Regard médical – Sarah Thévenot, responsable de l’équipe opérationnelle d’hygiène

Sarah Thévenot, pharmacien hygiéniste, est à la tête de l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) du CHU de Poitiers  mais aussi à la présidence du comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN). Elle prend la suite du Dr Olivier Castel, fondateur puis responsable du service d’hygiène du CHU de Poitiers et président du CLIN pendant plus de vingt ans, parti à la retraite en toute discrétion. Elle nous présente son service dont le travail a été salué lors de la certification par la Haute Autorité de santé.

Racontez-nous votre parcours professionnel

J’ai fait mes études de pharmacie à l’Université de Poitiers. Au cours de mon internat, je me suis spécialisée en bactériologie. Le service d’hygiène étant rattaché au laboratoire de bactériologie, j’ai pu ainsi approcher la prévention du risque infectieux. A la fin de mon internat, j’ai été nommée maitre de conférences puis praticien en hygiène hospitalière. Mon poste de praticien était départemental et pendant 12 ans je me suis rendue chaque semaine sur les sites de Loudun et de Châtellerault. J’ai beaucoup apprécié travailler au sein de ces établissements où j’ai pu aborder tous les versants du métier d’hygiéniste. Le temps que je pouvais leur consacrer était cependant insuffisant et, en 2016, j’ai souhaité me recentrer sur mes autres activités, notamment la recherche. Il était en effet complexe de mener toutes mes activités de front. Ma recherche porte sur la santé environnementale au sein de l’INSERM CIC 1402 et plus précisément de l’axe HEDEX (Health Endocrine Disruptors Exposome) piloté par le Pr Virginie Migeot.

Qui compose l’EOH ?

Notre équipe est constituée d’un cadre de santé, de 4 infirmières, de 3 praticiens hospitaliers, d’un enseignant-chercheur, d’un assistant hospitalo-universitaire à compter du 1er novembre et d’une secrétaire. Nous avons l’habitude de dire que nous sommes une petite équipe parce que nous intervenons, pour bon nombre d’entre nous, sur des temps partagés. Cela ne facilite pas toujours nos missions mais nous essayons d’entretenir la dynamique.

Nous nous appuyons également sur un maillage constitué par nos référents et correspondants en hygiène, des professionnels médicaux et paramédicaux exerçant dans les différents services de l’institution et qui sont essentiels à nos activités en nous aidant dans la surveillance des infections et dans la transmission des informations sur le terrain.

Quelles sont les missions de l’EOH ?

La mission principale de l’EOH est de prévenir les infections nosocomiales. Nous avons une importante activité de surveillance de ces dernières. Chaque jour, nous suivons les données produites par le laboratoire afin de détecter d’éventuelles infections acquises dans l’établissement. C’est le référent médical du service qui valide ensuite ou non le caractère nosocomial de l’infection. Cela nous permet de faire un suivi continu et de mesurer l’incidence des infections. Par ailleurs, chaque année, nous organisons une enquête de prévalence : sur 3 à 4 jours, nous recherchons parmi tous les patients hospitalisés, ceux qui ont contracté une infection nosocomiale. Cela permet de suivre les tendances, de nous comparer à d’autres établissements. La prévalence des patients infectés est de l’ordre de 4% au CHU. Même si celle-ci est en baisse depuis vingt ans, ce taux ne reste pas acceptable pour autant et la prévention reste essentielle. Celle-ci passe notamment par la rédaction de protocoles sur des sujets très variés. Cela nécessite une importante veille documentaire. Pour cela, nous nous appuyons généralement sur les recommandations d’experts nationaux et de la littérature scientifique. Pour chaque nouveau document rédigé, nous travaillons avec les professionnels concernés afin que nos préconisations restent connectées avec la pratique sur le terrain. Nous évaluons également régulièrement les pratiques professionnelles. Nous intervenons dans la gestion d’épidémies et avons également une mission de conseil en répondant quotidiennement aux nombreuses sollicitations des services. Nous assurons également la surveillance microbiologique de l’environnement. Des prélèvements sont réalisés au niveau de l’eau, de l’air et des surfaces des zones à environnement maitrisé (bloc, chambres d’hématologie, salles blanches de la pharmacie…), de certains dispositifs médicaux comme les endoscopes. Ils sont ensuite analysés dans le laboratoire d’hygiène piloté par le Dr Anne Bousseau.

Les missions de l’EOH s’étendent sur tout le territoire ?

Nous souhaitons conserver le maillage sur l’ensemble du territoire. Les sites de Montmorillon et de Lusignan sont intégrés à nos activités depuis longtemps déjà. Avec la fusion, l’équipe de l’ancien Groupe hospitalier Nord Vienne, constituée d’une infirmière et d’un praticien, a rejoint l’EOH. Notre collaboration se déroule très bien. Nous nous retrouvons lors de réunions hebdomadaires afin d’avancer dans la même direction tout en tenant compte de l’existant sur les différents sites. J’y suis très attentive au regard de mes années d’exercice sur le site de Châtellerault et de Loudun.

Avez-vous des projets pour le service ?

Nous souhaitons développer de nouveaux outils de surveillance des infections et impliquer les praticiens dans cette surveillance (infections du site opératoire, infections liées aux cathéters, infections virales nosocomiales qui sont peu décrites dans les établissements de santé…). Nous souhaitons également mieux intégrer les problématiques environnementales dans les choix que nous effectuons notamment sur les produits et les techniques d’entretien des locaux. Nous avons ainsi entamé des expériences en Ehpad et à la maternité afin d’adapter les pratiques d’entretien des locaux sur ces secteurs. Nous souhaitons également déployer de nouveaux outils pédagogiques pour les professionnels : capsules vidéo, formation par simulation… Nous avons été fortement mobilisés par la covid-19 au cours de ces 18 derniers mois et nous avons également besoin de nous recentrer sur tout ce que nous avons laissé de côté pendant cette période. Nous avons été obligés d’abandonner nos activités quotidiennes mêmes si nous avons essayé de rattraper les choses quand il y avait un moment d’accalmie. Le point positif c’est que cette crise nous aura permis de renforcer nos liens les professionnels au sein des différents services de l’institution, c’est effectivement ce qui a été souligné par la HAS lors de la visite de certification. Les échanges avec les services, c’est ce qui fait la richesse de notre métier et nous conforte chaque jour dans nos missions.

Vous êtes également présidente du CLIN. Qu’est-ce que le CLIN ?

Le CLIN émane de la commission médicale d’établissement (CME) et a été créé au CHU de Poitiers en 1992. Son rôle est de coordonner la politique de surveillance et de prévention des infections nosocomiales au sein de notre établissement. Le CLIN est composé de médecins de différentes spécialités, de pharmaciens, de microbiologistes, de médecins du travail, de cadres de santé, d’infirmiers, d’ingénieurs biomédicaux mais également de représentants de la Direction. Il y a des représentants de chaque par pôle ce qui nous amène à une quarantaine de membres environ. Nous nous réunissons quatre fois par an afin de communiquer nos données de surveillance et celles issues des évaluations des pratiques. Ces rencontrent nous permettent également de proposer des plans d’actions et de valider les protocoles institutionnels. Je tiens à souligner le travail et l’investissement des professionnels qui composent ce comité depuis ces nombreuses années.