Hépato-gastro-entérologie : dans une logique de rapidité et de recours

Chirurgie viscérale

Endoscopie à visée diagnostique ou interventionnelle, prise en charge des patients souffrant de maladies rares ou graves du foie ou du tube digestif, le service d’hépato-gastro-entérologie développe de nombreuses activités de recours avec comme leitmotiv : répondre globalement et rapidement aux différentes pathologies digestives.

 

En mars dernier était inauguré, au niveau -2 de la tour Jean-Bernard du CHU de Poitiers, le nouveau plateau de consultations du pôle « Dune » qui regroupe la chirurgie viscérale, l’hépato-gastro-entérologie et l’urologie. Cette restructuration, qui permet de proposer une offre de soins ambulatoires efficiente et pertinente aux patients, ne fait que renforcer un mode de fonctionnement établi de longue date au sein du service d’hépato-gastro- entérologie, comme l’explique le professeur Christine Silvain, chef du service : « En effet, nous avons toujours eu comme ambition et comme particularité d’offrir une prise en charge des pathologies digestives de façon globale, transversale, et dans un temps assez court. Ce nouvel espace pluridisciplinaire, avec ses salles d’actes techniques d’exploration fonctionnelle en hôpital de jour (maladie du foie, pelvipérinéalogie…), celles de consultations et la présence des chirurgiens viscéraux et des attachés de recherche, va encore plus faciliter le parcours du patient et accroître la dynamique médicale ainsi que la recherche clinique. »

Un autre projet en cours de concrétisation s’inscrit dans cette même logique : la création en 2018, au rez-de-chaussée de la tour Jean-Bernard, d’un centre d’explorations thérapeutiques interventionnelles. Il regroupera des salles d’opération dédiées et une unité d’hospitalisation ambulatoire pour les endoscopies digestives et pulmonaires (voir ci-dessous).

Un centre d’explorations thérapeutiques interventionnelles en 2018

En 2018, un centre d’explorations thérapeutiques interventionnelles verra le jour au rez-de-chaussée de la tour Jean-Bernard. Il regroupera toutes les activités d’endoscopie interventionnelle du service d’hépato-gastro-entérologie ainsi que celles de la pneumologie. Ce centre pourra également répondre aux besoins de chirurgie mini-invasive en gynécologie, ORL, ophtalmologie ou encore en urologie.

Ce projet est né de la conjonction de plusieurs besoins, comme l’explique le docteur Thierry Barrioz. « Tout d’abord face à l’explosion de notre activité d’endoscopie, nos locaux étaient devenus trop étroits et n’étaient plus adaptés à la technicité de nos examens. De plus, la pneumologie, qui fait de plus en plus d’endoscopies interventionnelles, avait pour projet de déménager au niveau de la tour Jean-Bernard. Il paraissait donc logique que l’on regroupe nos activités. Et enfin, par rapport à nos différents besoins d’anesthésie, le souhait était de mutualiser, en une unité de lieu, du personnel d’anesthésie. »

Avec le déménagement des consultations d’urologie, de chirurgie viscérale et d’hépato-gastro-entérologie (niveau -2) et celles attendues prochainement de la chirurgie digestive vasculaire et de la chirurgie plastique, ce futur centre va pouvoir ainsi s’étaler sur l’ensemble du plateau laissé libre au rez-de-chaussée.

Il comptera huit salles d’opération. « Elles ne nécessiteront pas de gros équipements type bloc opératoire, mais une technicité de chirurgie ambulatoire « . Ce qui doublera pour le service le nombre de salles d’interventions. Le centre comptera aussi une unité d’hospitalisation ambulatoire avec une salle de réveil dédiée. « On va, grâce à cette structure, augmenter nos taux de patients en ambulatoire. En ayant des lits dédiés, nous allons pouvoir offrir une meilleure surveillance au sein d’une structure adaptée. »

Les intérêts de ce centre seront de plusieurs ordres. « Nous allons presque doubler notre activité (chaque année, le service réalise 8 000 actes d’endoscopie) avec une priorité portée sur l’endoscopie de recours diagnostique et thérapeutique. Ce qui induira nécessairement une diminution des délais d’attente pour avoir ces examens complexes. »

Autre gros avantage : des examens communs d’endoscopie avec les pneumologues pourront être réalisés, notamment du médiastin, qui déboucheront ainsi sur des bilans pré-opératoires de tumeurs plus précis et moins invasifs. « En outre, sur certaines procédures, telles que les fistules œsotrachéales qui nécessitent l’intervention des deux services pour la pose de prothèses œsophagiennes et trachéales, nous interviendrons ensemble le même jour. Les avantages seront indéniables en termes de gain de temps et d’efficacité. »

De plus, ce centre va libérer des blocs de chirurgie tout un tas de petites interventions qui ne nécessitent pas forcément un équipement de ce type. « D’autant que nous sommes de plus en plus prescripteurs de chirurgies lourdes concernant le pancréas ou les voies biliaires. »

Le centre aura aussi un réel impact sur l’information et la formation. « Il bénéficiera de connexions informatiques qui permettront des transferts d’images et de vidéos précieuses pour les réunions médico-chirurgicales. En outre, cette technologie sera bénéfique pour l’organisation de formations dans nos amphithéâtres mais aussi pour la réalisation de workshops par le biais de la vidéo-transmission. Des congrès d’endoscopie live pourront également être envisagés. » Autant d’atouts qui assoiront encore plus les activités d’endoscopie du CHU de Poitiers sur le plan national.

Ces nouvelles organisations confortent encore plus cette particularité du service qui se traduit aussi au quotidien « par la présence d’infirmières coordinatrices disponibles pour les médecins de ville et du service, par des examens avec un niveau de technicité élevé et une réflexion pluridisciplinaire sur les traitements à mettre en oeuvre », poursuit le professeur Christine Silvain. Chaque année, le service d’hépato-gastro-entérologie réalise plus de 9 000 consultations et 8 000 actes d’endoscopie. Il prend en charge toutes les pathologies digestives en vue d’un traitement médical ou endoscopique et offre des soins spécialisés aux patients atteints de pathologies gastro-intestinales (maladies chroniques inflammatoires de l’intestin, cancers digestifs, hémorragies digestives), maladies du pancréas (pancréatites aiguës et chroniques, tumeurs bénignes et malignes) mais aussi hépatiques (hépatites aiguës et chroniques, cirrhoses et cancers du foie).

Une volonté de rapidité de prise en charge efficiente qui prend tout son sens au regard d’une des activités importantes du service : l’oncologie digestive. Elle regroupe le diagnostic et le traitement des cancers de la totalité de l’appareil digestif : oesophage, estomac, colon-rectum et canal anal, mais aussi pancréas, foie et voies biliaires. « Les cancers digestifs sont les plus fréquents en France », souligne le professeur David Tougeron, gastro-entérologue, spécialiste en oncologie digestive qui coordonne les décisions thérapeutiques multidisciplinaires pour les patients atteints de cancers digestifs. « L’oncologie digestive est une discipline transversale. Elle fait intervenir les radiologues, les chirurgiens, les oncologues ou encore les radiothérapeutes. Chaque semaine, nous nous réunissons dans le cadre d’une réunion de consultation pluridisciplinaire où sont étudiés à chaque réunion au moins une cinquantaine de dossiers pour prendre la meilleure décision thérapeutique pour chacun de nos patients. »

La prise en charge des patients en hépato-gastro-entérologie porte sur un important volet diagnostic, avec la mise en oeuvre par le service de toute une série d’examens d’endoscopies complexes, diagnostiques mais aussi thérapeutiques.

Pour ce faire, le service dispose d’un plateau performant d’endoscopie digestive dont certaines activités sont reconnues au niveau national, qui constitue véritablement un recours pour les patients de la grande région Ouest.

Centre de référence national des polyposes rares
Sa réputation, dans la mise en oeuvre des techniques d’endoscopies complexes, a conduit le CHU à devenir centre de référence national pour le diagnostic, le suivi et le traitement des polyposes digestives rares. « Ces centres ont été créés en France suite à un constat sur la mauvaise homogénéité de la prise en charge des patients souffrant de ces lésions à forts risques de devenir des cancers digestifs voire extra digestifs », précise le docteur Thierry Barrioz, gastro-entérologue.
Pour le diagnostic et la surveillance de ces polyposes, le service a recours à des techniques très particulières : l’entéroscopie et/ou la vidéocapsule. L’entéroscopie est un examen d’exploration de l’intestin grêle. Equipé d’artifices techniques comme le double ballon ou d’une hélice en forme de vis (entéroscopie spiralée), il permet d’inspecter, sous anesthésie générale, plusieurs mètres de l’intestin grêle, ce qui n’est pas possible avec un endoscope traditionnel.

La vidéocapsule est une gélule équipée d’une caméra haute définition.
La vidéocapsule est une
gélule équipée d’une
caméra haute définition.

La vidéocapsule est, quant à elle, une gélule équipée d’une caméra haute définition que le patient avale. Les images, de la même qualité qu’un endoscope classique, sont captées par un boîtier-enregistreur que le patient porte sur lui pendant une dizaine d’heures. Par ce biais, la totalité des huit mètres de l’intestin grêle peuvent être examinés.

« Aujourd’hui nous dédions en grande partie la vidéocapsule pour le diagnostic des lésions de l’intestin grêle et l’entéroscopie pour le traitement de ces lésions. » La résection des polypes par entéroscopie offre un gain indéniable car elle évite aux patients une intervention chirurgicale lourde. « En abordant l’intestin grêle soit par voie haute, en passant par l’estomac, soit par voie basse, en passant par le colon, ou parfois par les deux, nous traitons la plupart des lésions. Celles devant faire l’objet d’une chirurgie sont de plus en plus rares. »

A l’heure actuelle, c’est une activité qui augmente rapidement. « A l’instar de ce qui est fait pour le cancer, nos correspondants régionaux ont vraiment pris la mesure de la nécessité d’une prise en charge globale des polyposes. En outre, depuis la mise en place d’une consultation d’oncogénétique digestive il y a deux ans (voir ci-dessous) – sachant que les polyposes rares ont dans une grande majorité un caractère génétique –, nous avons un recrutement de plus en plus important de personnes à dépister et à surveiller. »

L’entéroscopie ne concerne pas que les polyposes rares, cette technique peut être aussi utilisée pour réséquer les lésions hémorragiques de l’intestin grêle, les angiomes qui prennent la forme de petites lésions bénignes vasculaires. Là encore, il s’agit d’une spécificité du service.

Consultation d’oncogénétique : mieux prévenir les cancers

Depuis plus de deux ans, le CHU de Poitiers propose une consultation d’oncogénétique destinée à des patients souffrant notamment de formes familiales de cancer colorectal et de polyposes rares. Son objectif : rechercher d’éventuelles prédispositions héréditaires aux cancers digestifs. « Cela concerne des personnes dont le cancer s’est déclaré très jeune ou encore ceux ayant des antécédents familiaux multiples de cancers, souligne le professeur David Tougeron. L’hérédité n’est pas fréquente, elle concerne environ 5% des cancers du côlon, mais toute anomalie détectée chez un patient n’est pas sans conséquences pour le patient et le reste de sa famille. » Cette consultation est complexe et avec une organisation particulière.

Tout d’abord, le patient voit une conseillère en génétique qui va réaliser son arbre généalogique. « C’est un véritable travail de détective. Elle doit récupérer tous les éléments des dossiers médicaux, les résultats auprès des différents hôpitaux afin de répertorier avec l’aide du patient tous les cas de cancer dans sa famille. » Si une prédisposition héréditaire est suspectée, une prise de sang est réalisée pour analyser certains gènes. « A partir du moment où l’hérédité est avérée, on demande au patient de transmettre l’information aux membres de sa famille. Un enfant d’un patient atteint d’une forme génétique du cancer du côlon a un risque de 50% d’avoir hérité de l’anomalie génétique. » Le but étant alors que les membres de la famille viennent consulter en oncogénétique. « Ceux qui n’ont pas l’anomalie seront complètement rassurés. Quant à ceux porteurs du gènes ils feront l’objet d’une surveillance accrue. » Tous les un à deux ans, ils devront passer une coloscopie afin d’enlever les polypes qui auraient pu se développer et éviter ainsi qu’ils développent un cancer. Cette consultation voit près de 100 patients par an.

Précision dans le diagnostic des lésions pancréatiques et digestives
Toujours dans les examens de recours, le service dispose d’échoendoscopes utilisés pour évaluer, surveiller et ponctionner les tumeurs du pancréas. « Il s’agit d’une mini-sonde d’échographie qui va recueillir des informations qu’une IRM ou un scanner n’aurait pas pu identifier : la situation précise de la lésion, son extension en profondeur dans la paroi et par rapport aux organes voisins », explique le docteur Marc Wangermez, gastro-entérologue. Associé à la technique dite d’élastographie, qui consiste à mesurer l’élasticité des tissus par ultrason et à celle d’échoendoscopie de contraste (injection d’un produit de contraste pour caractériser le tissu), ce dispositif permet de savoir précisément si la tumeur est bénigne ou maligne. « Ce sont des aides essentielles au diagnostic. »

Dans certaines lésions kystiques, une échoendoscopie interventionnelle peut être réalisée pour drainer le liquide dans l’estomac à l’aide d’un drain interne. « Auparavant, ce type de prise en charge nécessitait là aussi une chirurgie très lourde. »

Le service va encore plus loin dans le niveau de technicité avec l’endomicroscopie. Le CHU est la seule structure hospitalière publique de la grande région Ouest à posséder ce type de technologie. « Il s’agit d’une fibre laser de microscopie confocale introduite dans un endoscope qui permet de faire l’analyse de la paroi d’un kyste in situ. Son intérêt : orienter très précisément le diagnostic sans faire de biopsie ou envisager la chirurgie », poursuit le docteur Thierry Barrioz. Ce procédé diagnostic est notamment très employé pour les kystes du pancréas qui peuvent dégénérer en cancer. « Nous sommes capables de dire à près de 100 % avec l’endomicroscopie si une chirurgie est nécessaire ou non. Encore aujourd’hui en France, sans ce type d’examen, des personnes sont opérées parfois à tort, sachant que là encore il s’agit d’une chirurgie très lourde. »

L’endomicroscopie est également utilisée pour analyser la paroi du tube digestif : l’intestin grêle, le côlon, l’oesophage… « Chaque fois que l’on se trouve en présence d’une lésion douteuse, on réalise une analyse microscopique. »

Le gain pour le patient est énorme en temps mais aussi en termes d’examens réalisés. « Auparavant, il fallait faire un prélèvement et attendre quelques jours ou semaines pour le résultat. Si la lésion s’avérait maligne, il fallait refaire un examen pour la réséquer. Maintenant l’information est directe et on agit dans la foulée. »

Cette technique est également très intéressante pour le diagnostic des sténoses des canaux biliaires. « Même avec les meilleures techniques d’imagerie, il n’est pas possible de se faire un avis précis. Dans ce cas, en plus de l’endomicroscopie, nous effectuons un prélèvement par endoscopie. Dans les situations difficiles, le fait d’avoir un panel de résultats offre la meilleure approche diagnostique afin de déterminer s’il s’agit d’un cancer ou pas. »
La mise en oeuvre de ces moyens ne se fait pas dans une logique d’escalade des techniques. « En effet, on va d’emblée mettre tous les moyens à notre disposition. Le gain de temps est indéniable ainsi que la précision diagnostic. »

Endoscopie
Endoscopie

Chirurgie bariatrique : nouveau secteur d’intervention de l’endoscopie

Avec la montée en puissance au CHU de Poitiers de la prise en charge chirurgicale des patients souffrant d’obésité morbide, le service d’hépato- gastro-entérologie est de plus en plus sollicité pour réaliser des actes d’endoscopie qu’il ne faisait pas jusqu’alors. « Le centre de l’obésité fait appel à nous pour deux types d’interventions, précise le docteur Thierry Barrioz. La première est la pose de ballon gastrique (permet de perdre du poids en remplissant artificiellement l’estomac), qu’il s’agisse d’une alternative à la chirurgie ou pour préparer les patients devant y avoir recours mais pour lesquels une perte de poids est nécessaire en amont. La deuxième consiste à prendre en charge par voie endoscopique les complications constitutives à la chirurgie : des sutures qui lâchent, des abcès qui apparaissent… Ce qui évite ainsi de réopérer les patients. » Une activité sans cesse en croissance ces dernières années car de plus en plus de chirurgiens de la région réalisent ce type d’intervention.

Une référence pour les cancers superficiels de l’œsophage
Dans le cas des lésions précancéreuses du cancer de l’œsophage, que l’on appelle les endobrachyoesophages (lésions précancéreuses liées à des reflux acides), le service d’hépato-gastro- entérologie propose également depuis cinq ans une réelle alternative de recours, il s’agit de la radiofréquence. « Au niveau de la grande région, nous sommes le seul centre avec Bordeaux à dispenser cette technique. » Elle est réalisée au sein du service sous endoscopie. « Ce sont des plaques ou des ballons (les lésions pouvant être circonférentielles), mis en contact de la muqueuse anormale qui est détruite sous l’effet de la chaleur produite par un courant électrique. » Cette technique est également appliquée à titre palliatif pour les tumeurs des voies biliaires afin d’éviter leur progression.

Du fait de son expertise dans cette technique, Poitiers est un des deux centres de formation en France avec l’hôpital Cochin de Paris à enseigner la radiofréquence.

L’électroporation «Le principe consiste à aller positionner sous scanner des aiguilles autour de la tumeur pour brûler les cellules cancéreuses autour des vaisseaux en créant un arc électrique. Ce qui laisse ensuite le champ libre aux chirurgiens pour enlever la tumeur.» Pr David Tougeron
L’électroporation. « Le principe consiste à aller positionner sous scanner des aiguilles autour de la tumeur pour brûler les cellules cancéreuses autour des vaisseaux en créant un
arc électrique. Ce qui laisse ensuite le champ libre aux chirurgiens pour enlever la tumeur. » Pr David Tougeron

Autre domaine dans lequel le service excelle : la mucosectomie et la dissection sous muqueuse des lésions du tube digestif. En effet, de par son travail engagé depuis de nombreuses années dans le domaine du dépistage et du diagnostic des cancers digestifs, le service a rapidement développé ces techniques de résection des lésions superficielles qui en font aujourd’hui un centre de référence en France. La mucosectomie consiste à retirer à l’aide d’une anse diathermique (sorte de lasso métallique relié à une source de courant) les lésions cancéreuses ou précancéreuses. « La mucosectomie des tumeurs du duodénum est notamment une technique très difficile à réaliser. Nous sommes peu en France à proposer cet acte, car les complications peuvent être importantes, il est donc nécessaire de savoir les gérer, ce qui est notre cas. » Lorsque les lésions sont de grande taille – plus de 2 cm –, le service a recours à la dissection sous muqueuse. La technique est quasi similaire à la mucosectomie sauf qu’au lieu d’utiliser une anse diathermique (lasso), les praticiens ont recours à des couteaux ou des ciseaux de dissection qui vont couper, fibre à fibre, les tissus qui rattachent la lésion à la paroi digestive. Ceci permet de réséquer en un seul fragment de très larges lésions contrairement à la mucosectomie. « Cette technique, très récente, demande une expertise importante car le geste est plus dangereux et le matériel plus difficile à manipuler. » Mais pour les patients le gain est réel : « La chirurgie de l’oesophage est extrêmement lourde avec une mortalité qui peut aller jusqu’à 10%, alors qu’en endoscopie elle est quasiment nulle et le risque de complication est de moins de 1%. »

Tous les cancers du tube digestif ne sont bien évidemment pas traités par endoscopie. Nombreux nécessitent d’être envoyés, après l’étape diagnostique, en chirurgie, s’ils sont opérables, ou au pôle cancérologie pour une chimiothérapie, s’ils ne le sont pas. « Mon activité est donc à cheval entre la gastro-entérologie et la cancérologie, souligne le professeur David Tougeron. Cette position transversale permet d’assurer une continuité des soins des patients tout au long de leur maladie. »

Et parfois, le service d’hépato-gastro-entérologie peut être amené à prendre en charge les patients au cours du traitement de leur cancer « s’ils ont besoin d’une endoscopie pour faire de nouveaux bilans ou encore pour une endoscopie interventionnelle, explique le docteur Thierry Barrioz. L’exemple le plus typique est le patient qui souffre d’un cancer de l’oesophage et qui nécessite, suite à une récidive, la pose d’une prothèse au niveau de sa tumeur pour lui permettre de manger correctement. » Idem pour le cancer du pancréas lorsque les voies biliaires sont bouchées, « le patient revient dans le service pour que nous posions une prothèse biliaire ».

Chirurgie viscérale avec le robot chirurgical
Chirurgie viscérale avec le robot chirurgical

Cancérologie, la recherche à la pointe
En matière de recherche en cancérologie le CHU fait également figure de pionnier, notamment pour la mise en oeuvre d’une technique de prise en charge du cancer du pancréas, l’électroporation. « Il s’agit d’un protocole de recherche, note le professeur David Tougeron. Nous sommes le seul centre en France à la proposer et cela nécessite une multidisciplinarité avec nos confrères radiologues (professeur Jean-Pierre Tasu) et chirurgiens digestifs (professeur Michel Carretier). Toute la complexité du cancer du pancréas est que quand la tumeur a envahi les vaisseaux digestifs, il est inopérable. L’objectif de cette technique est justement de rendre opérables les tumeurs qui ne le sont plus. Le principe consiste à aller positionner sous scanner des aiguilles autour de la tumeur pour brûler les cellules cancéreuses autour des vaisseaux en créant un arc électrique. Ce qui laisse ensuite le champ libre aux chirurgiens pour enlever la tumeur.  » Le protocole a démarré il y a plus d’un an, pour le moment une dizaine de patients en ont bénéficié. « Il est encore un peu tôt pour avancer des résultats, l’objectif est de traiter d’ici 2017 une trentaine de patients, mais d’ores et déjà certains ont pu être opérés. »

Toujours en matière de recherche, le professeur David Tougeron s’occupe de plusieurs protocoles autour de nouvelles chimiothérapies, thérapies ciblées et immunothérapies (traitement qui vise à stimuler les défenses immunitaires du patient pour détruire son cancer) dans le traitement des cancers digestifs. « Je coordonne près d’une vingtaine d’études avec de nouveaux traitements des cancers digestifs, notamment ceux du pancréas et du côlon. Les patients qui en bénéficient sont pris en charge au sein du service d’oncologie. » Le plus souvent, ces études comparent de nouveaux traitements par rapport aux traitements de référence. « Et les résultats sont le plus souvent positifs notamment en terme d’allongement de la durée de vie. Par exemple, nous testons de nouvelles stratégies d’immunothérapie pour des patients atteints de cancer du côlon. Dans certaines formes de cancer du côlon particulièrement sensibles à l’immunothérapie, il y a des résultats impressionnants. »

Le service propose également des techniques de recours pour les cancers primitifs du foie et les métastases du foie : la radio-embolisation et la chimio-embolisation. Elles sont réalisées dans le service de radiologie interventionnelle. « Elles consistent à injecter de la chimiothérapie ou des molécules radioactives directement dans l’artère hépatique pour détruire les tumeurs du foie », précise le professeur David Tougeron.

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et nutrition parentérale : le CHU en recours

Le CHU de Poitiers est également centre régional de référence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Ces maladies, principalement de Crohn et recto-colite hémorragique, se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif liée à une hyperactivité du système immunitaire digestif. Les patients de la région bénéficient ainsi de toutes les solutions d’exploration et, dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire, de prescriptions des dernières molécules disponibles. L’établissement fait notamment partie du groupe d’étude national de prise en charge de ces maladies : groupe d’études thérapeutiques des affections inflammatoires du tube digestif.

Ces patients peuvent également avoir recours, dans les cas extrêmes de la maladie de Crohn, quand une résection d’une partie de l’intestin est nécessaire, à la nutrition parentérale. Le CHU de Poitiers est aussi dans ce domaine centre de référence. Il était d’ailleurs le premier en France à proposer cette prise en charge à domicile.

La nutrition parentérale est principalement prescrite pour les patients souffrant du syndrome du grêle court où suite à des chirurgies importantes de l’intestin constitutives par exemple à une atteinte ischémique. La nutrition parentérale permet, dans ces cas, d’apporter, par voie veineuse, une supplémentation de nutriments (glucide, lipide, protéine…) dont les patients ont besoin et d’éviter ainsi des carences.

La manométrie : une réponse aux troubles digestifs et anopérinéaux
Au-delà de la nature diagnostique et thérapeutique, les examens d’exploration de recours, menés par le service, peuvent aussi prendre un caractère fonctionnel dans certains troubles digestifs et anopérinéaux. Ces examens sont réalisés au sein du centre de pelvi-périnéologie depuis l’acquisition, il y a près de deux ans, d’un appareil de manométrie. « A l’heure actuelle, nous sommes le seul centre dans la région à disposer de ce matériel haute résolution 3D, précise le professeur Christine Silvain. Auparavant les patients devaient aller à Nantes, Tours ou Bordeaux. »

La manométrie oesophagienne est indiquée chez des patients souffrant de troubles de la déglutition ou dans les cas de reflux gastro-oesophagiens. Elle consiste à introduire par le nez une sonde équipée de 260 capteurs qui va évaluer les pressions le long de l’oesophage et le degré de fermeture ou d’ouverture des sphincters et ainsi repérer les anomalies. « La haute résolution et la 3D sont d’un bénéfice énorme, souligne le docteur Ginette Fotsing, en charge de ces examens. Notamment en matière de détection. Certaines maladies comme les achalasies (troubles d’ouverture du sphincter) ne peuvent être repérées que grâce à cette technologie. Elle sont aussi des atouts en termes de rapidité d’examen et de facilité d’interprétation. »

La manométrie anopérinéale vise, quant à elle, à analyser le fonctionnement du rectum et de l’anus. Le principe consiste là aussi à enregistrer les pressions de ces organes. Elle concerne les patients qui sont sujets à des incontinences anales ou à des troubles de l’évacuation. « L’incontinence fécale touche particulièrement, après la ménopause, les femmes ayant eu des enfants, explique le docteur Ginette Fotsing. Cet examen répond à une vraie demande. Jusqu’alors, il n’y avait pas de consultation de ce type, certaines femmes ne savaient pas vers qui se tourner. Si l’incontinence urinaire commence à entrer dans les moeurs, celle anale est encore taboue et elle a de vraies conséquences sur la qualité de vie des personnes. » En matière de pelvi-périnéologie, le docteur Ginette Fotsing effectue également des examens pour les troubles de la statique.

En fonction des pathologies repérées, la prise en charge se fait de façon pluridisciplinaire. « Elle est en effet globale. Elle s’inscrit dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire mensuelle car bien souvent les complications n’ont pas une cause mais sont liées à des troubles de différents organes. Cette prise en charge peut être médicale, chirurgicale, de neuromodulation (électrodes implantées au niveau du sacrum pour des patients ayant eu une chirurgie du rectum ou de l’anus) et/ou de rééducation. »

Une prise en charge globale des maladies du foie
Puis à côté de ces activités, le service assure une mission cruciale au niveau régional dans la prise en charge des maladies du foie, notamment les évaluations des fibroses hépatiques, le traitement des hépatites C et la prise en charge des maladies rares du foie et celles très graves, notamment les cancers primitifs, nécessitant une transplantation.

Le foie
Le foie

Concernant les évaluations de la fibrose du foie, le service dispose d’une hospitalisation de jour, située au sein du nouveau plateau de consultations, où les patients susceptibles d’avoir une fibrose hépatique (processus de cicatrisation du foie secondaire à une agression : un virus, une maladie auto-immunitaire, la surchage en graisses, l’alcool…) auront une évaluation très précise de leur maladie par différents examens non invasifs réalisés en quelques heures. Il y a tout d’abord un bilan sanguin (avec réalisation d’un fibromètre pour évaluer le stade de la fibrose), puis, dans la foulée, un fibroscan est effectué. « Il s’agit d’une technique qui détermine la dureté du foie, précise le docteur Valérie Roumy. Le principe repose sur l’émission d’une onde mécanique avec mesure de sa vitesse de propagation dans le foie par une technique d’ultrasons. La vitesse de propagation permet d’évaluer l’état de fibrose du foie : plus la propagation se fait vite plus le foie est dur, et plus la fibrose est importante. »

Un des gros intérêts de cet examen est qu’il évite de réaliser une biopsie hépatique. « Nous y avons recours seulement quand les résultats entre les différents tests semblent contradictoires. »

Ils sont complétés ensuite par une échographie abdominale. « Ainsi dans la même journée, le patient ressort en ayant eu un diagnostic précis de sa fibrose et des recommandations pour sa prise en charge. » Chaque semaine, cette unité d’hospitalisation de jour accueille de 18 à 23 patients. Cette hospitalisation de jour va être élargie aux patients alcoolo-dépendants en collaboration avec le centre Henri-Laborit. « Ce sont des patients qui sont plus sujets à des fibroses hépatiques mais aussi à la stéatose. Le but de l’évaluation est de dépister le plus précocement les cirrhoses afin d’éviter qu’elles aboutissent à un cancer. » L’idée serait de prendre en charge les patients récemment sevrés « n’ayant pas forcément de signes cliniques mais pouvant être des cirrhotiques qui s’ignorent et de les dépister le plus tôt possible. Ceci pourrait déboucher, dans un second temps, sur l’organisation de consultations d’éducation thérapeutique », note le docteur Valérie Roumy.

Dans la prise en charge des malades hépatiques, le service est aussi centre expert pour le traitement des hépatites virales et plus particulièrement pour les hépatites C. « Notamment depuis la mise sur la marché, il y a deux ans, de nouveaux traitements : des anti-viraux à action directe dont le principal est le sofosbuvir, note le professeur Christine Silvain. Avec une prévalence de 1%, l’hépatite C est vraiment une question de santé publique. Ces anti-viraux directs se sont rapidement imposés comme une solution thérapeutique efficace avec très peu d’effets secondaires. Prescrits pendant trois mois, leur taux de guérison est de plus de 95%. »

Mais ce traitement à un coût : plus de 40 000 €. Aussi, actuellement, seuls les cas sévères de l’hépatite C sont traités par ce biais. « Une réunion pluridisciplinaire de concertation hebdomadaire qui regroupe les hépato-gastro-entérologues de la région, les pharmaciens du CHU, semaine pour statuer pour chaque dossier si ce traitement est indiqué. » Si tel est le cas, chaque patient est ensuite accompagné dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique (voir page précédente) afin de s’assurer de la bonne observance du traitement, « la condition primordiale de sa réussite ».

Toujours dans les maladies du foie, le service a une expertise dans les formes rares d’hépatites secondaires, des troubles de l’immunité ou pour les maladies vasculaires du foie. A côté des conseils prodigués et des traitements appliqués, il se démarque par la réalisation de biopsies hépatiques par voie transjugulaire qui nécessite un niveau d’expertise et un plateau technique important. « Pour certains patients cirrhotiques, il n’est pas possible de réaliser une biopsie classique percutanée car ils sont sujets à des troubles de la coagulation, aussi nous avons recours à celle par voie transjugulaire », note le professeur Christine Silvain. Son principe : après un repérage échographique d’une veine du cou, l’opérateur introduit un cathéter et, sous contrôle radiologique, il le descend jusqu’au foie en suivant le courant sanguin. Ces examens sont effectués par les docteurs Florian Charier et Frédérique Prévost. « Cette technique permet, en plus de la ponction, de mesurer les pressions du foie. Ce qui donne des informations complémentaires sur la sévérité de la maladie. »

C’est une activité qui n’est pas nouvelle pour le service, « mais qui explose ces dernières années car nous prenons de plus en plus en charge des patients ayant des maladies hépatiques graves. Nous suivons dorénavant de nombreux patients en pré et post-greffe hépatique. »

Programme d’éducation thérapeutique : favoriser la bonne observance des traitements de l’hépatite C

Dans le cadre de la prise en charge thérapeutique de l’hépatite C, un programme d’éducation thérapeutique, validé par l’agence régionale de santé, est dispensé à chaque patient bénéficiant du traitement par antiviraux à action directe. Objectif : offrir la meilleure information sur la maladie et surtout s’assurer de la bonne observance du traitement.

Deux infirmières sont formées à ce programme : Gwaennaïck Villain et Gaëlle Charles. Chaque semaine, au sein du plateau de consultations, elles assurent un rôle de conseil, d’écoute et de suivi dans le parcours de soins du patient. « A partir du moment où la décision de la mise sous traitement d’un patient est décidée, nous le recevons pour lui expliquer les modalités de ce traitement et voir avec lui sa capacité à le suivre correctement, explique Gwaenaïck Villain. Le but est vraiment de faire en sorte que le patient adhère à son traitement dans son quotidien sans l’handicaper. » Pour certains patients, c’est aussi les rassurer sur les effets secondaires. « Concernant ces personnes, il y a une énorme appréhension, précise Gaëlle Charles. Les anciennes molécules avaient des effets secondaires très importants – fatigue, état pseudo-grippal, anémie… – alors que les antiviraux à action directe sont beaucoup plus confortables. Par contre, elles nécessitent d’être prises à heures fixes sans interruption sous peine d’échec thérapeutique. »

Lors de la première rencontre, elles prennent connaissance du niveau d’information du patient sur sa maladie : les modes de contamination, les facteurs aggravants de la maladie (comme l’alcool), la nature du traitement… Elles ont pour cela à leur disposition des outils pédagogiques simples et illustrés.

« En fonction de cette évaluation, nous allons adapter notre discours. L’idée est qu’ils deviennent acteurs de leur prise en charge, poursuit Gwaenaïck Villain. Il faut que l’organisation du traitement vienne d’eux. Nous ne leur imposons rien, nous sommes là pour les aiguiller, leur donner des astuces. Certains peuvent prendre jusqu’à cinq comprimés par jour. » Durant toute la durée du traitement d’un patient, qui peut aller jusqu’à six mois, elles sont amenées à les rencontrer régulièrement – 4 à 5 fois – pour évaluer la bonne prise du traitement et les éventuels effets secondaires. Lorsque les patients sont à la maison, les deux infirmières sont très facilement joignables par téléphone en cas de besoin. « Cette disponibilité contribue aussi à la bonne observance du traitement. »

Une fédération unique en France
La prise en charge des carcinomes hépatocellulaires du foie constitue une activité importante du service. En 2011, les CHU de Poitiers et de Tours ont souhaité se fédérer pour assurer une prise en charge optimum du cancer primitif du foie, indication majeure de la transplantation hépatique. Cet accord, unique en France, a vu le jour face à la pénurie de transplantation dans la région Poitou-Charentes et celle du Centre. Ainsi, cela garantit aux patients de ces territoires, le meilleur accès aux soins, dans le cadre d’une fédération inter-hospitalo-universitaire et en particulier grâce à la réunion de concertation pluridisciplinaire hebdomadaire entre les CHU de Poitiers et de Tours. « C’est cette fédération, engendrée par la volonté de personnes souhaitant travailler ensemble, qui a jeté les bases de l’actuelle organisation de la greffe du foie », précise le professeur Christine Silvain.

« Par rapport aux greffes hépatiques, notre service effectue la consultation de premier recours des patients susceptibles d’être transplantés. La décision est ensuite confirmée à Tours, avant que les malades n’y soient envoyés pour subir la transplantation. » A partir du moment où les risques post-opératoires sont écartés, les patients transplantés reviennent ensuite dans le service d’hépato-gastro-entérologie de Poitiers pour être suivis. Chaque année, ce sont cent patients qui sont transplantés. En 2015, 764 dossiers ont été discutés.

Pour le professeur Christine Silvain, l’avantage de cette fédération va au-delà de la transplantation : « Chaque patient bénéficie de l’ensemble des techniques de prise en charge des maladies du foie des deux établissements. Il y a une vraie complémentarité. Les patients de Tours peuvent bénéficier de nos activités de recours, telles que la radio-embolisation ou la chimio-embolisation. Inversement, les patients de Poitiers ont accès à des techniques disponibles à Tours, comme le CyberKnife, qui est un robot de radiothérapie capable de délivrer des fortes doses de rayons très ciblés et détruire ainsi des tumeurs hépatiques de moins de 5 cm. Avec cette mise à disposition de toutes les techniques possibles, grâce à notre union, il y a ainsi une prise en charge optimale du patient. »