Le professeur Nicolas Isambert, chef du service d’oncologie médicale, revient sur la mobilisation de l’ensemble de son équipe qui a permis que la prise en charge des patients soit assurée pendant la crise sanitaire.
Le pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers a poursuivi son activité pendant la crise sanitaire. A-t-il dû adapter son fonctionnement pour cela ?
En effet, nous avons continué notre activité pendant cette période et pour cela nous avons adapté notre organisation. Nous nous sommes réorganisés sur trois points principaux. Nous avons, tout d’abord, adapté les traitements des patients pour réduire la fréquence de venue des patients notamment en hôpital de jour. Les schémas thérapeutiques hebdomadaires ont été remplacés par des schémas toutes les trois semaines lorsque cela était possible et sans impact sur le pronostic de la maladie.
Lorsque cela était faisable, nous sommes également passés à des thérapies sous formes orales. Pour tous les autres patients, nous avons maintenu les traitements habituels. Avec ce passage à des schémas thérapeutiques toutes les trois semaines, nous avons connu une petite baisse d’activité en hôpital de jour. Mais rapidement, elle est revenue à son niveau habituel.
Le second point de notre organisation a consisté à sanctuariser le pôle régional de cancérologie. C’est d’ailleurs l’un des rares services du CHU à l’avoir été. Il s’agissait de ne pas faire venir à l’hôpital les patients potentiellement infectés par la covid. Si le traitement n’était pas urgent, il était repoussé de 15 jours pour que nous soyons certains que les malades ne manifestent pas d’autres signes.
Le dernier point de notre réorganisation a été l’utilisation de la télémédecine pour assurer les consultations de surveillance. Cela a très bien fonctionné, aussi nous menons une réflexion pour poursuivre nos consultations grâce à cet outil. Il n’est toutefois par adaptable aux patients en prise en charge initiale.
Une étude récente a montré que les patients suivant une thérapie étaient hautement à risque. Que pouvez-vous en dire ? Quelles mesures ont été mises en place au pôle régional de cancérologie pour protéger ces patients ?
C’est tout à fait vrai et c’est pour cela que nous avons pris en compte ce paramètre dans la prise en charge de nos patients. Mais après, ce qui a été évalué, c’est la balance entre les bénéfices et les risques, entre prendre le risque d’être infecté et les risques intrinsèques à la maladie. La prise en charge reposait sur la décision individuelle de chaque médecin. Nous avons essayé de repousser les schémas thérapeutiques quand cela était possible. Nous avons eu la chance à Poitiers de ne pas être été très touché par l’épidémie comme cela a été le cas en Ile-de-France et dans le Grand-Est. Nous avons échappé à l’afflux massif de patients atteints par la covid.
Vous avez pratiqué des nouvelles approches thérapeutiques ?
Nous avons appliqué dans la mesure du possible les recommandations nationales émises par différents groupes coopératifs concernant la prise en charge des patients pendant cette crise sanitaire. Celles-ci avaient pour objectif de passer le cap d’une situation potentiellement critique pour nos patients. Ces recommandations étaient à adapter au type et au stade de la maladie. Les nouvelles approches concernaient par exemple le passage des schémas thérapeutiques hebdomadaires à des schémas toutes les trois semaines dont j’ai parlé plus tôt. Mais nous allons revenir aux schémas antérieurement utilisés.
Comment s’est passée concrètement cette période de crise sanitaire au sein du pôle régional de cancérologie ?
Nous avons eu la chance de pouvoir nous préparer et d’anticiper les choses. Nous nous sommes organisés en conséquence. Comme nous n’avons pas été très impacté par l’épidémie, tout s’est bien passé. Cela est dû avant tout à la mobilisation et à l’implication de toute l’équipe du pôle que je tiens à remercier ici.
Beaucoup craignent une surmortalité due au retard de diagnostic et de prise en charge des patients pendant cette crise. Et vous ?
Honnêtement, je n’ai pas eu cette impression. Comme nous avons été très peu touché par l’épidémie, nous avons continué notre prise en charge habituelle. Dans mes spécialités telle que la sénologie, je n’ai pas constaté ce phénomène. Nous avons maintenu l’activité de prise en charge initiale. Il y a eu probablement des patients qui ne sont pas venus se faire diagnostiquer, qui ont repoussé leur coloscopie ou mammographie. Mais nous verrons les effets de cela avec un décalage.