Questions à… Éric Frouin, anatomo-cyto-pathologiste (vidéo)

Eric Frouin, anatomo-cyto-pathologiste

Dermatologue de formation, le Dr Éric Frouin a commencé ses études de médecine à l’Université de Tours, avant de prendre la direction de Strasbourg pour son internat et son clinicat. Il se passionne pour l’anatomie et la cytologie pathologique et repart pour trois ans de formation à l’Université de Montpellier. Il obtient finalement une qualification du conseil de l’Ordre des médecins, et exerce depuis novembre 2013 au CHU de Poitiers en tant qu’anatomo-cyto-pathologiste.

Vous constatez que l’anatomie et cytologie pathologique est souvent perçue comme « ésotérique ». Pouvez-vous nous éclairer sur votre spécialité ?
Effectivement, notre discipline est souvent mal connue de nos confrères et du personnel hospitalier. L’anatomie et cytologie pathologique, ou « anapath », consiste à étudier les modifications des cellules et des tissus induites par des processus physiologiques ou pathologiques. La première application de cette discipline médicale est le diagnostic des maladies et notamment des cancers. La classification des tumeurs bénignes et des tumeurs malignes repose essentiellement sur des critères anatomo-pathologiques, cela représente environ 80% de notre activité.

En pratique, nous recevons des prélèvements en provenance des autres services du CHU qui, une fois arrivés chez nous, vont suivre tout un circuit de préparation qui dure plusieurs jours. Cela débute par un examen médical, le plus souvent réalisé par les internes, puis les prélèvements sont pris en charge par les techniciens avant d’être finalement analysés par un anatomopathologiste, qui pourra alors faire un diagnostic et établir un pronostic. Aucun compte-rendu ne quitte le service sans avoir été signé au moins par un médecin senior.

Je consacre en moyenne une journée par semaine aux examens extemporanés, réalisés pendant une intervention chirurgicale pour permettre au chirurgien de prendre la décision opératoire la plus adaptée, et le reste du temps à l’analyse des prélèvements. Mon principal outil de travail est donc mon microscope. Tous les deux mois, je participe aussi à des séances de relecture avec un collège de médecins, en général à Paris, pour valider collégialement nos diagnostics concernant les tumeurs rares.

L’anatomie et cytologie pathologique est une discipline qui se structure en centres d’expertise et de compétences. Quelles sont les spécialités du CHU de Poitiers ?
Le service est un des centres régionaux de compétence en pathologie cutanée, notamment pour les tumeurs annexielles rares. En 2014, avec le Dr Ewa Hainaut, dermatologue, nous avons permis au CHU de Poitiers de devenir centre de compétence dans le diagnostic et la prise en charge des lymphomes cutanés. Ces réseaux (Caraderm et GFELC) sont labellisés par l’Institut national du cancer. Une réunion de concertation pluridisciplinaire régionale Poitou-Charentes sur les lymphomes cutanés a vu le jour en janvier 2015. Par ailleurs, avec le Dr Céline Delpech et le Dr Christophe Monégier du Sorbier, nous travaillons à l’agrément de notre service comme centre de relecture des lymphomes systémiques dans le cadre du réseau Lymphopath (les cas sont actuellement envoyés à Bordeaux ou Angers). Le Dr Olivier Renaud est relecteur régional pour les tumeurs rares de l’ovaire et le Dr Serge Milin est référent pour la prise en charge des tumeurs cérébrales (réseau RENOP). Notre service est aussi à la pointe en pathologie rénale, particulièrement avec le Pr Jean-Michel Goujon. Il est le centre national de référence pour le diagnostic de l’amylose.

Je travaille enfin à la mise au point d’un projet national, coordonné à Poitiers, de télémédecine en pathologie oculaire, qui devrait permettre de scanner et de partager les lames de prélèvements à distance avec d’autres confrères pour échanger nos avis lors de réunions où chacun resterait dans son service.

Vous avez su tirer profit de votre formation de dermatologue dans vos activités de recherche.
Mes recherches portent en effet principalement sur les tumeurs et les maladies de la peau, au sein du laboratoire inflammation, tissus épithéliaux et cytokines (Litec) de l’Université de Poitiers, avec le Pr Jean-Claude Lecron. A partir de l’analyse de peaux de souris, j’étudie le microenvironnement autour des tumeurs pouvant faciliter leur développement ou encore la cicatrisation. Ces recherches sont ensuite étendues à l’homme.