de l’appareil digestif était confronté à une impasse thérapeutique, précise le professeur Michel Carretier, chef de service de chirurgie viscérale. Ni la chirurgie, ni la chimiothérapie n’apportaient une réponse convenable aux patients et leur survie ne dépassait pas quelques mois. Avec la Chip, elle atteint 5 ans dans 30 % des cas pour le colorectal. » Sa spécificité réside dans la combinaison de l’ablation complète des tissus tumoraux et de l’application directe de la chimiothérapie dans l’abdomen du malade. « Cette administration, chauffée à 43°C, avec une concentration 10 fois supérieure en chimiothérapie qu’une injection intraveineuse, permet d’avoir un maximum d’efficacité sans toxicité. C’est l’action combinée de la chaleur et de la chimiothérapie qui détruit les cellules cancéreuses microscopiques. »

Jusqu’alors ceux qui avaient une forme trop évoluée avec la carcinose péritonéale très étendue ne pouvaient être éligibles à la Chip. Depuis six mois, ils ont la possibilité d’avoir recours à une nouvelle technique, la Pipac. Actuellement seuls quelques centres en France la proposent. Mise en oeuvre par le docteur Thomas Courvoisier, cette technique innovante consiste à vaporiser sous pression par laparoscopie (cœlioscopie de l’abdomen) de la chimiothérapie directement dans la cavité péritonéale d’un patient sous forme d’aérosol. En plus d’agir au plus près des tumeurs, cette technique permet une diffusion de la chimiothérapie en profondeur dans le péritoine. Renouvelée en moyenne trois fois, elle est entrecoupée de séances de chimiothérapie. Dans certains cas, elle fait diminuer la carcinose et permet ainsi de réaliser une Chip.

La chirurgie viscérale a également développé, depuis un an, en coopération avec le service d’urologie, une unité de cancérologie pelvienne de recours dont le but est de procéder à l’ablation des très grosses tumeurs du rectum qui envahissent la vessie et/ou l’appareil urinaire.

Autre organe, la prostate, autre technique, la curiethérapie. Et notamment celle à haut débit qui constitue une technique particulièrement efficace dans la prise en charge du cancer de la prostate. Le CHU de Poitiers a, là aussi, très tôt, fait le choix de s’orienter, à l’initiative du docteur Stéphane Guérif, oncologue radiothérapeute, vers cette technique qui place aujourd’hui l’établissement comme deuxième centre en France en nombre de patients traités. En 2017, 367 ont été pris en charge.

L’activité de la cancérologie en chiffres

> 60 555 séjours en 2017 (+ 4 %), soit 38 % de l’activité du CHU de Poitiers qui se répartissent de la façon suivante : 9 141 séjours en oncologie hématologique : 17 385 séjours en oncologie médicale, 33 848 séjours en oncologie radiothérapeutique
> 31 690 (+2 %) consultations, c’est l’activité du plateau de consultations, dont 29 977 consultations externes, soit : 13 564 en oncologie médicale ; 8 372 en oncologie hématologique ; 8 060 en oncologie radiothérapique ; 241 en onco-gériatrie
> 34 allogreffes ont été réalisées en 2017
> 590 patients ont subi une curiethérapie haut débit et 249 une curiethérapie interstitielle
> 50 240 préparations de chimiothérapie en 2017 (environ 200 préparations par jour) réalisées dans l’unité de reconstitution des chimiothérapies de la pharmacie (+8 %)
> 160 études en essais cliniques (molécules injectables et per os)

La curiethérapie à haut débit de dose est une technique mini-invasive qui utilise une source radioactive circulant au contact ou au sein de la tumeur pour y délivrer une forte dose d’irradiation dans un volume-cible limité. Sous contrôle d’imagerie en temps réel, elle utilise un robot qui pilote une source d’iridium miniaturisée dans les vecteurs posés de façon mini-invasive sous anesthésie. « La curiethérapie à haut débit permet ainsi d’envisager des irradiations beaucoup plus fortes dans la tumeur, multipliées par deux, tout en épargnant la partie saine de l’organe et ceux à proximité. » Le CHU dispose d’un plateau technique dédié où se déroulent la pose des vecteurs sous imagerie multimodale 3D et les séances d’irradiation. « La précision de l’escalade de doses augmente le contrôle local avec un gain potentiel en survie pour le patient par rapport à une irradiation externe conventionnelle », souligne le docteur Guérif. Depuis 2015, le service de curiethérapie a validé cette approche en situation de rattrapage avec des résultats très positifs. « En effet, aujourd’hui nous avons des taux de récidive de seulement 2 %. L’objectif est donc de proposer cette technique en première intention et en ambulatoire pour le cancer de la prostate dans un premier temps et celui du sein dans un second temps. » Dans ce cadre, un projet d’une unité de curiethérapie ambulatoire devrait voir le jour en 2019, une première en France. Ce qui se concrétisera par la création d’un deuxième bloc opératoire à haut débit de dose et d’un espace ambulatoire de cinq lits.

A l’ère des robots
Dans cette lutte contre les cancers, une autre avancée technologique a fait son apparition il y a peu : les robots chirurgicaux. Moins invasifs et donc moins traumatisants, ils permettent une chirurgie plus fine qui ouvre de nouveaux horizons. « Face au cancer du poumon, la meilleure chance de guérison reste la chirurgie lorsque le cancer est localisé, précise le professeur Christophe Jayle, chirurgien cardio-thoracique. Acte que nous réalisons régulièrement en chirurgie thoracique pour les grosses tumeurs (plus de 3 cm). Mais, ces dernières années, la population des patients a complètement changé avec le tabagisme féminin. On a vu une recrudescence du cancer des poumons chez la femme caractérisée par des petites tumeurs. Toute la problématique a été de se demander comment opérer dans les règles de l’art en étant le moins invasif possible ? » Le robot DaVinci®, acquis par le CHU en 2015, a permis d’y répondre. Il est aussi bénéfique pour les personnes fragiles, âgées ou en insuffisance respiratoire. « Le grand intérêt de cette technologie de pointe est de ne pas ouvrir la cage thoracique du patient. Nous faisons seulement cinq trous entre les côtes pour passer les bras munis des instruments et de la caméra. La chirurgie est plus fine, plus méticuleuse. » Autre intérêt et pas des moindres : « Le patient a une réduction considérable des douleurs post-opératoires et plus de la moitié de ceux opérés par cette technique sortent au deuxième jour. » La limite de la technique : elle ne traite que les tumeurs de moins de 3 cm. A l’heure actuelle, deux patients par semaine sont opérés via le robot DaVinci®, « ce qui ne représente que 20 % des cancers du poumon. Car huit cancers sur dix sont à des stades trop avancés pour avoir recours à la chirurgie. » Le CHU est le seul établissement à proposer cette technique en Nouvelle-Aquitaine.

Une autre avancée est attendue dans les cancers du poumon, entre autres, avec l’acquisition par l’établissement du CyberKnife (voir encadré). Cette nouvelle arme de radiothérapie stéréotaxique va permettre d’irradier de façon très précise des nodules non opérables.

Le robot DaVinci® constitue également pour le service d’urologie un apport essentiel dans la prise en charge des cancers de la prostate opérés le plus généralement en cœlioscopie. « Cette technique de chirurgie mini-invasive offre un confort de travail incroyable, précise le docteur Pierre Pillot, urologue, à savoir une vision 3D et une manipulation qui retranscrit fidèlement les mouvements complexes des mains à l’aide de pinces articulées et miniaturisées. Elle nous permet d’aller plus loin dans les dissections. » Des atouts qui ont permis d’étendre l’activité sur de nouvelles indications notamment les cancers de la vessie, des reins ou encore des voies excrétrices supérieures urinaires difficilement envisageables en coelioscopie et qui étaient traitées en chirurgie ouverte, donc beaucoup plus traumatisantes pour le corps du patient. Car c’est aussi l’atout majeur du robot DaVinci® : en plus des incisions réduites, cette technique permet une durée d’hospitalisation diminuée grâce à une récupération physique plus rapide en raison de douleurs moins importantes qu’en chirurgie ouverte.

Le docteur Thomas Charles, chef du service d’urologie, estime que cette technologie « a révolutionné les pratiques dans le service. Une dynamique s’est créée autour de ce nouveau plateau technique. Aujourd’hui, le service compte d’ailleurs un des sept urologues en France effectuant la reconstruction de la vessie. » Avec l’arrivée du robot, le docteur Simon Bernardeau, urologue, réalise en effet, depuis l’été dernier, des cystectomies via le robot puis, à partir de l’intestin, fait une reconstruction vésicale. « Chose quasi impossible en cœlioscopie et les temps d’hospitalisation sont divisés par deux, précise ce dernier. Grâce à cette chirurgie mini-invasive, les répercussions psychologiques sur le patient sont aussi limitées car il n’y a pas de modification de son schéma corporel (le patient n’a pas de poche sur le ventre par où les urines s’écoulent). » Un projet d’acquisition d’un second robot DaVinci® est actuellement en cours qui déboucherait sur la création d’une unité de chirurgie robotique. L’objectif étant de faire profiter de cette technologie à d’autres spécialités notamment pour le traitement des cancers colorectaux ou la chirurgie hépatique. En outre, cette unité encouragerait la formation des internes à cette nouvelle technologie.

Autant d’avancées dans le diagnostic et le traitement des cancers qui aujourd’hui s’assoient sur une recherche particulièrement foisonnante au sein de l’établissement. « La recherche fondamentale s’appuie sur plusieurs axes de développement qui sont les tumeurs cérébrales, les métastases cérébrales, l’ADN tumoral circulant, les tumeurs digestives, notamment celles du pancréas et du colon, l’immunologie, l’hématologie dans le myélome et la leucémie ou encore le médicament intelligent. Quant à la recherche clinique, elle offre aujourd’hui l’opportunité aux patients de bénéficier très tôt de l’accès à de nouvelles molécules via les nombreux essais cliniques », conclut le Pr Jean- Marc Tourani.

Le Cyberknife à l’oeuvre au pôle régional de cancérologie de Poitiers.
Le Cyberknife à l’oeuvre au pôle régional de cancérologie de Poitiers.

CyberKnife, un robot révolutionnaire

Depuis début janvier, le CHU de Poitiers s’est doté d’une nouvelle arme thérapeutique en direction des cancers (le tout premier dans un centre hospitalier public de la Nouvelle-Aquitaine) au nom très évocateur, CyberKnife.

Cet appareil de radiothérapie stéréotaxique robotisée permet de traiter les tumeurs d’accès difficile non opérables ou en impasse thérapeutique avec une très grande précision tout en épargnant les tissus sains entourant la tumeur. Le CyberKnife est un accélérateur de particules miniaturisé, monté sur un bras robotique qui tourne autour du patient dans toutes les directions, associé à un système d’imagerie embarqué.

« Le CyberKnife contrôle en temps réel la position du patient durant le traitement et suit les mouvements des organes et de la tumeur liés à sa respiration en temps réel pour adapter l’irradiation, explique le Dr Antoine Berger, radiothérapeute, responsable de l’équipe de radiothérapie. La principale différence avec la radiothérapie classique est liée à la très grande précision du traitement, qui permet d’augmenter les doses par fraction sur des cibles bien précises et de réaliser des traitements “radio-ablatifs”, tout en limitant la dose reçue par les organes sains entourant la tumeur. Ces fortes doses permettent aussi de diminuer significativement le nombre de séances nécessaires. »

A l’heure actuelle, les principales indications concernent les métastases cérébrales, les métastases osseuses de la colonne vertébrale, le cancer du poumon et les tumeurs hépatiques. La méthode a toutefois ses limites : « Elle est adaptée à des tumeurs d’une taille maximale de 6 à 8 cm. »

Dossier issu du CHU magazine n°76.