Le 23 mai, les équipes d’imagerie du CHU de Poitiers ont accueilli un drôle de patient. La sculpture de la Grand’Goule, exposée au musée Sainte-Croix de Poitiers, a subi un scanner dans le cadre de son processus de réparation.
Histoire de la Grand’Goule ?
La Grand’Goule est un monstre emprunté à « la légende dorée » de Sainte Radegonde, fondatrice de l’abbaye Sainte-Croix et patronne de Poitiers. Il est composé d’un corps de reptile, d’ailes de chauve-souris, des serres d’aigle et d’une queue dentelée de scorpion. De sa gueule béante remplie de crocs sort une langue de vipère. Selon les traditions médiévales, ce monstre sanguinaire vivait au bord du Clain et s’aventurait dans les souterrains du couvent Sainte-Croix. Il dévorait les religieuses qui ne purent l’arrêter avec leurs prières. Ainsi, Sainte Radegonde dut se résoudre à affronter la bête en la poursuivant jusqu’à son repère. C’est en cherchant à s’enfuir en volant que la bête fut terrassée par une malédiction et un signe de croix lancée par Sainte Radegonde. Aujourd’hui, même si ce monstre fut sans doute peint puis sculpté à plusieurs reprises au sein de l’abbaye Sainte-Croix, il ne reste que cette effigie en bois, dont la gueule est articulée et qui fut réalisée en 1677 par le maître sculpteur Jean Gargot. C’est une œuvre déposée par l’Etat, classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 11 juin 1908. Elle est l’emblème de Poitiers est une œuvre majeure des collections du musée Sainte-Croix.
Restauration de l’œuvre et imagerie
La Grand’Goule présente des signes de faiblesses et les musées de la Ville de Poitiers, dépositaires de l’œuvre, doivent donc la faire restaurer. Les interventions de restauration attendues sur cette sculpture emblématique de Poitiers ont pour but de traiter les désordres observés et de lui rendre intégrité, harmonisation et unité des surfaces. Au regard de l’état constaté, tant de la structure que de la polychromie, sont donc attendus : le dépoussiérage de l’œuvre dans son ensemble, le traitement des manques, fissures et fentes observés dans le bois ainsi qu’une intervention sur les soulèvements, les écailles et autres pertes de matière. Enfin, un traitement des retouches plus récentes, et notamment du vernis, parfois apposé de façon irrégulière et présentant différentes coulures, permettra de rendre unité et lisibilité à cette sculpture emblématique du musée Sainte-Croix de Poitiers. Pour cela, ils font appel à un restaurateur agrée qui doit réaliser une étude approfondie de l’œuvre. « Pour éviter de dégrader les assemblages une étude scanographique de l’intégralité de l’œuvre me semblait être la plus appropriée », précise Emmanuelle Sedille, restauratrice agréée, chargée de la restauration de l’œuvre. Après prise de contact avec le pôle imagerie et l’étude de faisabilité par les radiophysiciennes du CHU de Poitiers, le rendez-vous est pris : la sculpture réalisera un scanner ! Des reconstructions 3D des images réalisées au scanner vont permettre de préciser les techniques de réalisation et les éléments constitutifs de l’œuvre. Le jour J, il a fallu une certaine dextérité aux équipes de l’imagerie pour que l’œuvre passe dans le scanner tout en préservant son intégrité. « Nous n’avons pas l’habitude de manipuler des patients en bois aussi âgés et sensibles ! » s’amuse Fabien Voix, cadre supérieur de santé du pôle imagerie. Après avoir bien calé la bête sur la table du scanner, les premières images sont réalisées. L’ensemble des équipes du musée et de l’imagerie reste est en émoi devant les premières découvertes. « Il y a plus de métal qu’on ne pensait » réagit Pauline Laforêt, régisseure du musée Sainte-Croix. Celle qui est chargée de la conservation et de la manipulation des œuvres au sein du musée est très attentive aux images qui apparaissent. « Au-delà de la restauration, il faut penser à la conservation de l’œuvre et tous les risques qu’elle peut encourir », indique -t-elle, « on savait qu’elle pouvait être sensible aux insectes xylophages, de par sa nature en bois principalement, mais je découvre maintenant qu’il va falloir que je fasse attention à l’humidité de la pièce dans laquelle elle est entreposée ». Après plus de trois heures d’exploration, la Grand’Goule a ainsi révélé plusieurs de ses secrets sur la table du scanner installée dans le service de radiothérapie du CHU de Poitiers, et nul doute que les équipes se souviendront longtemps de ce patient si particulier.