Covid-19 : identifier les variants

Une course contre la montre est lancée afin de freiner la propagation des variants du SARS-CoV2 considérés plus contagieux. Les pouvoirs publics ont mobilisé les laboratoires hospitaliers dans la traque aux variants. Depuis janvier, le laboratoire de virologie du CHU de Poitiers s’adapte et utilise des techniques d’identification pour un suivi épidémiologique plus précis. C’est Caroline Michaud[1], qui sous la responsabilité du Pr Nicolas Lévêque, a été chargée de l’organisation du génotypage.

Avant de procéder au séquençage, il faut d’abord attester la présence du virus. Pouvez-vous nous dire comment cela se passe ?

Lorsque les échantillons arrivent à la plateforme covid, ils sont d’abord soumis à un test RT-PCR de dépistage qui confirme ou non l’infection au SARS-CoV2. Pour cela, une fois inactivés et enregistrés, les échantillons sont placés dans un automate qui les dépose sur une plaque. Un autre automate extrait l’ARN, l’information génétique du virus. La plaque est ensuite placée dans une machine qui permet d’amplifier trois gènes cibles du virus au travers de cycles d’augmentation et de baisse de températures de 40°C à 90°C. Trois gènes sont ciblés parmi lesquels un fragment de la protéine S qui permet au virus de pénétrer dans les cellules. Un logiciel permet de contrôler en temps réel à chaque cycle les courbes d’amplification des trois gènes figurées par des signaux fluorescents. L’apparition de ces signaux indique la présence du virus.

A cette étape, pouvez-vous déterminer le type de variant ?

Après cette première étape d’analyse RT-PCR, nous pouvons dire, d’une part, si l’échantillon est infecté ou non au SARS-CoV2 et indiquer les échantillons susceptibles d’être des variants britanniques. La présence des trois gènes ciblés confirme qu’il s’agit du SARS-CoV2. Par contre, l’absence de détection de la protéine S correspond à un profil suspect du variant britannique puisque le fragment que nous ciblons contient une première mutation, la délétion 69-70, caractéristique de ce variant. A ce stade, nous ne pouvons cependant pas affirmer qu’il s’agisse bien du variant britannique. De plus, il est impossible de prédire de potentiels variants sud-africains ou brésiliens qui sont par ailleurs surveillés. C’est pourquoi nous allons entreprendre un autre test RT-PCR dit de criblage sur tous les prélèvements positifs au SARS-CoV2.

Que sont ces tests RT-PCR de criblage ?

Ce type de test détecte une autre mutation de la protéine S connue du virus, la substitution N501Y que l’on retrouve chez les variants britannique, brésilien et sud-africain. Ce test s’effectue sur les mêmes automates que le dépistage mais utilise d’autres réactifs pour l’amplification de l’ARN. Les tests RT-PCR de criblage est une alternative, plus rapide et à plus haut débit, à la méthode classique de séquençage. En effet, le séquençage de certaines portions du génome viral ne peut être réalisé que pour une vingtaine d’échantillons par semaine alors que le criblage permet de tester jusqu’à 200 prélèvements par jour. Néanmoins, le séquençage est une technique susceptible d’identifier un plus grand nombre de mutations que le criblage. On le réserve donc à une analyse plus fine des prélèvements suspects de contenir un variant sud-africain ou brésilien afin d’obtenir une identification définitive.

Quelles méthodes de séquençage utilisez-vous ?

A ce jour, nous utilisons la méthode dite Sanger utilisée en virologie pour le génotypage des souches de VIH à la recherche de mutations de résistance aux traitements antiviraux. Cette technique recherche à des endroits précis du génome du virus les mutations caractéristiques des variants. L’ARN des échantillons est extrait et deux régions couvrant ces mutations caractéristiques sont amplifiées puis placées dans un séquenceur qui les lit. Nous obtenons alors, pour chaque échantillon, les séquences nucléotidiques (enchainement des nucléotides ATCG constitutif de l’ADN) des deux gènes ciblés que nous comparons à la séquence de référence du virus, tel qu’il est apparu en Chine au début de la pandémie. Tous les chercheurs utilisent cette même séquence de référence. La comparaison à cette référence nous permet alors d’identifier des mutations ou différences dans les séquences analysées et de déterminer quel variant est présent dans un échantillon. Nous avons ainsi détecté les premiers cas de variant sud-africain en Vienne début février.

Mais cette méthode de séquençage a ses limites puisqu’elle ne permet de séquencer qu’une toute petite partie du génome du virus. Or, il existe des équipements de séquençage à haut-débit, déjà utilisés en cancérologie ou en génétique, qui permettent de séquencer le génome entier du SARS-CoV2. Ces équipements innovants génèrent une quantité astronomique de séquences qu’il faut analyser par le crible d’outils bio-informatiques pour obtenir les données essentielles pour nos recherches. Etudier le génome complet nous permettrait de réaliser une meilleure surveillance épidémiologique du virus et notamment l’identification de nouveaux variants susceptibles d’apparaître à la suite de la généralisation de la vaccination. Nous allons mettre en place ce séquençage à haut-débit mi-février.

[1] Détentrice d’un doctorat en biologie de l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte, Caroline Michaud a des compétences en biologie moléculaire qui fait appel aux mêmes outils de séquençages.