Lancé en 2010 par l’Institut national du cancer, juin vert est un mois consacré à la prévention et la sensibilisation contre le cancer du col de l’utérus. Même si le nombre de femmes touchées a énormément chuté ces dernières années, il reste encore trop élevé au vu des moyens de prévention et de dépistage disponibles aujourd’hui.
Le prévenir
Le cancer du col de l’utérus se développe dans la partie de l’utérus qui fait la jonction entre le corps de l’utérus et le vagin. Il est provoqué principalement par une infection persistante d’un groupe de virus appelé papillomavirus humain (HPV) transmis par voie sexuelle. L’infection par un virus HPV est fréquente dans le monde puisque 80% des femmes sont touchées au moins une fois dans leur vie. Fort heureusement, le corps a la capacité d’évacuer spontanément le virus. Mais dans 10 % des cas, l’HPV s’installe plus durablement au niveau de la muqueuse du col utérin ce qui peut entrainer des lésions précancéreuses pouvant évoluer vers un cancer.
Pour prévenir les infections persistantes par HPV, infections transmises par voie sexuelle, les autorités de santé recommandent depuis 2007, la vaccination des filles de 11 à 14 ans, vaccination étendue aux jeunes garçons depuis janvier 2021. Le vaccin contre les HPV est accessible à tous et pris en charge par la sécurité sociale. « Dans les pays qui ont mis en place cette vaccination depuis plusieurs années déjà, il n’y a quasiment plus de cancer du col de l’utérus. C’est notamment le cas de l’Australie. En France, nous sommes très en retard », regrette le Dr Cédric Nadeau spécialiste du traitement chirurgical des cancers, parmi lesquels celui du col de l’utérus.
Le dépister
L’autre moyen pour éviter le cancer du col de l’utérus est le dépistage qui permet de détecter la présence du virus ou des anomalies des cellules au stade de lésion précoce. Le Dr Nadeau explique que « La maladie s’installe lentement, l’infection virale précédant de plusieurs années la cancérisation. Et c’est justement cette persistance de l’infection qui va indiquer qu’il y a un risque de cancer. Elle peut induire des lésions précancéreuses qui, si elles sont dépistées, peuvent être soignées pour empêcher l’apparition du cancer. » Mais la présence de l’infection à HPV ne signifie pas forcément qu’il y a un cancer ; le corps n’a peut-être pas encore eu le temps de l’éliminer naturellement.
Si le dépistage du cancer du col de l’utérus concerne toutes les femmes de 25 à 65 ans, il touche avant tout les femmes de 30 à 65 ans. Les tests et leurs modalités varient donc selon les âges. Pour les femmes entre 25 et 29 ans, il s’agit d’un examen cytologique à faire tous les 3 ans, après deux premiers tests réalisés à un an d’intervalle et dont les résultats sont normaux. Pour les femmes de 30 ans à 65 ans, la Haute Autorité de santé a fait évoluer les modalités de dépistage en actualisant ses recommandations de 2010. Elle recommande que le test HPV-HR, plus efficace pour ces femmes, remplace l’examen cytologique. Il ne s’agit donc plus de rechercher les cellules anormales transformées par le virus, mais de détecter directement le virus lui-même. Le test HPV-HR est réalisé 3 ans après le dernier examen cytologique dont le résultat est normal. Un nouveau test est refait tous les 5 ans, jusqu’à l’âge de 65 ans, dès lors que le résultat du test est négatif.
Même vaccinées, les femmes doivent se soumettre aux dépistages du cancer du col de l’utérus : « Le vaccin est un moyen de lutte pour augmenter les chances de débarrasser le corps spontanément du virus diminuant ainsi le risque de cancer. Mais rien n’est sûr à 100 % », souligne le Dr Nadeau.
Un cancer évitable !
Chaque année, il y a près de 3 000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus. Près de 1 000 femmes en meurent. Ces chiffres sont beaucoup trop élevés surtout lorsque l’on sait qu’il s’agit de l’un des rares cancers évitables puisqu’il est provoqué par un virus, le papillomavirus humain (HPV) dont certains types sont dits à haut risque de cancérisation (HPV HR)[1]. « Aujourd’hui, nous avons en France les moyens d’éviter le cancer avec tout d’abord la vaccination des jeunes à partir de 11 ans et avec le dépistage. Avec le dépistage, on peut soigner des lésions précancéreuses avant que le cancer ne se développe. Si les femmes peuvent bénéficier de cette offre de santé ouverte à toutes, très peu s’y soumettent », insiste le Dr Nadeau. Seules 60 % des femmes concernées se font dépister. Le centre régional de coordination des dépistages des cancers de la Nouvelle-Aquitaine (CRCDC-NA) a lancé, en début d’année, une campagne de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus à destination des femmes de 25 à 60 ans. Objectif : toucher les 600 000 femmes de la région qui ne se font pas dépister.
Qu’en est-il de l’effet de la crise sanitaire sur les dépistages ? « Même si nous ne sommes pas encore capables aujourd’hui de savoir quels seront les effets de la pandémie, nous assistons à une diminution du nombre de patientes présentant un cancer à un stade avancé que nous voyons habituellement. Nous ne savons pas si c’est lié au fait que les femmes ne viennent pas consulter à cause de la covid-19. Ce sont, peut-être, les premiers effets de la vaccination contre les HPV commencé il y a un peu plus de 10 ans », souligne le Dr Nadeau.
Et pour éviter ce « cancer évitable », le Dr Nadeau conseille aux femmes de consulter régulièrement leur gynécologue, leur sage-femme ou leur médecin traitant pour faire un dépistage, de faire vacciner leurs enfants et – il insiste sur ce point – de ne pas fumer.
Rappelons qu’un cancer découvert précocement a plus de chances de guérison.
[1] Le virus papillomavirus peut déclencher d’autres types de cancers : gorge, anus, vulve, vagin, pénis, etc. C’est pour cette raison que la vaccination contre les infections au HPV est depuis peu étendue aux garçons.
Le Dr Cédric Nadeau est chirurgien gynécologue au CHU de Poitiers. Spécialisé dans le traitement des cancers gynécologiques (vulve, vagin, col de l’utérus et corps utérin, ovaire) et mammaires, il participe à une étude, Senticol III, qui vise à valider une procédure de retrait des ganglions lymphatiques pelviens plus sûre et moins invasive. “Jusqu’à maintenant, la procédure standard est de prélever tous les ganglions lymphatiques de la patiente en effectuant un curage pelvien, indique le Dr Nadeau. Ces ganglions sont ensuite analysés et les résultats nous permettent de connaitre le stade d’avancement du cancer. Mais depuis plusieurs années, une procédure moins agressive est en cours de validation. Elle consiste à retirer uniquement le ou les ganglions sentinelles.” Un ganglion sentinelle est le premier ganglion lymphatique d’une chaîne ou d’un groupe ganglionnaire vers lequel le cancer est le plus susceptible de se propager. Si ce ganglion est sain, c’est qu’il n’est pas nécessaire de faire un curage.
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