Se battre pour le don et la transplantation d’organe

Trois soignants du CHU de Poitiers ont récemment participé à la Course du Cœur, évènement sportif et solidaire qui a pour objectif de sensibiliser le grand public au don d’organes. Pendant quatre jours des coureurs greffés et des coureurs d’entreprises se sont relayés de jour et de nuit sur un parcours de 750 km reliant Paris aux Arcs. Le Pr Antoine Thierry, professeur en néphrologie, hémodialyse et transplantation rénale au CHU de Poitiers, a pris part à l’événement, lui dont l’activité médicale a grand besoin du don d’organe. C’est l’occasion de faire un point sur l’activité de la transplantation rénale au CHU de Poitiers.

Quel est le rôle du néphrologue dans la transplantation rénale ?

Le néphrologue pose l’indication de la transplantation rénale pour son patient qui est en insuffisance rénale chronique au stade 5, stade ultime. Il prescrit les examens du bilan pré-greffe pour s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indication. Puis avec son équipe, il inscrit le patient sur la liste nationale d’attente de greffe gérée par l’agence de biomédecine. Lorsqu’un greffon est disponible, le néphrologue d’astreinte appelle le patient, l’accueille, vérifie que tout va bien pour que la transplantation ait lieu. Il organise le bloc opératoire en lien étroit avec les urologues qui réalisent l’opération. Ensuite, au CHU de Poitiers, les patients greffés sont hospitalisés pour environ 10 à 15 jours dans le service de néphrologie dès leur sortie de salle de réveil. Et là encore, ce sont les équipes de néphrologie qui font le suivi qui fait le suivi en consultation tout le long de la durée de vie du greffon. 

Quelle est l’activité de greffe rénale au CHU de Poitiers ?

Le CHU de Poitiers fait partie des centres de taille moyenne en ce qui concerne les transplantations rénales avec près de 70 greffes par an. Si nous devions comparer, les grands centres font plus de 200 greffes tandis que les plus petits en font une quarantaine. Le CHU de Poitiers pratique toutes les modalités de la transplantation rénale y compris la greffe de rein d’un donneur vivant et la greffe ABO incompatible. Mais, comme dans le reste du territoire national, nous prélevons en grande majorité des donneurs en mort encéphalique. Les greffes à partir d’un donneur vivant sont encore trop faibles en France pour répondre aux besoins. Elles représentent 5 à 10 % de nos transplantations. Nous devrions en faire davantage mais il y a encore des réticences et des obstacles.

Quel a été l’impact de la covid sur l’activité de transplantation rénale ?

Au niveau national, la covid a eu un impact important avec plus de 20 % de chute de greffes d’organe. Tout simplement, d’abord, parce que le système hospitalier était saturé et que les équipes de réanimation étaient mobilisées sur la prise en charge des patients covid plutôt que sur la réanimation des donneurs potentiels d’organes. Et ensuite pour permettre l’accueil de patients covid et soulager les équipes, il avait été décidé lors du premier confinement d’arrêter pendant quelques mois les greffes non vitales, c’est-à-dire les greffes rénales. Les greffes cardiaques et hépatiques se sont poursuivies.

Pourquoi vous investissez-vous autant pour le don d’organe ?

En France, il y a un contexte de pénurie d’organes. Il n’y en a pas assez pour répondre aux besoins de la population. De plus, le taux de refus de don d’organe de 30 % est trop important alors que j’ai pu constater auprès de mes patients les bénéfices de la greffe. Cela veut dire qu’il y a un travail de sensibilisation à faire. Il faut que la population ait l’information la plus claire et la plus objective possible sur le sujet afin que chacun puisse se positionner en conscience sur le don d’organe, et en informant ses proches. C’est pourquoi, lorsque les associations qui promeuvent le don d’organe me sollicitent, je réponds présent !

Le rein est l’un des rares organes qui peut être donner de son vivant. Que pouvez-vous dire pour rassurer les donneurs potentiels ?

Il y a de nombreux arguments. Donner son rein de son vivant, c’est tout d’abord donner deux fois puisque lorsque l’on donne un rein à un proche, l’organe qui serait revenu à celui-ci, est donné à un autre. Le deuxième point important sont les résultats significativement meilleurs à long terme comparés à un donneur décédé.  Le troisième argument est la possibilité de bénéficier d’une greffe particulièrement compatible sur le plan immunologique, surtout s’il s’agit d’une greffe avec donneur apparentée (parent, fratrie, etc). Ce qui nous importe en premier lieu, avant même le succès de la greffe, c’est la sécurité et la santé du donneur.