Le CHU de Poitiers regroupe un panel extrêmement diversifié de métiers, parfois méconnus. Magali Agostini, Eric David et Maxime Billy, conseillers en radioprotection, nous font découvrir le leur. Rencontre.
Quel est votre métier ?
Avant 2018, nous étions appelés « personnes compétentes en radioprotection ». Depuis 2018, nous sommes devenus conseillers en radioprotection (CRP) car une dimension environnementale y a été ajoutée. Ce métier est une obligation réglementaire du code du travail concernant tout établissement détenant ou manipulant des sources de rayonnement ionisant.
Existe-t-il une formation spécifique pour devenir conseiller en radioprotection ?
Oui, effectivement, il existe une formation et une certification qui doit être renouvelée tous les cinq ans. Cette formation est dispensée par un organisme agréé. Pour pouvoir suivre cette formation, il faut être détenteur d’un bac scientifique et être désigné par son employeur. Dans notre équipe nous sommes tous d’anciens manipulateurs en électroradiologie médicale mais, s’ils ont les prérequis, tous les employés peuvent devenir conseillers en radioprotection. En formation, nous côtoyons des employés du bâtiment, des ingénieurs de centrale nucléaire, etc.
Quel est votre rôle au sein de l’établissement ?
Tout d’abord, il faut savoir que le conseiller en radioprotection a un rôle envers le personnel de l’établissement, et non les patients. En France, il y a une séparation entre la radioprotection des patients, qui est du ressort de la physique médicale, et la radioprotection du personnel, qui est de notre ressort. Les enjeux sont différents et c’est pourquoi nos deux métiers sont distincts, même si nous travaillons régulièrement ensemble. Le sujet de la radioprotection des patients est largement connu, celle des travailleurs beaucoup moins, alors que pourtant ils sont exposés parfois quotidiennement à des rayonnements ionisants. Au CHU, ce sont près de 1 200 agents pour lesquels nous pratiquons une surveillance. D’autant que désormais nous agissons sur l’ensemble des sites du CHU et donc sur tout le territoire de la Vienne. Nous avons un rôle essentiellement de conseil et de proposition, comme notre nom l’indique. Les décisions, elles, sont prises par le médecin du travail et la directrice générale. Nous devons contribuer à la sécurité des travailleurs et la préservation de leur santé.
Pouvez-vous nous donner des exemples de missions que vous effectuez au quotidien ?
Nous devons procéder à une vérification régulière des appareils. Il s’agit de vérifier qu’ils soient aux normes et que le débit de doses ne soit pas trop élevé. Nous vérifions également la délimitation et la signalisation des zones règlementées ainsi que leurs conditions d’accès. Il faut que celles-ci soient sécuritaires pour les travailleurs. Nous devons mettre à jour le listing du personnel concerné par l’exposition, et procéder à son classement par rapport à son degré d’exposition. Ce classement conduit ensuite à la mise en place du suivi dosimétrique. Bien sûr nous organisons des formations, puisque c’est une obligation règlementaire là encore. Toute personne qui entre dans un service avec un risque d’exposition doit être formé à la radioprotection avant de prendre son poste. Comme vous pouvez le constater nos missions sont multiples et très diversifiées. Tous les trois mois, nous présentons une veille au comité de radioprotection du CHU qui regroupe le médecin du travail, la direction, les cadres de secteurs, le biomédical, la physique médicale, un représentant des partenaires sociaux et nous-même. Nous devons toujours nous tenir au niveau de la règlementation qui évolue afin de conseiller et d’adapter les usages du personnel et de l’établissement.
Finalement, vous êtes en contact avec un nombre important et varié de membres du personnel du CHU de Poitiers ?
Tout à fait, comme nous vous le disions, nous sommes bien sûr en contact avec les 1 200 agents pour lesquels une surveillance est nécessaire, mais également avec l’ensemble des cadres des secteurs concernés. Nous intervenons également auprès de tous les étudiants du CHU de Poitiers puisque nous dispensons des formations auprès des manipulateurs en électroradiologie médicale, et également dans l’ensemble des écoles et instituts de l’établissement et auprès des internes. Nous sommes également consultés lors des travaux de réhabilitation ou de construction par la direction constructions-patrimoine. Nous participons une fois par an au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Et bien évidemment, nous sommes en contact privilégié avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour toute demande formulée auprès de l’établissement, contrôle ou déclaration d’incident.
Vous parlez d’incidents, vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce point ?
Lorsque nous parlons d’incidents, il faut relativiser. Nous sommes surtout sur une dimension de prévention de ceux-ci, et heureusement. Grâce à l’ensemble de nos contrôles et de nos actions de prévention, il est rare que nous en détections. Nous pouvons avoir des détections de surdose lors des contrôles de dosimètres, nous procédons alors à de nombreuses vérifications pour être bien certains que c’est l’agent lui-même qui a été exposé à une surdose. Nous avons ensuite 48h pour en faire la déclaration auprès de l’ASN et deux mois pour y apporter une réponse. Dans le cas des équipements, si celui-ci est déclaré en non-conformité lors d’un contrôle, nous devons alors en stopper son utilisation jusqu’à résolution du problème.
Quels sont les projets à venir qui vont vous impacter ?
Le plus important projet est celui de l’agrandissement du pôle régional de cancérologie (PRC 2) puisque le service de médecine nucléaire va entièrement déménager dans les nouveaux locaux. Nous rédigeons donc le cahier des charges en collaboration avec la direction des constructions et du patrimoine. Nous développons nos formations en e-learning en plus du présentiel, nous travaillons à l’habilitation des professionnels de blocs puisque c’est une préconisation de l’ASN. Enfin, nous souhaiterions porter le projet du « bloc des erreurs » afin de sensibiliser à la radioprotection dans un bloc opératoire. Cela consisterait en un atelier pratique où nous glisserions des erreurs au sein d’un bloc opératoire et les professionnels seraient amenés à les repérer et remettre le bloc en conformité.