Cardiologie : la télémédecine au service des insuffisants cardiaques

Dr Benoit Lequeux, cardiologue au CHU de Poitiers et coordinateur du Réseau d’aide à domicile de l’insuffisance cardiaque

« Il y a quatre ans, l’équipe du Réseau d’aide à domicile de l’insuffisance cardiaque (Radic1) a monté un projet de télémédecine original, indique le Dr Benoit Lequeux (en photo ci-dessus), cardiologue et coordinateur du Radic. Nous sommes partis du constat que nous n’avions pas d’informations sur ce qui se passait au domicile des patients une fois qu’ils étaient sortis de l’hôpital. Nous avons donc monté un programme de télésurveillance axé sur l’éducation des patients dans lequel les hospitaliers et les médecins libéraux ont pris part. L’aspect territorial était aussi important puisque nous avons privilégié les zones sous-dotées en médecin. »

Le Radic a obtenu un financement de l’Agence régionale de santé pour mettre en place ce système expérimental de surveillance à distance incluant 65 patients. Ces derniers ont été équipés d’un tensiomètre, d’un pèse-personne et d’une tablette tactile. Deux fois par semaine, ils devaient répondre à un questionnaire médical sur la tablette et prendre leur poids et leur tension. Le but : dépister les signes précoces d’insuffisance cardiaque pour éviter une hospitalisation.

Cette étude a donc permis aux médecins de se rendre compte que la tension et la fréquence cardiaque étaient des marqueurs moins pertinents que la surveillance du poids. « On s’est aussi aperçu que les patients, même âgés, utilisaient sans difficulté le système de surveillance, et notamment la tablette tactile, car ils avaient bénéficié d’une éducation adaptée préalablement, affirme le Dr Lequeux. Via le questionnaire intégré dans la tablette, ils nous ont donc signalé leur niveau de fatigue et d’essoufflement ainsi que leurs œdèmes, des critères très importants dans le dépistage de l’insuffisance cardiaque. »

Les patients, d’une moyenne d’âge de 73 ans, ont été télésuivis pendant six mois, car c’est la période critique de réhospitalisation des insuffisants cardiaques après une première hospitalisation (environ 30% des patients non suivis sont réhospitalisés dans les six mois qui suivent et actuellement 10% des patients suivis par le Radic sont réhospitalisés dans l’année qui suit). « Ça ne sert à rien de les suivre plus longtemps car l’intérêt reste à démontrer et, surtout, les patients se lassent, explique le cardiologue. D’ailleurs, la majorité des 1 800 alertes générées pendant ces six mois concernent principalement des problèmes d’observance, notamment à la fin du suivi. »

« Le projet s’est terminé au début de l’année 2015, poursuit le Dr Lequeux. Nous avons eu de très bons retours, les patients se sont sentis protégés et rassurés. Nous avons pu adapter le traitement de 12 des 65 patients grâce à ce suivi et aucun n’a été réhospitalisé pour une insuffisance cardiaque. Nous attendons maintenant que la Sécurité sociale intègre la télésurveillance dans les prestations remboursées pour la proposer à tous nos patients, soit 450 personnes par an. »

Téléconsultation
En attendant, le Radic développe d’autres projets, dont celui de la téléconsultation à distance de l’insuffisance cardiaque. Les patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque ressortent du CHU avec un traitement qui doit être optimisé car ils ne peuvent pas recevoir de fortes doses de médicaments dès leur sortie. Des consultations d’optimisation du traitement sont donc nécessaires pour arriver au maximum de la dose tolérée par le patient. En pratique il existe une inertie thérapeutique avec des traitements restant au même dosage qu’à la sortie de l’hôpital. « Pour pallier ce problème, nous souhaiterions développer une téléconsultation d’optimisation de traitement pour les patients qui ont déjà été hospitalisés en cardiologie au CHU de Poitiers mais qui habitent loin, illustre le Dr Lequeux. Ils se rendraient dans des structures médicalisées comme un Ehpad ou un pôle médical s’intégrant dans le groupement hospitalier de territoire. Là, une infirmière formée à la télémédecine prendrait toutes les constantes nécessaires du patient (tension artérielle, pouls, saturation, auscultation électronique). Ces dernières seraient transmises en direct au cardiologue, lequel visualiserait le patient en temps réel afin d’effectuer une consultation dématérialisée. Les ordonnances seraient faites à distance également. Nous espérons que ce projet sera opérationnel en 2018. »

Numériser pour mieux communiquer

Un autre projet est en cours de structuration au sein du Radic pour l’année 2017 : le Prado (programme d’accompagnement de retour à domicile) insuffisance cardiaque. Le Prado a été mis en place par la Caisse primaire d’assurance maladie dans plusieurs spécialités comme la gynécologie ou l’orthopédie et pour l’insuffisance cardiaque depuis novembre. « Ils font intervenir une infirmière au domicile des patients pendant les six mois qui suivent une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, indique le Dr Lequeux. C’est très intéressant, mais tous les comptes rendus sont fait sur papier. Nous aimerions donc dématérialiser ses informations pour y avoir accès et recevoir informatiquement les alertes des infirmières.

1 Le 1er janvier 2017, le Radic est devenu l’Apic (Appui, prévention, insuffisance cardiaque).