Anomalies du développement et maladies rares : la génétique clinique au service des patients

L’équipe pluridisciplinaire du centre de compétence de la maladie de Rendu- Osler. De gauche à droite : Pr Jean-Philippe Neau, neurologie, Pr Xavier Dufour, ORL, Pr Alain Kitzis, génétique moléculaire, Pr. Brigitte Gilbert-Dussardier, génétique clinique, Dr Elise Antone, pneumologie, Dr Anne-Claire Simon, pneumologie et coordonnatrice de la prise en charge, Dr Stéphane Velasco, radiologie interventionnelle. Absente sur la photo : Pr Christine Silvain, hépato-gastroentérologie.

Le service de génétique clinique du CHU de Poitiers est labellisé centre de référence « anomalies du développement et syndromes malformatifs » et centre de compétence sur la maladie de Rendu-Osler. Une équipe médicale accueille patients et familles pour établir diagnostic et suivi de ces maladies rares.

Une maladie est dite rare, ou orpheline, quand elle atteint moins d’une personne sur 2 000. Il existe entre 5 000 et 7 000 maladies rares répertoriées, selon les définitions utilisées. Elles touchent 3 millions de personnes en France et près de 25 millions en Europe. « Ce sont des maladies rares, mais les patients sont nombreux », pointe le Pr Brigitte Gilbert-Dussardier, coordonnatrice du centre de référence  » anomalies du développement  » au sein du service de génétique clinique du CHU de Poitiers. « Et pour les patients, il y a une réelle difficulté à rencontrer des médecins experts. » En raison de leur faible prévalence, ces pathologies rares sont, en effet, mal ou non diagnostiquées et donc prises en charge très inégalement.

Depuis 2005, le CHU de Poitiers est labellisé centre de référence « anomalies du développement et syndromes malformatifs ». C’est un centre dit « multisite », qui réunit six CHU du Grand Ouest, sous la coordination du CHU de Rennes. « Les centres de référence ont pour objectif d’améliorer le diagnostic, adapter la prise en charge et informer les patients sur les anomalies du développement. Ils sont issus du plan national maladies rares 2005-2008, initié par les associations de patients », rappelle le Pr Gilbert-Dussardier.

Consultations de génétique
Le vaste groupe des anomalies du développement inclut les syndromes dysmorphiques et les syndromes polymalformatifs, avec ou sans retard de développement. « Une grosse partie de notre activité concerne la déficience intellectuelle, indique le Pr Gilbert-Dussardier. En consultation, nous recevons ces enfants dont les parents veulent savoir si la cause est génétique ou non, et déterminer quel serait le risque de récidive du même handicap pour une autre grossesse. Parallèlement, nous recevons également des patients adultes, avec un projet de grossesse, et dont un frère ou une sœur est atteint de déficience. Ils veulent savoir s’ils sont porteurs de l’anomalie génétique, quel est le risque de transmission, s’il est possible de réaliser un diagnostic prénatal… »
La consultation de génétique consiste en un entretien long et fouillé pour retracer l’histoire familiale, rechercher des antécédents, reconstituer l’arbre généalogique, explorer la grossesse et l’accouchement, l’évolution de l’enfant… La consultation peut s’accompagner d’un examen clinique, avec prises de photos. « Le diagnostic dans les anomalies du développement est très compliqué. La déficience intellectuelle n’est pas rare – elle touche une personne sur 500 dans la population – mais chacun va avoir sa propre cause génétique très rare. »

Selon les cas, il peut être décidé de faire une analyse génétique : un caryotype moléculaire pour rechercher un microremaniement chromosomique puis l’analyse plus ciblée de certains gènes. Ces analyse sont faites sous la responsabilité du Dr Frédéric Bilan, au sein du laboratoire de génétique dirigé par le Pr Alain Kitzis. « Cette analyse moléculaire nous a permis d’augmenter le rendement diagnostic à 20 %.

A l’heure actuelle, grâce au développement de nouvelles technologies – analyse de 275 gènes de déficience intellectuelle sur une puce à ADN –, que l’équipe espère pouvoir proposer aux autres CHU de l’Ouest et du Sud-Ouest, nous espérons arriver à trouver la cause dans près de 50% des cas », souligne Brigitte Gilbert-Dussardier. Le diagnostic permet, notamment, une reconnaissance sociale du handicap. Il aboutit à une optimisation de la prise en charge médico-psychologique, même si, dans la plupart des cas, il n’existe pas de thérapeutique curative. « Nous essayons de progresser dans la compréhension de la maladie mais nous n’avons pas forcément de traitement, de prescription à proposer. »

C’est néanmoins une étape importante pour les parents. « Quand on pose un nom sur la maladie de l’enfant, c’est un soulagement pour les parents, c’est très déculpabilisant pour eux », insiste Brigitte Gilbert-Dussardier. A noter, au sein du service de génétique clinique, une psychologue clinicienne et une conseillère en génétique accompagnent également patients et proches. Une neuro-psychologue permet l’évaluation des patients. L’équipe médicale est composée de deux médecins, le Pr Brigitte Gilbert-Dussardier et le Dr Marine Legendre, chef de clinique assistante, pour assurer les consultations pour tout le Poitou-Charentes.

Suivi multidisciplinaire dans la maladie de Rendu-Osler
Depuis 2010, le CHU de Poitiers est également centre de compétence sur la maladie de Rendu- Osler, aussi appelé télangiectasie hémorragique héréditaire. Cette maladie vasculaire, due à une atteinte du système de régulation de l’angiogénèse, conduit à des dilatations artério-veineuses. Les manifestations principales de cette maladie génétique héréditaire sont les télangiectasies cutanées ou digestives (taches cutanées violacées), épistaxis abondantes et malformations artério-veineuses viscérales. « La maladie peut atteindre les organes profonds : foie, poumons, cerveau. »

Les cas de maladie de Rendu-Osler sont concentrés dans deux départements en France : l’Ain et les Deux-Sèvres. La maladie est due à une mutation génétique. Trois laboratoires en France en font l’analyse génétique : Paris, Lyon et Poitiers. Près de 250 patients ont été pris en charge au sein du centre de compétence du CHU, qui assure l’organisation d’un suivi multidisciplinaire, coordonné par le Dr Anne-Claire Simon, pneumologue. « Si une malformation artério-veineuse viscérale est dépistée précocement, alors qu’elle peut rester longtemps asymptomatique, il est possible de mettre en place un traitement par radiologie interventionnelle », signale le Pr Gilbert-Dussardier.

« L’objectif à terme est de monter un réseau avec les hôpitaux périphériques de Poitou-Charentes afin d’offrir une prise en charge sur l’ensemble du territoire, avec des médecins formés localement et une infirmière coordinatrice. »

Recherche clinique
Dans le champ des maladies rares, le Pr Brigitte Gilbert-Dussardier insiste sur l’interaction permanente entre diagnostic et recherche clinique. Le CHU de Poitiers est coordonnateur d’un projet hospitalier de recherche clinique national (PHRC) sur le syndrome CHARGE, un handicap très sévère de surdicécité. Il fait également partie du projet interégional HUGODIMS pour l’exploration par approche par exome des causes moléculaires de déficience intellectuelle sévère.Concernant la maladie de Rendu-Osler, le CHU a participé au premier essai clinique mondial sur le traitement par anti-angiogénique. Une étude dont les premiers résultats ont été publiés en 2012.