La greffe sauve des vies. Cela, les infirmiers de la coordination hospitalière de prélèvements multi-organes et tissus en sont bien conscients et travaillent au quotidien en équipe afin d’apporter des solutions de vie.
Une équipe experte et solidaire
Ronan Allard-Duchêne, Karine Deparis, Aline Groleau et Carolle Le Costoec sont tous les quatre infirmiers coordinateurs au sein de la coordination hospitalière de prélèvement multi organes et de tissus[1]. Ils travaillent aux côtés des docteurs Thomas Kerforne et Thierry Bénard, médecins coordonnateurs de l’unité, et de Fabienne Etourneau, cadre de santé. Ayant tous les quatre travaillé plusieurs années en réanimation, ils avaient déjà une bonne expérience dans la prise en charge d’un donneur potentiel en réanimation. Ronan, qui a intégré l’unité en 2017, explique justement qu’il a fait le choix de changer parce qu’il ressentait de la frustration dans la prise en charge des patients en mort encéphalique dont la procédure était ensuite partiellement assurée par la coordination. Pour Aline aussi. Il s’agit d’accompagner davantage les familles en deuil, d’informer et de communiquer sur le don d’organes auprès de différents publics. Sensibilisée au don – de sang, d’organes, etc. – depuis son plus jeune âge, Carolle est ravie d’avoir intégré la coordination à son arrivée au CHU de Poitiers. En acceptant de travailler à 40% de son temps à la coordination, Karine, quant à elle, voulait voir un autre aspect du travail en réanimation qu’elle affectionne particulièrement, elle qui y travaille depuis plus de vingt ans. Puisqu’ils doivent aborder la question du don d’organes avec des personnes endeuillées, ils ont tous suivi une semaine de formation organisée par l’agence de la biomédecine : « cette formation n’est pas faite trop tôt pour que nous puissions acquérir un peu d’expérience sur le terrain et connaitre le travail au sein de la coordination. » Ils participent régulièrement à des journées d’information et à des congrès pour se tenir informés des actualités de leur spécialité. Comme ils le précisent eux-mêmes, ils forment une petite équipe mais ils sont très solidaires, point fort pour cette unité qui est confrontée à des situations parfois humainement difficiles. Ils échangent beaucoup entre eux sur les situations rencontrées. Suite aux procédures de don, et conformément aux recommandations de l’agence de la biomédecine, ils assurent avec les médecins responsables des donneurs des débriefings. « Il est important de discuter à froid après les entretiens car certaines situations sont un peu pesantes. On ne peut pas digérer cela tout seul, précise le Dr Kerforne. Et puis cela permet de voir ce qui s’est plus ou moins bien passé et de s’améliorer. Avec l’ABS Lab et l’équipe de neuroréanimation, notamment avec le Dr Fanny Bernard, nous sommes en train de développer des simulations d’entretien. Cela permet de mener les entretiens avec les familles dans de bonnes conditions et de s’améliorer en permanence. Parler du don d’organes ne s’improvise pas et l’équipe a une réelle expertise pour cela. »
Un métier varié
Les missions des infirmiers coordinateurs sont variées et s’articulent autour du don d’organes. Elles concernent en premier lieu la gestion du prélèvement d’organes et de tissus. Chaque jour, ils se rendent dans les services de réanimation pour recenser des patients en coma grave pouvant évoluer vers la mort encéphalique, et recherchent dans d’autres services cibles d’éventuels patients qui pourraient aussi évoluer vers une mort encéphalique : « nous nous rendons dans ces services pour maintenir une relation avec nos collègues des soins. C’est impératif pour qu’ils gardent le réflexe de penser à nous lorsqu’il y a un patient en mort encéphalique ou une décision d’arrêt thérapeutique ». Lorsqu’un patient se révèle donneur potentiel, les infirmiers accompagnent le médecin réanimateur en charge du patient auprès des familles afin de recueillir la volonté du défunt concernant un don d’organes. Si un don est envisageable, les infirmiers coordonnent les examens biologiques et médicaux nécessaires au prélèvement, constituent un dossier donneur en relation avec l’agence de la biomédecine puis coordonnent le prélèvement lui-même avec le bloc opératoire et les équipes extérieures. Ils s’assurent ensuite du respect du corps avant restitution à la famille. « La gestion des prélèvements d’organes n’est pas ce qui représente la plus grande partie de notre travail. Nous en avons à peu près une quarantaine par an ». L’équipe participe aussi au prélèvement de cornées post-mortem. Chaque jour, elle se rend à la chambre mortuaire pour recenser les décès ; étudie chaque dossier pour identifier des donneurs potentiels ; contacte les familles et coordonne le prélèvement si don il y a. L’objectif étant une centaine de prélèvements de cornées par an. Une autre partie importante de leur travail est la démarche qualité qui a pour objectif d’améliorer l’identification et le recensement des donneurs potentiels. Les infirmiers coordinateurs doivent enregistrer sur un logiciel de l’agence de la biomédecine tous les patients décédés dans les services cibles – réanimations adultes et pédiatriques, unités de soins continus, neurologie et urgences – après avoir étudié leurs dossiers, afin de savoir si ces patients étaient des donneurs potentiels. A ces tâches, s’ajoute la mise à jour régulière des procédures et protocoles, qui évoluent rapidement. L’autre grand pan de l’activité des infirmiers coordinateurs concerne la formation et l’information sur le don d’organes, non seulement auprès des professionnels de santé du CHU mais également auprès du grand public. La longue liste d’évènements auxquels ils vont participer, inscrite sur le tableau de leur bureau, annonce des mois bien chargés en actions de communication et de sensibilisation.
Un rapport privilégié avec les familles
Les infirmiers coordinateurs sont confrontés à des familles qui vivent ou vont vivre un deuil. Le décès d’une personne n’est pas pour eux quelque chose de négatif puisqu’il peut permettre de sauver des vies : « on nous demande souvent si ce n’est pas trop dur de travailler au quotidien avec des personnes décédées. Nous nous occupons de patients décédés certes mais la finalité reste tout de même d’aller aider une autre famille, aider des personnes qui en ont besoin. De pouvoir apporter une solution de vie. En plus, nous sentons bien que le don d’organes peut aider les familles dans leur procédure de deuil ». Lorsque le décès donne lieu à une procédure de prélèvement, un rapport privilégié avec les familles s’instaure. « Le contact avec ces familles est très riche en fait. Nous avons vraiment l’impression de pouvoir leur apporter quelque chose et eux-mêmes nous apportent aussi en retour. C’est une histoire de 24h à peine mais elle est très intense. Et ensuite, il y a la satisfaction du devoir accompli ». Les infirmiers coordinateurs sont le « fil rouge » de la famille tout le long de la procédure, depuis l’annonce du décès jusqu’à la phase de post-greffe. Ils restent disponibles pour les familles, pour répondre à leurs questions. Parfois, ce lien se poursuit. « Nous sommes contents quand nous recevons des nouvelles quinze jours après ou même parfois des années. Les familles nous téléphonent parfois pour savoir si les receveurs se portent bien. On sait alors pourquoi nous faisons cela ».
[1] La CHPMOT travaille en réseau avec les centres hospitaliers et les coordinations de l’ancienne région du Poitou-Charentes c’est-à-dire Angoulême, Niort, Saintes et la Rochelle. Ils mènent des projets conjoints et échangent beaucoup pour partager leurs expériences.