Malgré les 40 000 personnes touchées en France, la dystonie est une maladie peu connue. Même quand on est médecin. Quand le Pr David Tougeron, oncologue digestif au CHU de Poitiers, a commencé à ressentir les premiers symptômes d’une dystonie cervicale alors qu’il intervenait à un congrès de cancérologie en septembre 2015, il a d’abord cru que c’était un effet du stress. « Au début, on peut penser que c’est psychologique, explique le Pr Tougeron. J’ai regardé sur internet ce que ça pouvait être, puis j’ai consulté un neurologue qui fort heureusement a tout de suite posé le diagnostic. »
« C’est vrai que le diagnostic peut être long à établir, car les symptômes peuvent parfois être fluctuants et que la maladie reste encore mal connue », indique le Dr Isabelle Benatru, neurologue au CHU de Poitiers. Cette maladie est un trouble du mouvement lié à un dysfonctionnement du système nerveux central. Elle se caractérise par des contractions musculaires involontaires soutenues et prolongées, d’une ou plusieurs parties du corps, engendrant des torsions ou des postures anormales. Elle peut se déclarer à tout âge, chez les hommes comme chez les femmes. De nombreuses formes de la maladie existent et peuvent être classées en trois groupes : les formes génétiques, qui débutent le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence ; les formes secondaires, consécutives à d’autres pathologies neurologiques par exemple, ou à certains médicaments ; et les formes focales limitées à un groupe musculaire comme les muscles cervicaux (torticolis spasmodique), la face (blépharospasme, spasme hémifacial, dystonie oro-mandibulaire), les cordes vocales (dysphonie spasmodique), les mains (crampe de l’écrivain )… C’est cette dernière forme qui est la plus fréquente, celle dont le Pr Tougeron est atteint. Elle est souvent intermittente et peut-être aggravée par certaines situations comme la fatigue ou le stress. « C’est une pathologie dont on améliore les symptômes mais qui ne se guérit pas », souligne le Dr Benatru.
Les traitements sont multiples et souvent associés. Selon l’origine, la forme clinique et la gravité de la dystonie, les médicaments antidouleur, les benzodiazépines, la rééducation, la kinésithérapie, les injections de toxine botulinique et la chirurgie (stimulation cérébrale profonde) sont des possibilités de traitement.
Pour le Pr Tougeron, dont la dystonie cervicale fait tourner involontairement sa tête vers le côté droit, les médicaments ont été peu efficaces. Le Dr Benatru lui a donc proposé de lui injecter de la toxine botulinique dans les muscles du cou pour les relâcher et lui permettre de retrouver une plus grande liberté de mouvement. Liberté partielle et temporaire, puisque le produit perd de son action au fil des mois et qu’il faut recommencer les injections tous les trois à quatre mois. En plus d’être handicapante, la dystonie peut être une source de douleur importante. « Même après l’injection, mon cou reste douloureux, observe l’oncologue. C’est comme une crampe prolongée, surtout le soir, car l’intensité de la maladie monte dans la journée. La kinésithérapie complète bien le traitement par injection. Elle permet de renforcer les muscles opposés et de préserver la colonne vertébrale. »
Ce traitement permet au Pr Tougeron de continuer à pratiquer son activité professionnelle. « Je ne peux plus faire d’endoscopies digestives, car j’ai toujours besoin d’avoir une main libre pour tenir ma tête en cas de besoin, mais je peux continuer à voir et à traiter tous mes patients. Ces derniers sont très compréhensifs vis-à-vis de ma pathologie. Fort heureusement, cette maladie n’altère jamais les capacités intellectuelles. »
Une association pour aider les malades
Quand on souffre de dystonie, le regard des autres peut perturber, il est donc important de pouvoir en parler avec d’autres patients atteints de la maladie. C’est une des raisons d’être d’Amadys, l’Association des malades atteints de dystonie, qui regroupe plus de 1600 adhérents dans toute la France. Comme l’indique son slogan « En parler, c’est déjà aider ! », elle a pour but de faire connaître la dystonie, de réduire l’errance diagnostique, de favoriser une prise en charge adaptée et plus précoce et d’accompagner les patients atteints de cette pathologie. Amadys collecte aussi des dons pour financer les actions de communication et des travaux de recherche médicale. L’association soutient ainsi plusieurs projets de recherche, notamment sur la stimulation cérébrale profonde (aussi utilisée dans la maladie de Parkinson) et sur les formes génétiques de la maladie. David Tougeron est un des délégués départementaux d’Amadys pour la Vienne. Il répond notamment aux demandes d’informations des patients et tient à jour la liste des médecins qui injectent la toxine botulinique et des kinésithérapeutes qui sont sensibilisés à la dystonie en Poitou-Charentes. |