Le centre d’investigation clinique (INSERM CIC1402) du CHU de Poitiers a participé à une étude d’envergure internationale sur le diabète. Objectif : mieux comprendre ce qui cause une fatigue des reins chez les personnes qui ont un diabète. Cette étude a été réalisée, pour sa partie française, par le Pr Pierre-Jean Saulnier, médecin coordonnateur du CIC et spécialiste du diabète.
Diagnostiquer plus tôt
En France, 6% de la population est atteinte de diabète, un pourcentage qui ne cesse d’augmenter, en raison notamment des modifications de nos habitudes de vie et de nutrition. Les complications des reins sont assez courantes chez les diabétiques, puisque 30% d’entre eux développeront des problèmes rénaux au cours de leur vie. Ces complications qui entrainent une insuffisance de fonctionnement des reins sont traités parfois par la dialyse, voire la greffe de rein. Cette étude propose une nouvelle manière de diagnostiquer ces complications, avant même qu’elles ne surviennent. « On cherche à deviner médicalement parmi tous les patients avec diabète lequel va développer des complications du rein », explique le Pr Pierre-Jean Saulnier.
Ces travaux de recherche, menés en partenariat avec des universités américaines prestigieuses comme Harvard, ou un laboratoire du National Institutes of Health (équivalent aux USA de l’INSERM en France), ont utilisé les informations de santé d’environ 400 patients, atteints de diabète de type 1 ou 2, et suivis pendant 30 à 40 ans.
Les résultats de l’étude ont permis de mettre en évidence un nouveau mécanisme de survenue des complications, jusqu’alors inconnu. « C’est un travail au service des patients », souligne le Pr Saulnier. En effet, ces résultats ouvrent vers de nouvelles prises en charge et à la possibilité de nouveaux traitements. Un réel espoir pour les malades, les complications rénales constituant l’une des trois premières causes de mortalité chez les diabétiques, notamment lorsqu’elles sont traitées trop tardivement.
Comprendre les mécanismes de complication
Ces travaux de recherche ont analysé des prises de sang, des analyses d’urine et des biopsies de rein. La biopsie du rein est rarement effectuée en temps normal, dans le cadre de la prise en charge du diabète mais apporte une information irremplaçable jusque-là. Les plus de 400 prélèvements réalisés dans le cadre de l’étude constituent donc une base de connaissance unique au monde. A partir de ces biopsies, les chercheurs ont étudié le code génétique, selon la méthode d’analyse sur cellule unique « single cell analysis », pour mieux comprendre pourquoi les patients développent une insuffisance des reins. Ils ont également observé au microscope les cellules de rein abîmées par la maladie. « C’est cet ensemble de techniques ultra-modernes qui fait tout le caractère novateur de cette étude », indique le Pr Saulnier. Les résultats de l’étude ont d’ailleurs fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science Translational Medicine.
Les analyses conduites ont mis en évidence l’existence d’un marqueur dont le taux augmente de manière conséquente avant l’apparition de complications rénales. « On connaissait déjà ce marqueur, car c’est une protéine qui a un rôle protecteur contre les tumeurs », explique le Pr Saulnier. Les chercheurs ont donc pu s’appuyer sur les travaux de recherche en cancérologie pour comprendre et analyser ce marqueur dans le cadre du diabète. Les données analysées au cours de l’étude ont démontré que lorsque le taux de ce marqueur augmente et dépasse un seuil, la probabilité de développer une complication rénale est très forte.
Vers une évolution de la prise en charge du diabète
La prochaine étape du projet de recherche est maintenant de trouver une molécule ou un traitement pour cibler ce marqueur et agir sur lui, afin d’en diminuer le taux, ce qui permettrait potentiellement d’éviter l’apparition de complications rénales. Lorsqu’une molécule aura été isolée, elle sera soumise à une série d’études cliniques afin d’en déterminer l’efficacité.
Aujourd’hui, la prise en charge du diabète consiste en priorité à équilibrer le diabète. Pour cela, les premières actions sont le contrôle du poids, l’équilibrage des repas, et la régularité de l’activité physique. « Ce sont les aspects primordiaux de la prise en charge du diabète », souligne le Pr Pierre-Jean Saulnier. Des médicaments peuvent également être utilisés en complément. Le second axe de prise en charge consiste à protéger les reins, en normalisant la pression artérielle, puisque l’hypertension peut avoir de graves conséquences sur les fonctions rénales.
Avec les apports de l’étude menée par le Pr Saulnier, on comprend mieux mieux les causes de ces maladies. A terme et si ces résultats sont confirmés, les patients pourraient bénéficier du suivi du taux du marqueur identifié, avec une simple analyse d’urine, ou de sang. Il faudra cependant patienter encore plusieurs années avant que les résultats des travaux de recherche menés permettent cette évolution de prise en charge.
Quelques chiffres Il y a 6% de diabétiques en France, dont 2% qui l’ignorent. En Europe, 1 personne sur 11 est diabétique, soit 61 millions de personnes. En 2021, 1,1 million de personnes sont décédées des suites du diabète en Europe. |