La recherche au service de la chirurgie de l’incontinence et du prolapsus chez la femme

Au CHU de Poitiers, deux études sur les récidives et complications qui peuvent survenir après une chirurgie de l’incontinence ou du prolapsus chez la femme, VIGIMESH et DATAMESH, sont menées au centre d’investigation clinique (CIC 1402) par le Pr Xavier Fritel, chirurgien gynécologue au CHU de Poitiers.

Ces études sont nées du besoin des cliniciens d’obtenir des statistiques quant aux possibles complications de ces chirurgies, afin de pouvoir répondre aux inquiétudes de leurs patientes. « Près de 20% des femmes seront concernées, au cours de leur vie, par des problèmes d’incontinence ou de prolapsus. Cela représente une grande part de la population ! », souligne le Pr Fritel. En effet, ces problèmes sont souvent liés au vieillissement ou à la grossesse, et sont donc assez courants.

Il est possible, dans certains cas, de les traiter par la chirurgie, avec ou non la pose d’un implant. C’est la mesure de l’efficacité de cet implant qui a constitué le point de départ des études VIGIMESH et DATAMESH.

VIGIMESH : recueillir le témoignage et le ressenti des patientes

C’est en 2014, que les prémices du projet ont commencé à voir le jour, et c’est en 2016 que l’étude VIGIMESH a obtenu les financements requis, après avoir répondu à l’appel d’offres de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

L’objectif de l’étude est de répertorier les événements rares qui peuvent survenir suite à une chirurgie de l’incontinence ou du prolapsus, que ce soit à court terme ou à plus long terme, et de les quantifier. Les complications les plus fréquentes sont les infections et hématomes liés à l’opération, le rejet de l’implant, ou, à plus long terme, des douleurs chroniques ou des troubles urinaires. Mais au-delà du référencement de ces complications, l’étude se focalise également sur le ressenti des femmes. « C’est un important volet de l’étude, on va au contact des patientes pour leur demander comment elles se sentent après leur intervention », explique le Pr Fritel.

L’inclusion dans l’étude débute dès l’intervention, et se poursuit sur 10 ans, lorsque cela est possible. « La médiane du temps au bout duquel apparaissent les complications est de 5 à 6 ans, nous avons donc décidé de suivre les patientes sur ce temps prolongé de 10 ans ». Aujourd’hui, plus de 10 000 femmes, prises en charge dans 30 centres français, participent à l’étude VIGIMESH, constituant ainsi le registre français de la chirurgie du prolapsus. C’est le centre d’investigation clinique (CIC 1402) du CHU de Poitiers qui gère les données de cette étude : ses équipes prennent contact régulièrement avec les patientes, leur demandent de remplir des formulaires et d’apporter leur témoignage, et recueillent également les données chirurgicales, avant de traiter l’ensemble.

Le fait d’étudier et de mesurer les risques de complications permet d’améliorer l’information qui est apportée aux patientes avant l’intervention. Les premiers résultats démontrent que les risques de complications et de récidives sont très faibles, de l’ordre de quelques pourcents seulement, et seules 1% des prothèses posées doivent être retirées.

Grâce aux données de l’étude, on mesure la fréquence de survenue des événements, mais aussi les facteurs de risque, à partir des caractéristiques des patientes. « Notre but, c’est de comprendre ce qui cause ces complications », explique le Pr Fritel, « et de déterminer s’il y a des risques évitables ».

En plus des caractéristiques inhérentes à la patiente, d’autres éléments sont à prendre en compte, comme par exemple le type de procédure utilisé, qui peut varier d’un centre à l’autre, ou selon le profil de la patiente.  

Malgré le nombre conséquent de patientes incluses dans l’étude, les données ne permettent pour le moment pas de répondre précisément à la question des causes de complications. « Sur les 10 000 femmes incluses, seules quelques centaines ont développé des complications, et ce pour des raisons qui peuvent différer : âge, type de procédure, antécédents, etc. De plus, elles ne présentent pas forcément les mêmes complications. Avec les données actuelles, nous ne pouvons répondre qu’au début de la question, il faut inclure davantage de participantes pour affiner nos résultats », explique le Pr Fritel.

C’est justement pour compléter ces premières données que l’étude DATAMESH a été mise en place.

DATAMESH : consolider avec les données de l’Assurance maladie

En effet, DATAMESH permet de comparer les données collectées dans le cadre de VIGIMESH avec les données de l’Assurance maladie, à la fois sur les femmes déjà incluses dans l’étude, mais également sur les patientes des autres centres, qui n’ont pas souhaité participer à l’étude VIGIMESH. Ce sont les données d’une dizaine de centres supplémentaires qui ont pu être ajoutées, par rapport à l’étude VIGIMESH, sous forme d’une inclusion rétrospective. En effet, l’investissement en temps nécessaire pour VIGIMESH était trop important pour ces centres, souvent de taille plus modeste. Avec DATAMESH, les chercheurs vont chercher l’information directement dans les données de l’Assurance maladie, et n’ont donc pas besoin de solliciter les cliniciens. « DATAMESH constitue en fait l’évolution de l’étude VIGIMESH, elle vient en compléter les données », ajoute le Pr Fritel.

Les informations collectées sont plus fiables, puisqu’elles reposent sur les codes de prise en charge qui ont été remontés à l’Assurance maladie, et elles permettent de mesurer l’état de santé des patientes plus finement, en donnant accès par exemple aux médicaments qui leur sont prescrits, ou bien aux consultations de médecine générale. Autre avantage, cette entrée permet de continuer à obtenir des données, même si les coordonnées de la patiente changent, contrairement au système de prise de contact de VIGIMESH. Cependant, les données restent moins riches que VIGIMESH. « Avec DATAMESH, on ne recueille que des codes, là où VIGIMESH permet de recueillir d’une part le bilan opératoire rédigé par le chirurgien et le ressenti de la patiente d’autre part », explique le Pr Fritel. Au total, ce sont les données de près de 13 000 femmes qui ont pu être collectées pour le moment.

La prochaine étape est donc de comprendre les mécanismes de complications, et pour cela, il faut continuer d’inclure des patients, que ce soit par le biais de l’étude VIGIMESH ou de l’étude DATAMESH. Et le nerf de la guerre, comme pour tout projet de recherche, c’est le financement. « L’originalité de ces études, c’est que ce sont des études « à l’économie », elles s’appuient sur des données déjà existantes. Malgré tout, le traitement de ces données a un coût », explique le Pr Fritel. Il faut donc relier ces études à des appels à projets de fabricants de prothèses, de la Haute Autorité de santé ou de sociétés savantes, afin de pouvoir poursuivre ces travaux.