Regard médical : Yohann Foucher, biostatisticien

Yohann Foucher

Maître de conférences en biostatistiques à l’université de Nantes, Yohann Foucher a intégré l’Université et le CHU de Poitiers en septembre 2022 comme professeur des universités et praticien hospitalier. Il présente la diversité de ses missions.

Pourquoi avoir choisi le domaine de la biostatistique ?

C’est le hasard de la vie. A l’origine, je voulais être pompier et travailler dans la gestion des risques. Je me suis orienté ensuite vers la gestion du risque sanitaire en réalisant une maîtrise en santé publique à l’Université de Bordeaux. Ce qui me plaisait dans cette formation, c’était avant tout l’épidémiologie et l’analyse statistique des données de santé. Je me suis alors spécialisé avec un master, puis une thèse de science en biostatistique. Après un post-doctorat dans une équipe INSERM en immunologie pour modéliser le pronostic de patients transplantés rénaux, j’ai obtenu un poste de maitre de conférences à l’Université de Nantes en 2010. J’ai choisi de venir à Poitiers pour le poste proposé et les responsabilités intéressantes. J’ai été très bien accueilli. L’un des avantages du CHU de Poitiers est sa taille qui permet que l’on soit plus aisément identifié parmi l’ensemble des professionnels. Elle permet également de rencontrer plus facilement les décideurs.

Quelles sont vos domaines de recherche ?

J’ai deux principales casquettes. Sur le versant hospitalier, j’ai pris la coordination de la plateforme de méthodologie et biostatistique au sein de la direction de la recherche et de l’innovation. Cette plateforme est composée principalement d’ingénieurs en biostatistique ou de data managers. Nous accompagnons les investigateurs dans leurs recherches. Nous aidons d’abord à la construction de l’étude (objectifs, critères de jugement, design, etc.). Cette étape est essentielle pour tendre vers un bon niveau de preuve des résultats. Elle vise aussi à augmenter les chances de financements extérieurs à des guichets tels que les programmes hospitaliers de recherche clinique. L’équipe des data-managers réalise ensuite un travail important de création de formulaires de saisie des données et s’assure de leurs qualités. La dernière étape est l’analyse par un biostatisticien.

Et l’autre casquette ?

Elle concerne mon propre champ de recherche au centre d’investigation clinique (CIC 1402). Je suis intégré à un nouvel axe intitulé SCALE-EPI (methodS in ClinicAL rEaserch & EPIdemiology). Les outils statistiques évoluent. Ma recherche consiste à trouver de nouvelles méthodes statistiques qui puissent être utilisées dans les plateformes comme celle dont j’ai la responsabilité. Je m’intéresse plus particulièrement à la notion de causalité. En effet, une corrélation statistique n’est pas synonyme de causalité. J’étudie l’apport du machine learning pour émuler des essais cliniques à partir de données observationnelles et comparer le pronostic des patients selon leur prise en charge.

Yohann Foucher au tableau

Quels sont vos enseignements ?

J’enseigne à la faculté de médecine et de pharmacie. Pour les étudiants en licence option accès santé (LAS), c’est un enseignement plutôt général dont l’objectif est d’expliquer à ces futurs professionnels qu’il est important d’analyser factuellement les données de santé pour l’amélioration des soins : c’est ce qu’on appelle la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine). Je consacre une partie de mon enseignement à accompagner les étudiants en pharmacie de 4e et 5e année dans la préparation de leur concours internat. Je participe également à une unité d’enseignement de lecture critique d’articles destinée aux étudiants en médecine. La partie la plus importante de mon enseignement concerne le master « essais cliniques, médicaments et produits de santé ». Ce master s’adresse principalement aux étudiants qui souhaitent devenir chef de projet en recherche clinique dans l’industrie pharmaceutique.

Avez-vous d’autres missions ?

J’ai une autre mission avec la coordination du projet d’entrepôt de données de santé. Le but est de proposer une infrastructure pour les données de santé produites au CHU de Poitiers. Elle doit respecter les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (information des patients, conseil scientifique et éthique, sécurités informatiques, etc.). Lorsqu’un patient est pris en charge à Poitiers, cela donne lieu à la création d’informations diverses et variées : âge, sexe, bilan sanguin, traitements, etc. Toutes ces données peuvent être intéressantes pour les investigateurs d’études sur données observationnelles. A l’heure actuelle, les chercheurs doivent extraire ou re-saisir des données à partir de différents logiciels. L’entrepôt vise à ce que toutes les sources de données soient collectées de manière automatisée et intégrées dans un espace structuré pour simplifier ces travaux. Pour que ce projet puisse se concrétiser, nous avons décidé de le mener avec les CHU de Bordeaux et Limoges dans le cadre du groupement de coordination sanitaire NOVA. En effet, ce type de projet est couteux et il faut chercher l’efficience par la mutualisation des matériels et compétences. Nous avons aussi répondu à un appel à projets opéré par la Banque publique d’investissement (BPI) dans le cadre de France 2030. Notre projet EDS@NOVA fait partie des 6 lauréats. Le projet global, d’un coup environ 9,5 millions d’euros, sera subventionné à hauteur de 50 %. Chacun des trois établissements doit constituer son propre entrepôt de données de santé avec ses propres spécificités, mais ils seront interopérables pour créer EDS@NOVA. Pour le CHU de Poitiers, nous recevrons 1,3 millions d’euros si nous investissons autant. Dans les mois à venir, nous allons ainsi pouvoir recruter un médecin de santé publique ainsi qu’un ingénieur informaticien spécialisé dans l’intégration de ce type de données de grande dimension. Le Dr Alexandre Quillet sera aussi dégagée de ses missions hospitalières actuelles à 50 % de son temps de travail. Un autre informaticien et un chef de projet pourront venir renfoncer l’équipe dans un second temps si le projet démarre bien. Nous avons 36 mois pour faire aboutir ce projet ambitieux.