COVID-19 : le SSH s’est adapté pour continuer son activité

Si le service social des hospitalisés du CHU de Poitiers a dû organiser son activité pour s’adapter aux mesures du confinement, il est toutefois resté mobilisé pour accompagner les patients durant la crise sanitaire. Béatrice Harent, responsable du service, revient sur les particularités de l’activité pendant cette période et sur l’attention portée à l’après-crise.

En quoi le service social des hospitalisés a dû s’adapter à la crise sanitaire que nous traversons ?

Notre activité a été bouleversée mais elle a pu être maintenue, pour les patients atteints du covid-19 mais aussi pour les autres. Mon rôle a été de coordonner l’activité du service et de proposer assez rapidement une solution adaptée de travail aux assistantes sociales avec un minimum de personnel présent ainsi que du télétravail, cela de façon à garantir la continuité du service. Toute l’équipe s’est adaptée activement et inconditionnellement, en poursuivant l’accompagnement des patients qui en ont besoin.

Sur Poitiers, quatre assistantes socio-éducatives sur 19 sont présentes au minimum dans le service chaque jour. La continuité du service est également assurée sur le site de Montmorillon. Toute l’équipe alterne ainsi entre présentiel et télétravail. Le télétravail a pu se mettre en place grâce au service informatique. Même s’il a constitué une solution primordiale, le télétravail reste compliqué dans la pratique de notre activité qui réclame un accompagnement physique et visuel, un accompagnement de proximité avec les familles, avec les patients et les équipes. Travailler à distance demande une énergie et une contorsion intellectuelle de la part de l’équipe. Il a fallu repenser l’accompagnement qui est moins facile sans cette présence physique. Beaucoup de choses se devinent par le regard ou la posture. Par téléphone, il faut poser davantage de questions. Il faut être capable de détecter des problématiques sociales par un questionnement beaucoup plus poussé.

Le secrétariat téléphonique assuré par 2 agents joue également un rôle essentiel dans la centralisation des demandes d’interventions sociales, l’orientation des patients vers les bons interlocuteurs et pour rassurer les familles.

En plus de notre activité habituelle, nous avons proposé nos services au fonctionnement des nouvelles unités covid avec la prise en charge, autant que de besoin, de la sortie des patients guéris. Comme pour les autres patients, nous les accompagnons sur leur retour à domicile ou leur entrée en structure médico-sociale.

Quelles mesures de protections ont été mises en place pour vos équipes ?

En ce qui concerne les assistantes présentes, leurs déplacements dans les autres services sont limités. Habituellement, elles se rendent tous les jours dans les services pour rencontrer les équipes soignantes, les patients et leur famille. En ce moment, elles travaillent depuis leur bureau sauf dans des cas bien précis relatifs à la protection de l’enfance et aux violences conjugales.  Comme il s’agit de situations d’urgence, elles sont autorisées à aller sur place en respectant toutes les mesures barrières. Puisque nous ne recevons pas de public actuellement dans nos locaux, nous maintenons une distance entre nous et nous portons des masques mis à disposition par le CHU.

Est-ce que cette crise sanitaire a aggravé la situation des patients que vous avez l’habitude de suivre ?

Complètement. Le travail social en milieu hospitalier sert vraiment d’amortisseur des fragilités sanitaires, sociales, familiales et personnelles. Avec la crise sanitaire, les problématiques sont presque inchangées mais elles sont exacerbées, amplifiées par le confinement parce qu’il ajoute le sentiment d’angoisse, d’incertitude. Cela va vraiment accroître les difficultés dans les situations qui sont déjà fragilisées. Le temps que nous passons au téléphone est démultiplié : il faut rassurer les familles et les patients sur leur sortie. Il faut aussi s’assurer que le relais après hospitalisation est garanti, alors même que les partenaires extérieurs se sont eux aussi organisés, avec toutes les contraintes que cela implique. Toutes les problématiques sont amplifiées.

Comment vos équipes vivent-elles cette situation ?

La situation est difficile pour les assistantes sociales parce qu’elles éprouvent un sentiment de frustration dans la manière d’exercer leur activité sans contact physique et visuel. Elles se sentent frustrées de ne pas pouvoir faire plus parfois. Malgré tout, leur investissement n’a jamais flanché et il leur tarde de pouvoir renouer concrètement avec le terrain, les patients et les services.

Dans ce cadre, un de mes enjeux quotidiens durant cette période est conserver le lien avec les professionnelles en télétravail et le terrain, et les équipes sur place, pour rassurer, garder le contact et poursuivre la dynamique sociale.

De plus, certaines situations fragilisées sont devenues extrêmement complexes à résoudre. Il faut trouver le bon partenaire qui va intervenir de manière efficiente à domicile. Il faut trouver la bonne structure pour accueillir les patients sortants, et surtout celle qui est en capacité de les accueillir. Si l’équipe avait déjà pour mission d’écouter et de rassurer, on peut affirmer que c’est encore plus vrai aujourd’hui. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un formidable réseau d’acteurs médico-sociaux pour pouvoir échanger et tenter de répondre à toutes les situations complexes.

Quel a été l’enjeu majeur de votre service ?

L’enjeu majeur a été de pouvoir rester présent et assurer une proximité sociale même à distance. La fermeture de certains services hospitaliers a entrainé une baisse de notre activité. Mais la baisse d’activité n’enlève pas la densité des situations ; ainsi pour une situation qui nous prend deux heures de temps habituellement, nous y passons actuellement une journée entière. Nous passons beaucoup de temps au téléphone avec les équipes soignantes, les familles, des structures d’accueil, nos partenaires, etc. Cela est dû non seulement à notre mode de fonctionnement actuel mais également à la complexité de la pathologie, et aux modalités de confinement mis en place par les relais extérieurs. Le retour à domicile est plus compliqué puisqu’avec le confinement la personne peut se retrouver seule. La famille ne pourra pas forcement se déplacer et le rôle des intervenants sera aussi complexifié.

Qu’est-ce qui a bien fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné ?

Je pense que nous aurions peut-être dû mieux communiquer auprès des différents services de soins sur notre continuité de service. Cependant, nous avons toujours été très réactifs. Nous sommes restés en contact. Ce n’est pas parce que l’équipe n’est pas présente physiquement qu’elle n’est pas présente dans la prise en charge. Bien au contraire, l’équipe est complètement à l’écoute. Elle a su faire preuve d’inventivité pour s’adapter à la situation, et a toujours conserver son énergie au profit des patients.

Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise exceptionnelle ?

Rattaché à la direction campus santé*, le service social du CHU participe pleinement à panser les plaies sociales des patients sortant d’hospitalisation. S’il était déjà très actif auparavant, il l’est encore plus aujourd’hui. Et, nous anticipons déjà sur l’après-crise. Cet « après » nous anime, nous fait réfléchir mais nous inquiète aussi beaucoup parce que nous sommes dans la crainte de voir arriver des patients avec de nouvelles précarités. Ce sont surtout des situations de violences intrafamiliales qui risquent de sortir de l’ombre. Nous nous préparons à tout cela. Cette crise nous a également amené à repenser notre métier de service social en milieu hospitalier et à préparer un nouveau projet de service que l’on avait déjà en réflexion : l’expertise sociale en période de crise. L’investissement dans le social pour demain se prépare aujourd’hui !

 

 

* Parallèlement aux actions du SSH, la PASS – permanence d’accès aux soins – assure la prise en charge médico-sociale des personnes démunies. Elle est coordonnée par le Pr Virginie Migeot et la direction Campus santé.