Pathologies de l’os : une nécessaire approche pluridisciplinaire

Ostéoporose, dysplasie fibreuse, myélome, tumeurs secondaires des os... La prise en charge des pathologies osseuses s'appuie sur un grand nombre de spécialités à la fois médicales et chirurgicales. Le CHU de Poitiers se distingue particulièrement dans le traitement de ces maladies bénignes et tumorales en raison de son expertise et des moyens mis en place.

Malgré son aspect inerte, l’os est vivant et se renouvelle en permanence. Ce remodelage osseux est indispensable au maintien de ses fonctions mécaniques (devant être solide, capable de résister aux traumatismes) et métabolique (pour le maintien de l’équilibre phospho-calcique). Un système complexe qui, avec le vieillissement de la population, est de plus en plus sujet à des pathologies invalidantes. Le diagnostic de ces maladies, pouvant être bénignes ou malignes, est parfois difficile à établir car les signes qui attirent l’attention sont d’une grande uniformité : douleur, tuméfaction, déformation, fractures…

Au CHU, de nombreuses pathologies osseuses et plus particulièrement l’ostéoporose, pour laquelle l’établissement à une très bonne expertise, sont prises en charge dans le cadre de coordinations pluridisciplinaires au sein desquelles interviennent de nombreuses spécialités : les rhumatologues, les orthopédistes, les radiologues, les infectiologues, les radiothérapeutes, les hématologues, les neurochirurgiens…

Mais avant d’aborder les pathologies, un rappel sur la physiologie du tissu osseux s’impose. Ce tissu est constitué de cellules osseuses et d’une matrice extra-cellulaire minéralisée, composée de collagène et de protéines non collagéniques. Le remodelage incessant du tissu osseux est le résultat de l’action de deux types de cellules : les ostéoclastes qui détruisent l’os ancien (résorption osseuse) puis les ostéoblastes qui vont fabriquer un os nouveau (formation osseuse).

Il y aura ensuite une minéralisation de ce tissu osseux nouvellement formé. Les activités de destruction et de formation osseuses sont normalement équilibrées grâce à une régulation précise par de nombreux facteurs locaux, présents dans la matrice osseuse, ou hormonaux (estrogènes, vitamine D, glucocorticoïdes, parathormone…).

Une meilleure connaissance, ces dernières années, de la physiologie osseuse et de la régulation du remodelage osseux a permis de mieux comprendre certaines pathologies du tissu osseux.

Au cours de la vie, l’évolution de la masse osseuse comporte trois périodes : la masse osseuse augmente jusqu’à l’âge de 20-30 ans. « On estime à cet âge que le capital osseux est à son maximum», précise le professeur Françoise Debiais, chef du service de rhumatologie. Ensuite, il y a une période de stabilisation puis la perte osseuse est inévitable. « Et nous ne sommes pas égaux face à ce phénomène. Chez la femme, à la ménopause, avec la carence en estrogènes, la perte est plus importante : à la fin de sa vie, elle aura perdu entre 35 % et 50 % de sa masse osseuse. Chez l’homme, elle est plus linéaire pour atteindre une perte maximum estimée à 30 %. D’où l’intérêt d’avoir un bon pic de masse osseuse. » La masse osseuse est déterminée en grande partie de façon génétique mais aussi par les mesures hygiéno-diététiques : apports suffisants en calcium et en laitage, activité physique…

Le tissu osseux subit alors le processus de vieillissement avec une diminution de l’activité des cellules osseuses. Le dérèglement de ce remodelage est aussi la cause de certaines maladies de l’os. Et il peut également être le siège du développement de tumeurs bénignes ou malignes.

Ostéoporose, une maladie silencieuse
Parmi les maladies osseuses, l’ostéoporose est sans aucun doute la plus répandue. Sa définition est précise : « Il s’agit d’une maladie diffuse du squelette caractérisée par une diminution de la résistance osseuse qui conduit à une augmentation du risque de fracture », énonce le professeur Françoise Debiais. Cette maladie associe une diminution de la densité des os et des perturbations de la micro-architecture osseuse entraînant donc une fragilité osseuse, ce qui explique la fréquence des fractures survenant pour des traumatismes minimes ou de simples chutes de la hauteur. Les fractures les plus fréquentes touchent les poignets, les vertèbres et le col fémoral. Cependant, tous les os peuvent être sujets à une fracture ostéoporotique hormis le crâne, les doigts, les orteils et le rachis cervical et dorsal haut.

Une ostéoporose peut survenir quand le capital osseux est trop bas ou en cas de perte osseuse rapide après la ménopause ou chez le sujet âgé, mais aussi à tout âge en raison de facteurs de risque augmentant la résorption osseuse ou diminuant la formation osseuse et donc accélérant la perte osseuse. Il peut alors s’agir : d’une ménopause précoce, d’une maigreur, d’un hypogonadisme, de la consommation d’alcool et d’intoxication tabagique, d’une immobilisation prolongée, de carence en calcium et vitamine D, d’une hyperthroïdie non traitée, de médicaments tels que corticoïdes ou de traitements prescrits chez des patients ayant un cancer du sein et de la prostate.

En raison du vieillissement de la population, sa progression devient alarmante et constitue un problème de santé publique. Une femme sur trois est concernée après la ménopause. En Europe, en 2000, l’ostéoporose a été responsable de 3,1 millions de nouvelles fractures (fractures de la hanche ou autres). Ces fractures sont responsables de l’augmentation de la morbidité et de la mortalité. « Par exemple, après une fracture de hanche, 80 % des personnes sont incapables de faire seules une activité de la vie quotidienne, 30 % sont dans l’impossibilité de marcher seules et 20 % meurent dans l’année. » D’autres fractures ostéoporotiques dites sévères sont aussi responsables d’une augmentation de la mortalité (telles que fractures vertébrales, fractures humérales, fractures du bassin…).

Les fractures vertébrales ostéoporotiques sont souvent responsables de douleurs rachidiennes importantes mais peuvent aussi passer inaperçues. Elles devront être alors suspectées dans les cas d’une diminution de la taille ou d’une cyphose dorsale amenant à effectuer des radiographies.

Toute la difficulté de cette maladie est qu’elle est silencieuse avant la survenue de fractures. « Elle peut être dépistée en amont en fonction de certains facteurs de risques (indice de masse corporelle bas, ménopause avant 40 ans, prise de corticoïdes, parents ayant déjà eu une fracture du col fémoral…) et en réalisant un examen ostéodensitométrique. Elle doit aussi être recherchée après une première fracture survenant pour un traumatisme minime. Cependant dans les faits, nous avons constaté que ce n’était pas toujours le cas. Les malades étaient très bien soignés pour leur fracture mais il n’y avait pas forcément une recherche d’ostéoporose et une prise en charge de cette maladie pour éviter la survenue de nouvelles fractures. » C’est pourquoi, depuis plus d’un an, une filière de la prise en charge de l’ostéoporose a été mise en place, pour que les chirurgiens orthopédistes puissent proposer aux patients revenant en consultation après une fracture récente suite à une chute de la hauteur, un bilan et, le cas échéant, une prise en charge de cette affection. Ce bilan comporte un examen clinique et biologique, si besoin radiologique, et une ostéodensitométrie exécutée dans le service de rhumatologie.

A cela, s’ajoutent un bilan des apports calciques effectué par une diététicienne et un bilan de chutes réalisé à cette occasion par un gériatre ou un médecin rééducateur. « L’objectif de cette prise en charge est que la première fracture soit la dernière. En effet après une première fracture par fragilité osseuse, en l’absence de prise en charge, le risque de récidive est multiplié par 2, et ce risque est maximal, multiplié par 5,3, dans l’année qui suit. »

L’ostéodensitométrie ou absorptiométrie biphotonique à rayons X est l’examen qui permet de mesurer de façon précise la densité osseuse et donc de connaître le degré de solidité des os. Il s’agit d’une technique peu irradiante, basée sur l’absorption différentielle par les tissus mous et l’os de 2 rayonnements X d’énergie différente. Cet examen permet de préciser si la densité minérale osseuse est normale ou basse atteignant une valeur compatible avec une ostéoporose.

Toutefois, toute déminéralisation osseuse n’est pas une ostéoporose. « D’autres maladies, bénignes (ostéomalacie, hyperparathyroidie primitive…) ou malignes (myélome multiple…) peuvent s’accompagner d’une masse osseuse basse. Elles doivent être éliminées, au moins avec un examen clinique et biologique, avant de porter le diagnostic d’ostéoporose. »

os-operation_WebChuDossier osBisphosphonates, biothérapie, chirurgie… une prise en charge multiple
La prise en charge de l’ostéoporose est multiple. Elle porte tout d’abord sur des mesures hygiénodiététiques. « Il faut vérifier que le patient n’a pas de carences en vitamine D, des apports calciques suffisants, lui conseiller de faire de l’exercice physique, si possible, et également prévenir le risque de chutes. »

Ensuite, en fonction du résultat de l’ostéodensitométrie, de l’existence ou non de fractures et de la présence de facteurs de risques, des traitements médicamenteux, qui ont montré leur efficacité sur la réduction des fractures ultérieures, peuvent être prescrits. «En matière de traitement médicamenteux, il y a ceux qui augmentent préférentiellement la formation osseuse (tériparatide en injections sous-cutanées journalières, traitement remboursé s’il existe au moins deux fractures vertébrales) et ceux qui diminuent la résorption osseuse (Raloxifène, bisphosphonates). Les médicaments de la classe des bisphophonates sont souvent administrés par voie orale (risédronate, alendronate) ou intraveineuse (acide zolédronique). Ce sont des agents anti-ostéoclastiques, dont l’action est de diminuer le remodelage osseux et par là même d’entraîner une diminution de la perte osseuse et de préserver la qualité osseuse.»

Depuis 2011, grâce à une meilleure connaissance du métabolisme osseux, les médecins ont également recours à la première biothérapie dans le domaine de l’os, le dénosumab, anticorps anti-RANK Ligand, qui est aussi un traitement diminuant la résorption osseuse. « Il s’agit d’une thérapie ciblée, utilisée en injection sous-cuta- née deux fois par an. » Ce traitement a pour effet de neutraliser une protéine, dénommée Rank-Ligand, qui empêche la liaison avec son récepteur RANK situé sur les cellules ostéoclastiques. Il déjoue ainsi la formation et la fonction de ces cellules destructrices de l’os, les ostéoclastes. Ce traitement est remboursé chez la femme ménopausée en seconde intention après un traitement par bisphophonate.

Bien entendu tous ces traitements ont des contre-indications, des effets secondaires qu’il faut surveiller et il est nécessaire de contrôler également l’efficacité et l’observance. D’autres produits sont à l’étude, ciblant différents mécanismes du dysfonctionnement.

Comme les anticorps anti-sclérostine qui ciblent une voie de la formation osseuse ou encore les inhibiteurs de la cathepsine K (la cathepsine K étant une enzyme sécrétée par l’ostéoclaste pour résorber la matrice osseuse).

A côté de cet éventail médicamenteux, la chirurgie orthopédique ou la radiologie interventionnelle peuvent également apporter une réponse thérapeutique. Notamment lorsque le patient est sujet à une fracture quand la résorption osseuse menace la solidité de l’os ou encore afin de réduire la douleur liée à des fractures vertébrales pour lesquelles le repos et les antalgiques ne suffisent pas.

« En ce qui concerne la chirurgie, nous intervenons sur le renforcement de l’os par des dispositifs de stabilisation appelés d’ostéosynthèse : pose de vis, de tiges, de plaques vissées, explique le professeur Pierre Pries, chef du service de chirurgie orthopédique. Puis, en complément, nous pouvons être amenés pour les lésions fragilisantes douloureuses du corps vertébral à injecter du ciment dans les vertèbres, il s’agit d’une technique appelée vertébroplastie. » Peu invasive, cette technique, réalisée par l’unité du rachis, dont le professeur Pries est co-responsable avec le professeur Philippe Rigoard, neurochirurgien (unité unique en France, d’astreinte 24h/24h, qui réunit des chirurgiens orthopédistes et des neurochirurgiens), consiste à introduire, sous contrôle radioscopique, des aiguilles de chaque côté de la vertèbre pour injecter dans le corps vertébral un ciment liquide dans un but à la fois antalgique et de consolidation. « L’intérêt est d’éviter le maintien couché durant plusieurs mois et de réduire rapidement la douleur. » Ce procédé est également réalisé par le service de radiologie interventionnelle lorsqu’il n’y a pas de risque de fuite de ciment, menaçant le système nerveux.

Dans le cas d’effondrement menaçant de la vertèbre lors de fractures, ce qui entraîne une perte de hauteur vertébrale et donc des troubles de la statique pour le malade, les chirurgiens de l’unité rachis exécutent une autre technique : la kyphoplastie. « Le procédé consiste à créer une cavité dans le corps vertébral fracturé à l’aide d’un ballonnet gonflable avant d’injecter du ciment. L’objectif est ainsi de rétablir la forme normale de la vertèbre fracturée en lui redonnant sa hauteur initiale mais aussi de permettre une sédation rapide de la douleur. »

Si la vertèbre est trop abîmée, ne permettant pas la mise en oeuvre de ces techniques, l’unité rachis réalise un «pontage» de vertèbres par le biais d’un dispositif d’ostéosynthèse.

Toujours dans les stabilisations de la vertèbre, l’unité peut intervenir pour corriger un trouble de l’équilibre, lié à une déformation rachidienne, par une démarche d’instrumentation rachidienne plus lourde. « Et, il arrive parfois que ces lésions osseuses occasionnent malheureusement des déficits neurologiques, note le professeur Philippe Rigoard. Par le biais de la consultation pluridisciplinaire du handicap, les patients confrontés à ce type de problème sont pris en charge avec l’aide de nos collègues rééducateurs. »

D’autres spécialités médicales interviennent également, toujours dans cette logique de filière. « Par exemple, une diététicienne assure des consultations afin de vérifier avec les patients souffrant d’ostéoporose leurs apports alimentaires en calcium de façon à mieux adapter leur alimentation », poursuit Françoise Debiais. En complément, le service rhumatologie propose des séances d’éducation thérapeutique.

Ce dernier a aussi en projet, avec le service de gériatrie, l’organisation d’une filière pour la subi une fracture du col du fémur. « L’objectif serait de faire systématiquement un bilan des chutes de façon à évaluer si les patients ont des troubles musculaires qui pourraient être pris en charge en gériatrie ou en rééducation afin d’éviter toute nouvelle chute. »

Maladies osseuses bénignes : l’ostéoporose, pas la seule responsable
D’autres maladies, plus rares, peuvent entraîner une perte osseuse. « Notre rôle de recours est de connaître ces maladies et de savoir les diagnostiquer, après un bilan clinique et biologique, de façon à y répondre par un traitement adapté. » Parmi celles-ci, on peut citer l’ostéomalacie. Cette maladie, qui se caractérise par un défaut de minéralisation de la matrice osseuse, résulte le plus souvent d’une carence en vitamine D. Elle provoque des douleurs osseuses multiples et des fissures prédominantes au bassin ou au niveau fémoral. Le traitement de base est alors l’administration de vitamine D. Des maladies génétiques plus rares peuvent être également à l’origine d’une ostéomalacie.

A côté des affections déminéralisantes osseuses, il existe d’autres maladies osseuses bénignes prises en charge comme la dysplasie fibreuse. Il s’agit d’une maladie osseuse bénigne congénitale liée à la mutation d’un gène. L’os normal est remplacé par un tissu pseudofibreux. Elle peut être à l’origine de douleurs osseuses, de déformations et de fractures. En outre, peuvent être associées, pour un petit nombre de patients, des anomalies endocriniennes et des signes cutanés : c’est le syndrome de McCune-Albright. Un traitement par bisphophonates peut être proposé ainsi qu’une prise en charge par la chirurgie lors de complications, notamment des fractures. Autre maladie : la maladie de Paget. Il s’agit d’une dystrophie osseuse caractérisée par une anarchie du remodelage osseux qui donne des lésions osseuses et se caractérise par un épaississement de la corticale et par un aspect fibrillaire de certains os. «Il est important de savoir les reconnaître pour les différencier des métastases osseuses.» Le traitement est également à base de bisphosphonates.

Le service de rhumatologie est également un recours au niveau régional pour tous les troubles du métabolisme phosphocalcique qui se traduisent par une hypercalcémie, hypocalcémie, hypophosphorémie et des maladies rares pouvant s’y rattacher.

Une maladie génétique rare est particulièrement mal diagnostiquée chez les adultes : l’hypophosphatasie. Elle se manifeste par une déminéralisation osseuse et une diminution du taux de phosphatases alcalines. « Je conduis actuellement une étude nationale au nom de la section Os de la Société française de rhumatologie pour essayer d’estimer la fréquence en France de cette maladie et sensibiliser les rhumatologues à mieux la dépister », souligne Françoise Debiais.

Les tumeurs malignes de l’os
A côté de ces pathologies osseuses bénignes, le CHU traite également des pathologies malignes de l’os. Les plus nombreuses et les plus courantes sont les tumeurs secondaires de l’os ou les métastases osseuses. « La majorité des cancers peuvent être à l’origine de métastases osseuses, explique le professeur Jean-Marc Tourani, chef du pôle régional de cancérologie. Elles sont plus fréquentes dans les cancers du sein, du rein, de la prostate et du poumon. Ces métastases sont des cellules cancéreuses qui ont quitté la tumeur primitive pour aller se loger dans la substance osseuse en passant par la circulation sanguine lymphatique. Ce ne sont donc pas des cancers des os, comme on a trop tendance à les qualifier. »

Mais ces cellules sont à l’origine de destruction-reconstruction de l’os avec des facteurs très précis de croissance pouvant aboutir pour certains cancers, comme celui de la prostate, à de l’ostéocondensation (fabrication excessive et anormale de l’os) et pour d’autres cancers, notamment celui des seins, à de la destruction osseuse pouvant être à l’origine de douleurs mais aussi de fractures.

« Toutes les fractures ne sont donc pas des fractures traumatiques ou ostéoporotiques. Dans certains cas, il s’agit de lésions osseuses tumorales malignes, poursuit le professeur Françoise Debiais. Certains patients, adressés en rhumatologie pour des douleurs ou des fractures notamment vertébrales, présentent en fait des métastases osseuses inaugurales pour lesquelles un bilan est réalisé afin de s’assurer qu’il s’agit d’une lésion osseuse maligne et de rechercher le cancer primitif. Une biopsie osseuse ou d’un autre organe atteint est souvent nécessaire. Elle est effectuée le plus souvent par les radiologues. » Ces lésions osseuses peuvent nécessiter un traitement local spécifique (radiologie interventionnelle, chirurgie, radiothérapie…) en plus des antalgiques. Puis, le traitement sera celui du cancer primitif à partir de chimiothérapie ou d’hormonothérapie. Si le cancer est sensible à l’un de ces traitements les symptômes disparaîtront alors et l’os pourra ensuite se reconsolider.

En outre, certains cancers sont hormonaux dépendants. Les traitements peuvent donc avoir des conséquences sur l’os, notamment entraîner le développement de l’ostéoporose. Aussi, le radiothérapeute va travailler de concert avec le rhumatologue. « Les traitements d’hormonothérapie sont parfois longs, de plusieurs années, note le professeur Jean-Marc Tourani, il est important de contrecarrer au maximum la perte osseuse de façon à préserver la qualité de vie des patients. » Ces derniers ont donc également un dépistage d’ostéoporose en rhumatologie.

Même si c’est plus rare, les tumeurs osseuses peuvent aussi être des tumeurs osseuses malignes primitives comme le myélome multiple. Il s’agit d’une affection liée à une prolifération maligne de cellules plasmocytaires qui entraîne bien souvent des lésions osseuses. Ces lésions peuvent d’emblée évoquer des lésions malignes ou se présenter comme des fractures vertébrales ressemblant à une ostéoporose. «Les patients de moins de 65 ans sont directement traités par les hématologues car les malades subissent un traitement de chimiothérapie avec autogreffe (on retire au patient ses propres cellules souches pour les réinjecter plus tard)», précise le professeur Françoise Debiais. Après 65 ans, ceux ayant des lésions osseuses sont généralement traités en rhumatologie en collaboration avec les hématologues. Les dossiers des patients ayant des lésions osseuses seront discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) « ostéolyse maligne » afin de proposer une radiothérapie, ou un traitement chirurgical, ou encore un geste de radiologie interventionnelle, si besoin en plus de la chimiothérapie. Pour diminuer la résorption osseuse et le risque de complications osseuses, les praticiens ont aussi recours aux bisphosphonates injectables.

La RCP « ostéolyse maligne » originale
« D’une manière générale, nous avons donc plusieurs moyens pour traiter les métastases, poursuit le professeur Jean-Marc Tourani. Outre la chimiothérapie ou l’hormonothérapie, si elles sont très douloureuses et mal contrôlées par les antidouleurs de niveau 3 comme les morphiniques ou si les métastases sont à l’origine de fractures, on aura recours à la radiothérapie qui pourra être précédée d’un geste chirurgical afin de consolider la fracture. »

En ce qui concerne les situations les plus complexes, avec des fractures du bassin ou des vertèbres, chaque cas est discuté dans le cadre de la réunion de consultation pluridisciplinaire «ostéolyse maligne» par laquelle le CHU de Poitiers se distingue des autres centres. «Nous avons créé cette organisation en 2008 alors que peu de CHU avaient coordonné ce type de réunions», note le professeur Françoise Debiais.

Cette RCP réunit des rhumatologues, des radiothérapeutes, des radiologues, des orthopédistes, des neurochirurgiens. « Il est nécessaire que tous les spécialistes se mettent ensemble pour décider de la meilleure prise en charge des métastases osseuses. Car les moyens à notre disposition sont larges. Les métastases peuvent relever d’un traitement de radiothérapie, d’un geste chirurgical, ou d’un geste de radiologie interventionnelle comme la vertébroplastie. » En général, ces patients ont également un traitement par bisphosphonate ou anticorps anti-RANKL, à des doses plus importantes que dans l’ostéoporose, pour freiner la résorption osseuse et diminuer le taux d’événements osseux.

Dans certains cas, l’unité rachis est également amenée à répondre à des compressions neurologiques engendrées par une tumeur ou quand les vertèbres sont là encore en trop mauvais état. « Lorsqu’un bombement de la vertèbre ou une fissure dans le mur postérieur menace le système nerveux, poursuit le professeur Philippe Rigoard, on va, pour y remédier, associer un geste de décompression neurologique à la stabilisation vertébrale. On enlève alors la structure postérieure de la colonne afin de libérer la moelle épinière, c’est ce qu’on appelle une laminectomie vertébrale. »

De plus, outre la réalisation de vertébroplastie, les radiologues effectuent également l’exérèse de tumeurs osseuses par méthode de chauffage. « Cette technique qui se fait sous scanner consiste à introduire une aiguille dans la tumeur et à la chauffer à 120 °C pour la détruire, explique le professeur Jean-Pierre Tasu, responsable du pôle imagerie. Ce procédé est mis en oeuvre pour les tumeurs localisées ou pour les lésions à risque de fractures. »

A terme, d’autres techniques devraient être proposées en radiologie interventionnelle comme la radiofréquence (destruction de la tumeur à travers la peau par la chaleur produite à l’aide d’un courant électrique) ou la cryoablation (destruction par le froid).

Dans ce domaine de pathologie osseuse tumorale, il faut également noter la collaboration du service de rhumatologie avec le docteur Laurent Cronier (équipe de recherche labellisée ERL « signalisation et transports ioniques membranaires » rattachée au CNRS) à des travaux de recherche concernant la progression tumorale et l’acquisition du pouvoir métastatique de cellules tumorales prostatiques. « Ces travaux ont pour objectif principal de mieux comprendre le mécanisme des métastases osseuses et à terme de déboucher sur des traitements plus ciblés », conclut le professeur Françoise Debiais, chercheur associé à cette équipe.