Le manque de sommeil a-t-il des conséquences sur l’état des patients en réanimation ? C’est à cette question que le professeur Xavier Drouot, neurophysiologiste spécialiste du sommeil, et le docteur […]
Le manque de sommeil a-t-il des conséquences sur l’état des patients en réanimation ? C’est à cette question que le professeur Xavier Drouot, neurophysiologiste spécialiste du sommeil, et le docteur Arnaud Thille, maître de conférences universitaire et praticien hospitalier du service de réanimation médicale, s’attachent à répondre dans leurs travaux de recherche, entamés depuis huit ans. « Ce sont des patients qui sont très souvent surveillés, avec des alarmes à proximité, des prises de sang régulières… Les patients en réanimation ne sont pas dans des conditions propices au sommeil », constatent les deux professeurs.
Le traitement des patients en réanimation est centré sur la nécessité d’oxygéner le sang et de faire en sorte que le coeur batte le plus régulièrement possible. Au fil des années et des progrès effectués, les méthodes de ventilation sont les plus physiologiques et les moins invasives possible, les comas artificiels ne sont plus forcément les plus pertinents.
« Quand ils ne sont pas anesthésiés, les patients dorment très mal et beaucoup de plaintes sont exprimées quant à l’environnement de surveillance intensive. Nos travaux cherchent à savoir si le manque de sommeil a réellement un impact sur la santé de ces patients », résume Xavier Drouot. « Il est avéré qu’en réanimation, le sommeil est complètement perturbé les patients ont très peu de sommeil profond, peu voire pas de sommeil paradoxal qui permet la récupération psychique et que le sommeil est très fragmenté et inversé entre la nuit et le jour », renchérit Arnaud Thille.
Les conséquences du manque de sommeil
Il y a une trentaine d’années, l’importance du sommeil chez des patients sains n’était pas encore établie. Puis, des études ont montré qu’un sujet sain privé de sommeil pendant une nuit avait une endurance respiratoire moins satisfaisante. « Deux problèmes majeurs liés au manque de sommeil sont apparus : l’endurance respiratoire est réduite ; des problèmes de comportement apparaissent comme l’altération des capacités de jugement et l’équilibre psychologique, des hallucinations… », énumère Xavier Drouot. « On peut penser que les conséquences sur les patients en réanimation privés de sommeil pendant trois à cinq nuits sont les mêmes que sur les patients sains. Mais ce ne sont que des supputations pour le moment », poursuit-il.
Étude sur une quarantaine de patients
Pour avancer sur ces hypothèses, démarrera en septembre une étude observationnelle sur l’impact de la qualité du sommeil sur le sevrage de la ventilation assistée. « Nous allons enregistrer le sommeil des patients qui vont avoir des difficultés de sevrage respiratoire en effectuant des polysomnographies », détaille Xavier Drouot. Une mise en place d’autant plus difficile qu’il va s’agir de poser des électrodes sur des patients déjà très soumis à la technicité de leur prise en charge. Ces polysomnographies seront effectuées tous les deux jours jusqu’à ce que le patient ne soit plus sous ventilation assistée. L’étude sera menée sur des patients qui dorment plutôt bien et d’autres plus mal, afin de comparer la durée de sevrage.
Les chercheurs mesureront la force des muscles inspiratoires le soir et le matin pour voir l’impact du sommeil sur cette force. « Nous pensons inclure une quarantaine de patients en réanimation pendant douze mois. Avec cette étude, nous pourrons montrer l’impact bénéfique ou non du sommeil sur la durée du sevrage », affirme Arnaud Thille. « C’est une première étape vers des recherches qui peuvent s’étendre sur trois ou quatre ans et qui viseraient à montrer que si l’on fait attention aux conditions de sommeil des patients, ils se remettent mieux », prévoit Arnaud Thille. « Cela permettra aussi peut-être d’affiner les facteurs les plus dérangeants et ainsi d’agir directement dans les services de réanimation », conclut-il.