Au CHU de Poitiers, plusieurs patients mettent à profit leur expérience. Il s’agit des patients experts qui interviennent bénévolement dans le cadre d’ateliers organisés. Christelle Blusseau, chargée de projet en éducation thérapeutique depuis octobre 2020, coordonne leurs interventions. Elle nous explique ce qui se cache derrière les termes de patients experts ainsi que tous les bénéfices apportés aux malades et, plus largement, à l’établissement lui-même.
Des patients formés pour témoigner de la maladie
Les patients experts sont le fruit de la volonté exprimée dans les lois Kouchner de 2002 et Hôpital, patients, santé, territoire de 2009 d’intégrer davantage les usagers dans le système de santé. Mais avant d’aller plus loin dans leurs missions, il est important d’expliquer qui sont les patients experts. « Un patient expert, c’est un patient porteur d’une maladie chronique, qui a vécu de nombreuses années avec la maladie. Il a réussi à prendre un peu de recul sur sa maladie et il souhaite partager son vécu, son expérience, ses difficultés ; ce qu’on appelle les savoirs expérientiels », explique Christelle qui insiste sur le fait que celui-ci doit vraiment avoir cette volonté de partager un peu de soi. Il doit être à l’aise pour communiquer et avoir des grandes capacités d’écoute. Entre 6 et 8 patients experts interviennent plus ou moins régulièrement dans les ateliers d’éducation thérapeutique mis en œuvre à la Vie La Santé. Parmi eux, certains se sont proposés volontairement, d’autres ont été sollicités par les équipes du CHU de Poitiers. A l’exception de ceux qui ne viennent qu’occasionnellement, ils ont tous dû suivre une formation, la même que celle proposée à tous les professionnels de l’hôpital souhaitant dispenser l’ETP. D’une durée de 40 h, elle est réalisée par Christelle avec le concours d’autres professionnels de la Vie La Santé. Les patients experts ne sont pas seulement des personnes atteintes de maladies chroniques. Il peut s’agir également d’un aidant : un des parents, l’enfant, les grands-parents, etc. La maladie chronique impactant également les proches du patient, il est essentiel qu’ils puissent également bénéficier de cet accompagnement d’ETP. Les aidants sont invités aux ateliers au même titre que les patients.
Une expertise bénéfique pour l’éducation thérapeutique
Intégrer des patients experts dans l’éducation thérapeutique est sans conteste très bénéfique pour les usagers comme pour l’établissement lui-même. Ils jouent un rôle important dans l’éducation du patient qui vise à rendre autonome les patients atteints de pathologies chroniques ; les rendre acteurs de leur maladie. « L’idée est de favoriser la prise de conscience, faire émerger des changements de comportements en s’appuyant sur leurs ressources, leurs vécus, leurs projets et cela en échangeant avec le patient expert, en s’appuyant sur son savoir expérientiel. Cela permet aux patients de gagner en confiance, en autonomie et de dédramatiser certains vécus ». Les patients experts participent à des ateliers proposés à des personnes porteuses des mêmes maladies chroniques : diabète de type 2, maladies cardiologiques, greffe rénale, maladies du sang, etc. « La présence des patients experts apporte énormément aux patients et c’est cela vraiment l’objectif. Lorsque nous animons des séances avec eux c’est un peu différent parce que les autres patients vont tout de suite s’identifier. Ils vont se retrouver dans les discours et dans les échanges. C’est plus concret, plus pertinent parce qu’ils vivent ce qu’ils ont vécu. Les messages passent plus facilement », souligne Christelle. Les patients experts ont aussi un rôle important pour l’institution parce qu’ils participent Les politiques de santé attendent un partenariat systématique avec un patient expert pour chaque programme d’ETP existant d’ici 2028. Les patients experts ne participent pas seulement au programme d’ETP ; ils sont également inclus dans la construction et l’évaluation même de celui-ci. De plus, ils sont sollicités pour intervenir dans le cadre de la formation initiale auprès des étudiants de la faculté de médecine, en IFSI, école d’ergothérapie, etc. Ils interviennent lors de la formation ETP de 40 heures à destination des professionnels de santé. « Il existe un intérêt majeur de croiser le regard du professionnel de santé et du patient expert. Cela permet d’aller explorer et échanger sur des points de vue différents mais complémentaires. C’est toujours un moment de la formation qui est très apprécié par les soignants »
Témoignage de Steven Macari, patient expert en insuffisance cardiaque Steven Macari vit avec une insuffisance cardiaque depuis 2010 à la suite d’un infarctus. Pour les mêmes raisons qu’il a participé à la création de l’Association Vie et Cœur (AVEC), il a accepté d’intervenir en tant que patient expert et a suivi en 2015 la formation en éducation thérapeutique. « Nous avons monté l’association parce qu’il n’y en avait pas et que nous en avions besoin. Et puis, les infirmières qui me suivaient m’ont proposé de venir témoigner. Je suis devenu patient expert à la suite de cela », raconte Steven. Le recul sur la maladie lui parait essentiel pour être vraiment efficace auprès des autres malades. Il est conscient que ceux-ci s’identifient plus facilement à lui, ses messages passant plus simplement que ceux du personnel médical. « Les patients viennent avec des a priori. Pour certains, une infirmière, reste toujours une infirmière et ils ne parviennent pas à s’ouvrir. Les patients ont parfois eu même déjà les outils pour se rendre autonomes mais ils n’en sont pas conscients. Le but est de faire sortir et exprimer ces compétences. Notre présence permet de briser la glace, de faire parler plus facilement les patients. Et l’objectif de l’éducation thérapeutique, c’est bien d’amener les patients à s’exprimer, à résoudre leurs problèmes ». Et justement parce qu’il a de l’expérience, Steven essaye d’aiguiller les conversations lorsque son auditoire a du mal à s’exprimer, lorsque certains hésitent. Et puis, un patient qui parle si aisément de sa pathologie est quelque chose de positif pour les malades qui en ont bien besoin. « Le patient expert montre qu’il est possible de prendre soi-même en charge sa pathologie ». Enseignant, Steven apprécie les échanges avec des personnes vivant les mêmes choses que lui et avec les professionnels de la santé ; il apprend beaucoup encore sur sa maladie. « Il y a des échanges dans les deux sens et cela, c’est aussi le but de ces ateliers. Les termes d’éducation thérapeutique ne sont sans doute pas les meilleurs pour faire référence à ces échanges. Nous sommes davantage un accompagnement. Nous ne sommes pas là seulement pour leur parler de notre vécu mais pour les amener à parler eux-mêmes ». |
Pour plus de renseignements vous pouvez contacter l’unité transversale d’éducation du patient à l’adresse : utep@chu-poitiers.fr