Améliorer les chances de survie des personnes âgées atteintes d’un cancer. C’est l’objectif du diagnostic précoce, promu par l’unité de coordination en oncogériatrie (UCOG Poitou- Charentes) du CHU de Poitiers, comme l’explique l’un de ses deux coordonnateurs, le docteur Simon Valero.
Quelles sont les particularités du cancer chez les personnes âgées ?
Dr Simon Valero – C’est à l’âge de 70-80 ans que l’incidence du cancer est la plus forte, qu’il touche le poumon, la prostate, le sein ou le côlonrectum. Or le dépistage organisé des cancers du sein ou colorectal ne concerne que les personnes entre 50 et 74 ans. Quant au dépistage individuel, il n’est recommandé que jusqu’à 65 ans pour le cancer du col de l’utérus et il n’existe pas de consensus scientifique concernant le cancer de la prostate après 50 ans.
Par conséquent, le diagnostic du cancer chez les personnes âgées est souvent posé tardivement, à un stade avancé la maladie. Les patients perdent en chances de traitement, ne sont plus opérables… On passe alors dans le champ des soins palliatifs, et non plus curatifs.
Alors qu’en s’y prenant suffisamment tôt, on peut tout à fait soigner un sujet âgé porteur d’un cancer, contrairement à certaines idées reçues. L’évolution de la maladie dépend avant tout de l’histologie de la tumeur et de l’état gériatrique du patient (autonomie, état nutritionnel, comorbidités, humeur, cognition…). En fonction de son profil – harmonieux, intermédiaire ou fragile – on peut adapter le protocole thérapeutique, voire proposer une chirurgie.
Avec un diagnostic précoce, c’est-à-dire un diagnostic établi au plus près de l’apparition des symptômes, l’espérance de vie peut être considérablement améliorée avec des séquelles moins graves (voir encadré ci-dessous) ; sans compter que la prise en charge est alors moins onéreuse. C’est pourquoi il est nécessaire de sensibiliser les médecins, ainsi que les patients à ce sujet.
Les symptômes qui doivent alerter :
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Que leur conseillez-vous ?
Il faut apprendre à reconnaître les signes d’alerte pour les repérer : une fatigue persistante, un amaigrissement inexpliqué… (lire encadré ci-dessus). Il ne faut pas banaliser des symptômes que l’on a parfois tendance à interpréter comme des effets du vieillissement. Bien sûr, ils ne sont pas systématiquement synonymes de cancer, mais appellent à la vigilance. Les patients doivent être attentifs à toute modification physique ou physiologique les concernant. C’est aussi au médecin traitant de bien connaître ses patients.
Un examen complet régulier (au moins une fois par an), sans vêtements, est recommandé. Il doit comprendre : une palpation mammaire pour les femmes, un toucher rectal pour les hommes, une inspection des aires ganglionnaires et la recherche de lésions cutanées. Il est par ailleurs nécessaire d’explorer toute anémie et de s’interroger face à des troubles du transit récents, voire à l’existence d’une hématurie microscopique.
Si des symptômes sont détectés et que le diagnostic d’un cancer est confirmé par un spécialiste, les patients peuvent éventuellement être orientés vers une équipe oncogériatrique. La décision est prise en fonction des résultats d’un «screening» et, le plus souvent, en réunion de concertation pluridisciplinaire. Cette prise en charge spécifique est destinée au patient «intermédiaire», voire «fragile» si un traitement est proposé. Il nous arrive aussi de suivre des patients dits «harmonieux», quand le protocole de soins est particulièrement lourd.
Comment l’UCOG favorise-t-elle le diagnostic précoce ?
Nous misons d’abord sur la sensibilisation des professionnels locaux. La thématique était au programme de la dernière rencontre régionale d’oncogériatrie, qui s’est tenue à Saintes en avril dernier. Nous organisons aussi des formations auprès des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) afin de leur apprendre à repérer les signes de certains cancers. Deux sessions sont prévues cette année en juin et en novembre, comprenant chacune un volet pour les médecins ou infirmiers coordinateurs et un volet plus «pratico-pratique» pour les soignants.
Nous souhaitons aussi informer directement le grand public. Avec l’association Docvie («Dépistage organisé des cancers dans la Vienne»), nous sensibilisons depuis 2016 les femmes de 74 ans qui quittent le programme de dépistage organisé. Dans un message accompagnant la dernière invitation à réaliser une mammographie, nous les encourageons à continuer à se surveiller à l’avenir, à pratiquer l’autopalpation et à solliciter leur médecin en cas de masse suspecte.
Enfin, nous comptons sur la future maison de la santé publique intégrée au CHU : elle devrait être le lieu idéal pour faire passer des messages de prévention auprès des patients et de leur entourage. Mettre l’accent sur le diagnostic précoce pour éviter les conséquences délétères d’une prise en charge tardive.
Unité de coordination en oncogériatrie ?
Depuis 2011, l’unité de coordination en oncogériatrie (UCOG Poitou- Charentes) s’adresse aux patients de 75 ans et plus atteints d’un cancer et présentant des fragilités gériatriques (polypathologie, dépendance, dénutrition, troubles thymiques et/ou cognitifs…). Les professionnels de la région Poitou-Charentes investis au sein de l’unité construisent des parcours de soins adaptés à ces personnes, participent à des projets de recherche au niveau local ou national et sensibilisent le grand public, les médecins, les internes et les soignants en général, via des événements et des formations. |