Le Pr Luc Pellerin, directeur de l'unité Inserm IRMETIST U1313, a dirigé une étude sur la stéatose hépatique non alcoolique, plus connue sous le nom de « maladie du foie gras », dont les résultats viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue Journal of Hepatology (IF 30.083). Des résultats qui montrent que cette pathologie augmente le risque de développer des troubles du cerveau.
Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Poitiers, du King’s College à Londres et de l’Université de Lausanne ont mené des recherches afin de découvrir l’impact au niveau cérébral de la stéatose hépatique non alcoolique. Cette étude est d’autant plus importante que cette pathologie est de plus en plus fréquente dans les sociétés touchées par l’obésité et la sédentarité. Elle affecte près de 200 000 personnes en France et 80 % des personnes souffrant d’obésité morbide seraient concernées. Elle peut tout de même apparaitre en l’absence de prise de poids excessive. La stéatose hépatique non alcoolique se caractérise par une accumulation de graisse dans le foie pouvant entrainer une inflammation voire une cirrhose. Les causes et mécanismes sont mal connus et pour l’instant aucun traitement efficace n’existe pour prévenir ou renverser cette condition – mis à part une perte de poids. Elle est connue pour pouvoir évoluer en différents stades qui passent par la stéatohépatite : une inflammation chronique du foie entraînant une fibrose, la cirrhose et finalement le carcinome hépatocellulaire, c’est-à-dire un cancer du foie. De précédents travaux avaient déjà démontré les effets néfastes d’un régime alimentaire déséquilibré et de l’obésité sur la fonction cérébrale. Mais c’est la première fois que des chercheurs suggèrent que les personnes touchées par la stéatose hépatique non alcoolique pourraient être exposées à un risque accru de développer des troubles neurologiques graves tels que la démence. L’étude menée chez la souris montre qu’une stéatose hépatique n’a pas que des conséquences pour le foie mais affecte aussi le système nerveux central. L’accumulation de graisse dans le foie provoque une diminution d’oxygène dans le cerveau et une inflammation des tissus cérébraux, deux phénomènes associés à une augmentation du risque de maladies neurologiques graves. Ainsi, un comportement anxieux et des signes de dépression ont été mis en évidence chez la souris, corroborant des observations similaires faites chez l’homme. Après avoir comparé les effets de deux régimes alimentaires différents donnés à des souris, les chercheurs ont recherché des solutions pour contrôler les effets délétères de la stéatose hépatique non alcoolique sur le cerveau. Ils ont élevé des souris présentant des niveaux faibles de la protéine Monocarboxylate Transporter 1 (MCT1), protéine spécialisée dans le transport de substrats énergétiques utilisés par diverses cellules pour leur fonctionnement normal. Pour les chercheurs, celle-ci présente un intérêt majeur pour la diffusion des substrats dans le foie et le cerveau. De manière spectaculaire, une souris partiellement invalidée pour le gène codant pour le transporteur aux monocarboxylates MCT1, est non seulement protégée du développement de la stéatose hépatique, mais aussi des altérations cérébrales et des troubles de comportement associés. « L’identification de MCT1 comme élément clé dans le développement de la stéatose hépatique non alcoolique et du dysfonctionnement cérébral qui lui est associé ouvre des perspectives intéressantes », précise Luc Pellerin. « Elle met en évidence les mécanismes potentiels en jeu dans l’axe foie-cerveau et indique une cible thérapeutique possible ». Le Pr Pellerin souligne, de plus, que ces travaux posent aussi une question importante dans un domaine d’expertise de l’unité Inserm IRMETIST U1313, à savoir la transplantation d’organe : « Suite à la pénurie d’organe à greffer, les chirurgiens transplanteurs envisagent d’utiliser des foies stéatosiques pour les greffes. En effet, avec la pandémie d’obésité se développant dans nos pays occidentaux, de plus en plus de foies provenant de donneurs dits « sains » présentent un certain degré de stéatose hépatique et étaient jusqu’à maintenant, à juste ou à mauvais titre, écartés. Il devient donc important d’évaluer les risques pour un receveur de développer des pathologies secondaires suite à la transplantation de tels foies stéatosiques ».