Entretien avec Christelle Mamodaly, accompagnatrice en santé au pôle de cancérologie

Christelle Mamodaly est arrivée au CHU de Poitiers en 2018 pour animer l’espace de rencontres et d’Information (ERI) situé au sein du pôle régional de cancérologie. Elle nous explique les particularités de son métier.

Quelle est votre profession ?

J’exerce le métier d’accompagnatrice en santé au pôle régional de cancérologie. Ce métier est né à la suite des premiers états généraux des personnes malades du cancer en 1998, organisés par la Ligue contre le cancer. Les patients avaient émis le souhait de disposer d’un lieu éloigné des soins qui leur donne la possibilité d’accorder une autre temporalité dans leur prise en charge. Un espace pour leur permettre de déposer leurs émotions, de formuler leurs interrogations, leurs besoins, etc. dans un autre temps que celui du médical. C’est lors de la mise en œuvre du premier plan cancer, que le concept des ERI[1] a vu le jour. Le profil professionnel des accompagnateurs en santé doit être éloigné du secteur des soins afin de bien dissocier notre accompagnement de celui des soins de support en cancérologie (psychologues, assistantes sociales, socio-esthéticienne, diététiciennes, etc.).

Qu’est-ce qui vous a invité à faire de l’accompagnement ?

J’étais auparavant dans le secteur de la communication évènementielle. C’est mon parcours personnel qui m’a donné l’envie de changer d’orientation ; en tant qu’aidante d’un proche malade, j’ai eu moi-même besoin de pousser la porte de dispositifs d’accompagnement ou associatif pour chercher des informations et du soutien. Cette expérience a constitué un épisode clé dans ma vie. C’est à ce moment-là que j’ai souhaité changer d’orientation professionnelle. Je me suis formée et spécialisée dans l’accompagnement. J’ai tout d’abord exercé dans le domaine de l’accompagnement auprès du public âgé, en perte d’autonomie et présentant des maladies neurodégénératives compliquant la prise en charge et le maintien à domicile (dispositifs associatif et Réseau Gérontologique). Ensuite est arrivée l’opportunité de venir exercer à l’ERI.

Quelles sont vos missions ?

L’ERI est un espace dédié en première intention aux patients et à leur famille. Ma mission est de les accueillir à n’importe quel moment de leur parcours : du dispositif d’annonce, du programme personnalisé de soins ou de l’après-cancer. Je les accueille, les écoute, les informe avec de la documentation fiable, variée et actualisée. Je créé également, en collaboration avec les équipes, des supports d’information adaptés pour certains accompagnements. Je les oriente, que ce soit vers les professionnels de soins de support présents dans l’institution et vers d’autres ressources internes, ou vers les associations et dispositifs d’aides extérieurs au CHU. Entre le moment où le patient démarre son protocole de traitement et celui où il doit se repositionner dans sa vie familiale, sociale et professionnelle (l’après traitement), il y a souvent des ruptures de parcours. C’est aussi mon rôle de les aider à saisir toutes les ressources disponibles pour qu’ils ne perdent pas le fil. Le but est de toujours faire de l’ERI un repère dont peuvent se saisir les patients et les proches autant de fois qu’ils en ressentent le besoin. Je suis aussi en lien avec mes collègues soignants, pour les informer et les guider sur des questions spécifiques liées à l’accompagnement non thérapeutique.

Vous avez également un rôle important auprès des associations. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

L’ERI est aussi la première porte d’entrée pour les partenaires, leur permettant de pouvoir mener leurs projets au sein de l’institution. Je travaille avec différents partenaires : les associations, les structures sociales ou de dépistage des cancers, etc. Je soutiens et relais les actions initiées et je mets moi-même en place différents projets évènementiels, avec l’aide de ces mêmes partenaires. Le CHU de Poitiers s’implique notamment beaucoup dans les campagnes de sensibilisation au dépistage des cancers. Que nous soyons patients, proches, étudiants ou professionnels de santé, nous devons être sensibilisés à ces enjeux majeurs de santé publique. Nous approchons notamment de la campagne de sensibilisation au dépistage du cancer du sein : Octobre Rose. Plusieurs actions auront lieu sur les sites du CHU de Poitiers. N’hésitez pas à venir me rencontrer pour plus d’informations.

Quelles sont les particularités de votre métier ?

Dans une temporalité différente de la prise en charge médicale, je peux prendre le temps d’écouter les patients comme les proches et les aider à identifier leurs besoins. Les personnes me livrent ce qu’elles souhaitent de leurs émotions, leur histoire de vie, leur maladie, leur croyance, etc. Je me dois de réceptionner leur propos sans jugement, en toute neutralité et discrétion. L’ERI est souvent une sorte de « réceptacle » d’émotions où les patients déposent colère, révolte, tristesse, crainte, doute, peur, joie, etc. Mais on vient aussi dans ce lieu pour verbaliser ses victoires. Pour chacun de ces moments, j’essaye d’être la plus soutenante possible dans ma posture d’accompagnatrice en santé.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?

L’ancrage profondément humain. Je n’ai pas toujours de réponse ou de solution adéquate à apporter aux problèmes des patients ou de leur proche. Je suis parfois même très limitée face à la difficulté de certaines situations. Mais j’ai appris à adapter ma communication, à les écouter non pas pour donner une réponse, mais pour les comprendre. Je suis donc présente à leurs côtés pour apporter mon écoute active et mon empathie. Je travaille pour faire de l’ERI un lieu toujours accueillant et rassurant.

[1] Ces espaces ont été créés et déployés sur le territoire national à la suite d’une convention tripartite entre la Ligue contre le cancer, l’institut Gustave Roussy et le laboratoire SANOFI.