La greffe en appelle aux donneurs vivants

Une fois prélevé à l’aide du robot DaVinci, le rein peut être vérifié, préparé et sera

L’inadéquation entre offre et demande d’organes à greffer amène à étendre à l’entourage du malade la possibilité de prélever un rein sur un donneur vivant. La pratique est validée depuis 2011 mais demande à être mieux connue.

La France souffre d’une pénurie de greffons, pour diverses raisons. La baisse du nombre d’accidents de la route – par exemple et fort heureusement- entraîne moins de donneurs, alors que la demande augmente. Donc l’inadéquation entre la demande et l’offre se renforce pour le rein, régulièrement greffé à Poitiers. Une activité réservée aux CHU et centres spécialisés. « Nous greffons aussi sur des patients plus âgés et nous faisons mieux face aux problèmes d’incompatibilité », explique le Dr Olivier Celhay, urologue au sein du service du Dr Thomas Charles. Ce constat renforce la volonté publique d’augmenter le nombre de greffes à partir de donneurs vivants.

Offrant un impact esthétique moindre, l’utilisation du robot permet d’obtenir un raccourcissement significatif du temps de cicatrisation et de convalescence.Offrant un impact esthétique moindre, l’utilisation du robot permet d’obtenir un raccourcissement significatif du temps de cicatrisation et de convalescence.
Offrant un impact esthétique moindre, l’utilisation du robot permet d’obtenir un raccourcissement significatif du temps de cicatrisation et de convalescence.

Les alternatives pour faire face à cette pénurie et à des délais d’attente qui s’allongent – de six mois à deux ans et demi, parfois plus – ne peuvent se limiter à la dialyse. « Les dons entre personnes vivantes sont désormais possibles, au départ entre frères et sœurs et désormais aussi entre mari et femme et même au-delà puisque nous venons de réaliser la première greffe croisée », observe le praticien. Dans ce cas, il s’agit de deux couples où chacun était incompatible avec son conjoint mais ne l’était pas pour l’autre, rendant l’opération possible. « Dans le processus d’une greffe, deux valeurs sont importantes, appuie le Dr Celhay. L’anonymat, tout le processus le respecte, du donneur au receveur, et la gratuité pour le donneur. » La greffe de rein bénéficie d’un grand retour d’expérience. Les incompatibilités de groupe ABO sont mieux connues et surmontées ; ce qui permet d’élargir l’accès. Pour le donneur, l’acte est courageux, mais ses conséquences mieux maîtrisées que par le passé. La technique du prélèvement d’organe par cœlioscopie améliore les suites opératoires en termes de douleur et réduit la durée du séjour. Le progrès est notable aussi pour le retour à la vie sociale.

Le cap Da Vinci
Le robot chirurgical Da Vinci, à l’œuvre au CHU depuis l’automne 2015, a permis de franchir un nouveau cap : les incisions sont encore plus petites (8 mm), les patients sont plus vite alimentés et généralement debout en 24 heures. Une nouvelle voie sera prochainement mise en œuvre pour les patientes : l’extraction du rein par voie vaginale avec une incision cutanée réduite. Les vacations sont quotidiennes et le planning partagé par spécialités. La durée d’intervention avec le robot est réduite, mais les temps globaux qui comprenne l’installation du patient et la remise en état du bloc permettent deux interventions par jour. Un rythme en concordance avec la demande et un délai d’intervention acceptable, deux mois en moyenne.

Anatomie du rein
Anatomie du rein

« Le grand public doit savoir que les techniques ont énormément évoluées et que le processus de greffe est parfaitement balisé », estime le Dr Celhay. L’agence de biomédecine valide chaque dossier suivant un processus qui comprend des étapes médicales et éthiques. Les staffs hebdomadaires avec l’équipe de néphrologie  permettent d’établir la liste des dossiers retenus et d’en évaluer toutes les questions qu’ils soulèvent, des plus techniques à l’organisation et la coordination, très élaborée pour les greffes croisées. Au final, pour les patients greffés, c’est une vie nouvelle.

 

Des patients très informés

À Poitiers, l’an dernier, 66 greffes de rein ont été effectuées, dont sept à partir d’un donneur vivant. Cent cinquante patients sont inscrits sur la liste d’attente pour un délai de deux ans en moyenne, un des plus faibles de France. Les greffés viennent de toute la région et sont suivis au CHU. Le Dr Estelle Desport, néphrologue au CHU, et Nathalie Chargé, infirmière coordonnatrice pour la transplantation rénale, sont au cœur du processus qui mène à la greffe.

La sélection des donneurs est drastique et le ratio des volontaires retenu assez faible, moins de la moitié. Les contre-indications sont examinées : hypertension, rein non adéquat, nombres d’artères… Celui qui accepte ce geste est passé par un filtre qui informe l’équipe médicale sur la manière dont il peut supporter de vivre avec un rein au lieu de deux, y compris sur le plan psychologique. Le dossier est soumis à une commission et, en parallèle, le donneur reçu par un magistrat qui s’assure de ses motivations. Cette procédure est longue et, si la moindre opposition se manifeste, elle s’arrête. Après l’opération, le donneur est aussi suivi régulièrement, par le néphrologue puis par son généraliste, avec des rendez-vous réguliers tout au long de sa vie. La demande émane souvent de proches qui mesurent toutes les difficultés d’une vie de dialysé et ses conséquences sur la vie quotidienne.

La loi de bioéthique révisée en juillet 2011 a élargi le cercle des donneurs potentiels au-delà du cercle familial, un lien amical de plus de deux ans est toutefois nécessaire entre le donneur et le receveur. La procédure permet aussi de s’assurer des motivations du donneur. L’Agence de biomédecine donne ensuite son feu vert. L’ensemble prend de quatre à six mois. Sont donc possibles les dons entre vivants apparentés ou non apparentés et, grâce au progrès dans la lutte contre les rejets ABO, des greffes nouvelles en préparant le futur greffé avec un protocole adapté.

Le don demande un temps d’accompagnement important, du pré don aux suites. Le suivi psychologique des donneurs est important et ne doit pas être négligé du fait de leur investissement. Après l’intervention, ils peuvent ressentir un sentiment de perte, à prendre en compte dès le début. La transplantation rénale n’implique pas pour autant une « guérison à vie », la durée de vie d’un greffon est de 15 à 20 ans et le patient doit le savoir. De nombreux facteurs influencent cette durée, du mode de vie à la compatibilité. Avec les contraintes d’une maladie chronique.