Réchauffer les patients opérés : un PHRIP obtenu

PHRIP Reglo

Un soutien financier a été attribué par le ministère de la Santé au projet RéGlo : « Impact d’une stratégie de réchauffement global du patient, de son arrivée au bloc opératoire jusqu’à sa sortie en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) versus une prise en charge recommandée de réchauffement per opératoire sur la prévalence de l’hypothermie en SSPI ».

Marion Said, Stéphane Foulonneau, Alain Charré et Laurent Guignard sont infirmiers anesthésistes diplômés d’Etat (IADE) au CHU de Poitiers.

Marion a obtenu son diplôme d’IADE il y a trois ans. Durant son cursus de formation, elle a écrit son mémoire sur le réchauffement per-opératoire des patients avec une évaluation des pratiques professionnelles au CHU de Poitiers. Une fois diplômée, Marion a été encouragée à poursuivre cette étude « de terrain », par son directeur de mémoire, Stéphane Foulonneau, avec la collaboration d’Alain Charré et de Laurent Guignard, IADE formateurs à l’école d’infirmiers anesthésistes.

Passionnés par le sujet et soucieux de faire évoluer la prise en charge des patients, ils ont entrepris les démarches pour aller plus loin et construire un projet dont ils sont les investigateurs. Ce dernier vient d’obtenir un financement du ministère de la Santé en étant reçu au programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP).

Toute personne ayant déjà subi une intervention chirurgicale se souvient de cette impression de froid en arrivant au bloc opératoire. La température n’est pas la seule responsable de cette sensation puisque, réglementairement, elle est réglée entre 18 et 21°. A ce jour, aucune étude ne prouve que la température du bloc influe sur la température du patient.

Mais de nombreux facteurs influent sur le ressenti du froid perçu par les patients.

Tout d’abord, le système de ventilation crée un flux d’air descendant qui fonctionne constamment et qui accentue cette sensation de courant d’air froid pour le patient, installé sur la table d’opération sans bouger, légèrement habillé.

Ensuite, l’anesthésie est en partie responsable de l’hypothermie puisqu’elle inhibe les mécanismes de réchauffements naturels du corps la thermo genèse (les frissons). Elle est responsable de la redistribution de la chaleur corporelle.

Ces principes étant posés, de nombreux travaux existent sur le réchauffement péri-opératoire des patients faisant évoluer les techniques. Le problème est bien connu depuis plus de 25 ans, mais les pratiques à ce sujet évoluent peu. Actuellement, le réchauffement des patients n’a lieu que pendant l’opération au moyen d’une couverture chauffante à air pulsé, qui est arrêtée en fin d’intervention et rarement utilisé en salle de réveil. Parfois, pendant certaines interventions les patients peuvent ne pas être réchauffés.

La société française d’anesthésie-réanimation (SFAR) donnent des recommandations sur le réchauffement des patients. Ces recommandations datent de 2018 mais la pratique courante diverge pour différentes raisons.

La couverture chauffante à air pulsé est d’usage courant mais d’autres techniques existent également, comme le réchauffement des fluides par la perfusion, le réchauffement des fluides irrigués par les chirurgiens et le réchauffement du gaz de cœlioscopie qui, pour ce dernier, est moins utilisé.

Enfin, Marion, Alain, Stéphane et Laurent ont constaté que certains patients étaient déjà en hypothermie avant l’arrivée en salle d’opération, ce qui est majoré fortement pendant l’intervention, toujours présent en salle de réveil et à la sortie de celle-ci.

Pour lutter contre ce phénomène d’hypothermie péri-opératoire, l’équipe d’investigateur a décidé de procéder au réchauffement des patients avant, pendant et après l’intervention, de façon systématique. Ainsi, la température du corps devrait être augmentée en pré-opératoire. Différentes études ont déjà démontré que plus un patient était réchauffé avant l’intervention, moins la température baissait pendant la chirurgie.

Le protocole de la recherche sera donc de réchauffer les patients, de la salle d’attente du bloc opératoire jusqu’à leur sortie de salle de réveil afin de couvrir tous les facteurs de risque d’hypothermie. Un grand changement des pratiques se profile, puisqu’il implique plusieurs corps de métiers : les infirmiers anesthésistes, les infirmiers de blocs opératoires et de salle de réveil, les aides-soignants, les médecins anesthésistes et les chirurgiens.

140 patients seront inclus lors de cette étude : 70 patients seront réchauffés comme le préconise la SFAR actuellement, soit dix minutes avant l’endormissement et tout le temps de la chirurgie ; 70 patients le seront avant, pendant et après l’intervention.

L’inclusion devrait débuter au second semestre 2024, après l’avis du comité de protection des personnes, et devrait durer vingt-quatre mois, à raison d’un patient par semaine.

Les données seront ensuite collectées et analysées par un attaché de recherche clinique et des biostatisticiens afin que les résultats obtenus puissent être exploités et soient mis en forme pour écrire un article scientifique qui fera l’objet d’une publication.

Outre l’intérêt pour ce projet, les quatre infirmiers anesthésistes ont pour objectif de faire connaître leur métier et de démontrer que les IADE peuvent aussi faire de la recherche. Frédérique Chevereau, cadre infirmier anesthésiste, responsable de l’équipe d’IADE, les soutient activement dans leur démarche ainsi que les nombreux projets portés par cette équipe dynamique.

Exerçant une profession peu connue du grand public, ces « marchands de sommeil » (NDLR : ils sont 65 au CHU de Poitiers), dont les visages sont souvent oubliés par les patients, œuvrent pourtant, au quotidien, au bien être des patients sur leur parcours péri-opératoire, en étroite collaboration avec les médecins anesthésistes.