Greffe de rein : développer la chirurgie robotique pour favoriser le prélèvement des donneurs vivants

Greffe de rein : développer la chirurgie robotique pour favoriser le prélèvement des donneurs vivants

Le 25 septembre 2015, un robot chirurgical Da Vinci, d’un coût de 2,2 millions d’euros et pesant 1,4 tonne, arrivait au CHU de Poitiers. Deux mois après, le Dr Olivier Celhay, urologue, réalisait la première intervention avec un robot au CHU de Poitiers. Quelques mois après cette première, à quel point le robot a-t-il changé la vie des patients, mais aussi celle des chirurgiens ? C'est ce que vous allez découvrir dans notre série d'articles consacrés à cet équipement de haute technologie.

Episode 8 – Greffe de rein : développer la chirurgie robotique pour favoriser le prélèvement des donneurs vivants

Sébastien, Céline et Aurélie* sont frères et sœurs. Une fratrie unie que la maladie va frapper. C’est Sébastien qui sera touché. Une maladie génétique relativement rare va provoquer chez lui une insuffisance rénale chronique alors qu’il n’a que 22 ans. Ce verdict tombe en 2010. Cinq ans plus tard, ses reins ne peuvent plus du tout assurer leur fonction. Le Rochelais est pris en charge en  hémodialyse chronique pour survivre. En vue d’une transplantation rénale, il est adressé aux équipes de néphrologie et d’urologie du CHU de Poitiers, qui ne décèlent pas de contre-indication à une greffe. Il est alors inscrit sur la liste d’attente pour une greffe de rein.

« Rapidement, ses deux sœurs se sont proposées pour lui donner un rein, indique le Pr Thierry, néphrologue. Le choix fut relativement simple, l’une d’entre elle étant particulièrement compatible. Le don vivant (au sein d’une même famille ou entre mari et femme) est quelque chose que nous essayons de développer, car nous sommes actuellement en pénurie de greffons. » Jusqu’en 2014, le CHU réalisait seulement deux à trois greffes par an à partir de donneurs vivants, contre une soixantaine à partir de donneurs en mort encéphalique. Mais depuis l’année dernière, en accord avec les recommandations de l’Agence de la biomédecine et grâce à l’investissement des différentes équipes, le CHU en a réalisé sept en 2015 et espère accroitre ce chiffre, notamment grâce à une technique innovante (seulement une dizaine d’établissement la pratique) : le prélèvement de rein via le robot chirurgical.

Cette technique, Céline, la sœur de Sébastien, en a bénéficié le 19 mai, jour de renaissance pour son frère. C’est le Dr Olivier Celhay, chirurgien dans le service d’urologie, qui l’a développé. « J’ai appris la technique de prélèvement de rein avec le robot chirurgical au CHU de Tours, puis je l’ai perfectionnée en m’inspirant des possibilités offertes par le nouveau robot Da Vinci acquis par le CHU de Poitiers. »

Une chirurgie plus sûre
Il y a encore quatre ans, cette chirurgie se faisait à ciel ouvert et nécessitait une incision de 25 cm. Le donneur était arrêté un mois et devait attendre trois à quatre mois avant de reprendre une activité sportive. A partir de 2012, l’intervention s’est déroulée en cœlioscopie, ce qui a nettement amélioré les suites opératoires des donneurs : seulement quatre petites incisions pour passer les outils de cœlioscopie, une incision au niveau du nombril pour sortir le rein et une sortie de l’hôpital au bout de quatre jours environ. Un pas supplémentaire a encore été franchi avec le prélèvement du rein via le robot chirurgical. « Le donneur est réalimenté le soir même et debout le lendemain, indique le Dr Celhay. C’est possible car l’intestin continue de fonctionner pendant l’opération, dont on a réduit le temps grâce au robot : 2h contre 3h30 auparavant. Cela peut permettre au donneur de quitter l’hôpital au bout de 48h. » Les donneurs comme Céline bénéficient ensuite d’un suivi spécifique tout au long de leur vie, avec au moins une consultation de néphrologie par an.

Anatomie du rein
Anatomie du rein

Si cette chirurgie risquée devient plus sûre pour le donneur grâce au robot, les bénéfices pour le receveur sont également importants. « Le robot permet une dissection plus fine des vaisseaux, notamment ceux qui se trouvent près de l’aorte. J’obtiens donc des greffons avec des vaisseaux plus longs : 1,5 cm contre 8 mm en moyenne sous cœlioscopie. » Ce que confirme le Dr Pierre Pillot, chirurgien dans le service d’urologie, qui a effectué la greffe sur Sébastien. « Après le prélèvement du rein avec le robot, la longueur des vaisseaux est optimale, ce qui facilite mon travail. » Son travail débute d’ailleurs dès le prélèvement sur le donneur, car c’est le chirurgien effectuant la greffe qui sort le rein, le lave avec une solution de conservation et le refroidi. Pendant ce temps, le malade est préparé à recevoir le greffon dans un autre bloc opératoire. Le Dr Pillot procède ensuite à la réimplantation de l’organe. « Tout s’est bien passé dans le cas de ce don intra-familial, la reprise de diurèse (production de l’urine) a été rapide, ce qui a évité une dialyse post-opératoire, précise-t-il. Le patient a pu rentrer chez lui au bout d’une dizaine de jours, le temps pour nous de vérifier que le greffon fonctionne bien. » « Tout le monde est ravi, abonde le Dr Celhay. Cela nous encourage à continuer les prélèvements avec cette technique. »

Don croisé
Cette technique va en effet être développée au CHU puisque plusieurs prélèvements de rein avec le robot sont programmés cette année. Au mois de septembre, un don croisé va même être réalisé avec un couple de donneur-receveur apparié, d’un autre CHU. « Les greffes croisées concernent les patients ayant un donneur vivant motivé mais non compatible », explique le Dr Celhay et le Dr Estelle Desport, néphrologue. Le donneur est compatible avec notre patient et notre donneur est compatible avec le receveur. Chaque CHU prélèvera donc le rein du donneur avec son robot, puis les organes seront acheminés par avion jusqu’aux receveurs. Ce sera seulement le sixième don de ce type en France. »

Le Dr Celhay souhaite encore optimiser les suites opératoires du donneur en utilisant une technique de retrait du rein par le vagin. « Cela permet d’éviter l’incision au niveau du nombril et d’avoir une meilleure récupération. C’est aussi une solution optimale pour les personnes en surpoids. Le but est de tout faire pour encourager les dons entre personnes vivantes. »

* Les prénoms ont été modifiés

Le don intra-familial : une procédure encadrée

Le don d’un rein issu d’un donneur vivant  est soumis à une procédure stricte. Elle dure environ six mois pendant lesquels une procédure judiciaire est menée afin d’être sûr qu’aucune pression n’est exercée sur le donneur. Les bilans médicaux des candidats au don sont également réalisés pour s’assurer qu’aucune contre-indication ne s’oppose à ce geste généreux et gratuit.

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