Orthopédie : une équipe en mission humanitaire au Togo

Opération prothèse de hanche

Une équipe du service de chirurgie orthopédique et traumatologie du CHU de Poitiers s’est rendue au Togo en mai dernier pour une mission humanitaire d’environ trois semaines. Au programme : la pose de prothèses de hanches et la formation du personnel médical et paramédical à cette intervention. Cette mission a été organisée par l’association « Mains d’espoir et de solidarité », fondée par Komi Bansah, infirmier-anesthésiste, les docteurs Alexandre Losson et Pierre Bouget, chirurgiens-orthopédistes au CHU de Poitiers, et Claude Soglo, gestionnaire à l’Université de Poitiers. Une équipe soudée, autour d’un même objectif : aider les autres.

A l’origine du projet

Komi Bansah est infirmier-anesthésiste. Originaire du Togo, il exerce depuis 2019 dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologie du CHU de Poitiers. Ayant toujours eu une activité associative ou humanitaire, Komi Bansah ne se voyait pas stopper ces activités une fois arrivé en France, d’autant que l’écart de moyens et de conditions de travail entre la France et le Togo l’ont frappé à son arrivée : « on jette des choses qui peuvent être très utiles là-bas », explique-t-il. Le matériel réformé, usé, ou périmé, qui chez nous part à la poubelle peut s’avérer très utile pour les équipes togolaises. Il a donc commencé à organiser un envoi régulier de matériel. « C’est naturel pour moi », explique-t-il.

En parallèle, les docteurs Alexandre Losson et Pierre Bouget, nourris des récits de missions humanitaires des représentants des laboratoires avec lesquels ils travaillent, mûrissent le projet de créer une association pour apporter leur pierre à l’édifice. Finalement, il y a environ un an, l’association « Mains d’espoir et de solidarité » voit le jour, née de la rencontre entre ces trois professionnels, mais également grâce à l’appui du Dr Gamal Ayouba, leur contact au Togo. « C’est important de savoir qu’on peut compter sur quelqu’un, sur place, pour suivre le projet », explique Komi Bansah.

La prothèse de hanche comme premier objectif

Pour cette première mission, l’équipe a décidé de se concentrer sur un type d’intervention en particulier : la pose de prothèse de hanche. Un choix motivé notamment par la forte demande, puisque la population du Togo est particulièrement touchée par la drépanocytose, pathologie du sang qui entraîne une nécrose de la tête fémorale, et donc une fragilisation de la hanche. L’apport du laboratoire Advanced Technical Fabrication (ATF), principal partenaire de l’association pour cette mission, et avec lequel l’équipe a l’habitude de travailler, a également été décisif dans cette décision. En effet, ce laboratoire participe à des missions humanitaires au Cambodge, pour cette même intervention. L’équipe a donc pu bénéficier de leur expérience, d’autant plus que ces actions se sont arrêtées à cause de la crise sanitaire.

Le laboratoire ATF a également fourni tout le matériel à poser, c’est-à-dire les prothèses, mais également les ancillaires de pose et les tiges, et d’autres laboratoires ont complété ces dons : le laboratoire SERF a apporté des fonds et du matériel, le laboratoire Zimmer a fait don de ciment chirurgical, indispensable à l’intervention, et les laboratoires JMS, SMK et United Orthopedic ont apporté une contribution financière. « Nos partenaires ont été très généreux, sans eux, rien n’aurait été possible ! », souligne le Dr Losson.

Préparation de la mission : un défi d’organisation et de logistique

L’organisation de la mission a été un gros travail, « on n’avait aucune expérience en la matière », souligne le Dr Losson. Heureusement, l’équipe a pu bénéficier du soutien de leurs collègues dans cette préparation, et notamment de l’aide logistique de Mickaël Magnard, gestionnaire de matériel aux blocs opératoires, et de Vanessa Becq-Giraudon, référente logistique des blocs opératoires.  Les médicaments et ressources pharmaceutiques ont quant à eux été généreusement fournis par la pharmacie des Couronneries à Poitiers, à prix coûtant. Un apport considérable pour la mission !

Une fois le matériel rassemblé, la sélection des patients qui seraient opérés a pu débuter. Le Dr Ayouba a effectué une première sélection d’une trentaine de patients. « Nous avons ensuite étudié chacun des dossiers pour sélectionner les patients que nous pouvions opérer », explique le Dr Losson, et ce en fonction du matériel dont ils disposaient. « On a fonctionné à l’inverse de ce que l’on fait habituellement », indique-t-il. En France, la prothèse et les tiges utilisées sont choisies en fonction du patient. « En France, on a tout ! Toutes les tailles de prothèses, de tiges… Au Togo, on a dû sélectionner les patients qui correspondaient au matériel dont on disposait ».

Et les différences avec leur quotidien de Poitiers ne s’arrêtent pas là ! Si en France, les patients pris en charge pour la pose de prothèse de hanche sont plutôt des personnes âgées, qui souffrent d’arthrose, la moyenne d’âge des patients pris en charge par l’équipe au Togo avoisinait plutôt la trentaine d’années, à cause de la drépanocytose.

Un bilan très positif

L’ensemble des opérations réalisées s’est bien déroulé, même si l’abord par voie mini-invasive, comme c’est le cas à Poitiers pour ce type d’opération, n’a pas pu être retenu. En effet, il n’était pas possible pour l’équipe d’opérer sous anesthésie générale, car les hôpitaux ne disposaient pas de salle de réveil. « On ne pouvait pas confier des patients encore intubés aux équipes de soignants, qui n’étaient pas formés pour ce type de prise en charge ». Et rester à leur chevet aurait impliqué un nombre moins important d’opérations réalisées, « nous avons donc fait le choix d’une approche plus classique, possible sous rachis-anesthésie », explique le Dr Losson. Un compromis nécessaire, pour la sécurité des patients. Aucune complication n’est survenue suite aux opérations. « Ce n’était pas gagné, car les normes d’hygiène ne sont pas les mêmes du tout, et surtout, il y a un réel manque de moyens ». Même si l’équipe avait apporté du matériel de désinfection, les conditions étaient très différentes de celles qu’ils connaissent à Poitiers.

plan de la prothèse

Le suivi post-opératoire est ensuite réalisé par le Dr Ayouba, mais l’équipe de Poitiers reste en contact avec lui, en cas de complications. « Notre volonté, c’était de pouvoir prendre en charge les patients du début à la fin, pour qu’ils n’aient rien à débourser ». Au Togo, il n’y a pas d’assurance santé, c’est le patient qui paye tout, et même le matériel utilisé par les chirurgiens. « Après la consultation, le chirurgien délivre une ordonnance au patient, qui doit lui-même aller acheter tout le matériel nécessaire : médicaments, mais aussi anesthésie, prothèse, etc. ». La prise en charge revient au total à environ 5 000 euros pour le patient, un montant exorbitant, surtout lorsqu’on le compare au salaire moyen du Togo, qui est de 50 euros. « Il n’y a que les plus riches qui arrivent à se faire opérer ». Au total, une quarantaine de prothèses sont posées par an dans tout le Togo, contre 400 par an au CHU de Poitiers. Au cours de la mission des Poitevins, ce sont 18 prothèses qui ont pu être posées au total.

D’autres missions à venir

Forte de cette expérience, l’équipe a déjà tiré des leçons pour améliorer encore son action pour les prochaines fois, en prévoyant notamment du matériel supplémentaire, qui leur a manqué sur place. Par exemple des appuis utilisés sur les tables d’opération, qui leur ont fait défaut : « on maintenait avec ce qu’on pouvait », évoque Komi Bansah. Cela peut paraître anecdotique, mais ce sont ces éléments qui font la différence. « On opérait en trois heures environ, quand on met une à une heure et demie à Poitiers pour la même intervention », explique le Dr Losson.

A terme, l’équipe aimerait pouvoir proposer de la traumatologie, pour des missions futures. « C’est plus délicat, comme ce ne sont pas des opérations programmées », explique le Dr Losson. Avec les prothèses de hanche, il est possible de prévoir à l’avance le nombre de patients, le matériel nécessaire, les médicaments, l’anesthésie. Or, pour la traumatologie, c’est impossible. « Sur une mission ponctuelle, cela parait compliqué, mais on garde ce projet en tête ».

En plus de la satisfaction d’aider les autres, cette expérience a constitué un réel enrichissement personnel, pour toute l’équipe. « On ne voit plus les choses du même œil quand on rentre », explique le Dr Losson. Cette première mission fait des émules au sein du CHU, notamment dans les services d’ophtalmologie et d’urologie, qui feront probablement partie de la prochaine. « On aimerait y retourner tous les ans », explique le Dr Losson. Ce qu’ils retiennent de cette expérience ? « La gratitude que l’on peut lire dans les yeux des patients ».