Le Dr Nathalie Girault est phoniatre au CHU de Poitiers depuis 2003. Passionnée de musique et de chant lyrique, elle est l’unique phoniatre en Poitou-Charentes. A l'occasion de la journée mondiale de la voix ce 16 avril, elle nous présente cette profession rare et peu connue.
Le phoniatre est un médecin spécialisé dans la fonction du larynx, qui est l’organe abritant les cordes vocales, siège de la voix, mais aussi de la déglutition.
Soigner la voix
Le Dr Girault reçoit en consultation au CHU toute personne présentant des troubles de la voix, comme de la fatigue vocale par exemple, fréquents dans les professions où la voix est très utilisée : chanteurs bien sûr, mais aussi enseignants, standardistes… « Je vois également des chanteurs en consultation pour un suivi de routine, parce que c’est leur outil de travail, donc ils veulent vérifier que tout va bien », précise le Dr Girault.
Lors de la consultation, le phoniatre réalise un examen nasopharyngoscopique, à l’aide d’une fibre optique spécifique introduite dans une des narines du patient qu’il guide jusqu’au larynx, afin d’observer son fonctionnement et de poser un diagnostic sur les troubles rencontrés.
Une fois le diagnostic posé, les possibilités thérapeutiques dépendent de la pathologie et vont de la prise en charge en rééducation orthophonique, au traitement médicamenteux, ou à la chirurgie laryngée.
Certaines lésions telles que les polypes, kystes des plis vocaux nécessitent une exérèse chirurgicale ; d’autres telles que les nodules pourront régresser avec la rééducation orthophonique.
La plupart des prises en charge chirurgicales nécessitent une anesthésie générale, au bloc opératoire. Mais de plus en plus, certains gestes sur le larynx sont faits en ambulatoire au cours de la consultation, grâce à la laryngoscopie interventionnelle qui se développe également à grand pas. Il s’agit d’une partition à 4 mains, réalisée au CHU de Poitiers conjointement entre le Dr Nathalie Girault et le Dr Justine Leclerc, oto-rhino-laryngologue (ORL). A l’aide d’un nasofibroscope avec canal opérateur, les médecins peuvent agir directement sur le larynx, sous anesthésie locale. Cela concerne certains patients ayant une paralysie laryngée, nécessitant une médialisation cordale, ou des patients pour qui l’anesthésie générale est contre-indiquée et qui nécessitent une biopsie, par exemple.
Orthophoniste et phoniatre : quelle différence ? Les orthophonistes sont des paramédicaux, ce sont « les kinés du larynx » dont la fonction est, entre autres, de rééduquer la voix, la déglutition, le langage. Le phoniatre, quant à lui, est un médecin qui va poser un diagnostic sur le trouble du patient et l’orienter vers un orthophoniste et/ou lui proposer un traitement. Le phoniatre et l’orthophoniste travaillent en concertation étroite Les orthophonistes du CHU de Poitiers prennent en charge des patients présentant des dysphonies simples dysfonctionnelles, ou après chirurgie laryngée (y compris dans le cadre des tumeurs laryngées après laryngectomies), mais également des troubles de la déglutition, notamment pour les reprises d’alimentation orale. |
Au sein du CHU, certains patients sont adressés au phoniatre par les autres services médicaux ou chirurgicaux pour tout type de problème vocal pouvant aller de la simple dysphonie liée à l’altération du tonus dans le cadre de la maladie, aux dysphonies neurologiques, aux lésions laryngées après intubation, ou aux paralysies de cordes vocales, toujours possibles après chirurgie du cou.
Par exemple, dans le parcours de chirurgie de la thyroïde, des carotides et des poumons notamment, tous les patients rencontrent le phoniatre après leur opération. « A Poitiers, on a cette spécificité de voir tous les patients opérés de la thyroïde à J1, juste avant leur sortie. Tous sans exception, ce qui ne se fait pas partout. ». Ceux qui présentent une paralysie des cordes vocales bénéficient ensuite d’un suivi.
Dans certaines dysphonies neurologiques, les patients présentant des dystonies laryngées, c’est-à-dire des contractions involontaires des cordes vocales, qui causent des interruptions de la parole peuvent bénéficier d’injections de toxines botuliques dans les plis vocaux, en consultation commune avec les neurologues, sous contrôle électromyographique. Cette intervention pourra bientôt s’effectuer grâce à la laryngoscopie interventionnelle, sous anesthésie locale.
Troubles de la déglutition, plus fréquents qu’on ne le pense
A l’hôpital, un grand nombre de patients présentent des troubles de la déglutition, quel que soit le service dans lequel ils sont hospitalisés « parce qu’ils sont fatigués, malades, ce qui peut déjà être la cause de problèmes de déglutition, surajoutés à la pathologie en elle-même ».
« On travaille avec tous les services, c’est une activité totalement transversale », allant des personnes âgées du service de gériatrie, aux bébés en pédiatrie, notamment dans le cadre des syndromes génétiques, en passant par les patients opérés de la sphère oro-pharyngo-laryngée, ou les patients qui ont été intubés en réanimation. Le service de neurologie adresse également de nombreux patients au phoniatre, pour les pathologies neuro-dégénératives en particulier, comme la maladie de Parkinson et la maladie de Charcot, ou dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Certains patients externes viennent également en consultation, lorsqu’ils sont adressés par leur médecin traitant, comme par exemple des résidents d’EHPAD ou de centres de rééducation.
Lors d’une consultation pour des troubles de la déglutition, le phoniatre réalise, avec l’aide d’un infirmier, un examen nasofibroscopique de déglutition : le patient mange différentes textures pendant l’examen pour observer le fonctionnement du larynx. Cet examen peut être complété par la radioscopie de déglutition. Pour cet examen, le phoniatre travaille avec un manipulateur d’électroradiologie médicale, qui va piloter et régler l’appareil de radiologie afin d’obtenir les images nécessaires. Le patient ingère des aliments contenant du produit de contraste afin que le phoniatre puisse observer le trajet des aliments et détecter les éventuels dysfonctionnements.
Au CHU de Poitiers, les patients présentant des troubles de la déglutition peuvent bénéficier d’une évaluation en hôpital de jour. Il s’agit d’une exploration complète comprenant un examen phoniatrique, orthophonique et diététique. Un de ces examens consiste pour le patient à manger un vrai repas, sous l’observation de l’orthophoniste afin de relever dans la réalité d’un repas les difficultés et de proposer des adaptations. « Seulement 3 ou 4 centres proposent cette formule en France », précise le Dr Girault.
Devenir phoniatre A l’origine, la spécialité phoniatrique était ouverte à plusieurs branches médicales : médecine générale, neurologie, psychiatrie. Aujourd’hui, elle est ouverte à la seule spécialité ORL, en passant un diplôme d’études supérieures interuniversitaires (DESIU) de phoniatrie, constituant une surspécialisation ORL. |
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