Physiciennes médicales : la sécurité avant tout

Radiophysiciennes

Le mois dernier nous vous présentions l’équipe de conseillers en radioprotection, une équipe encadrant la sécurité des agents travaillant avec les rayonnements ionisants. Aujourd’hui, nous nous intéressons à la sécurité des patients avec Christelle Gallais et Mailys Michel, physiciennes médicales en imagerie au CHU de Poitiers. Rencontre.

Quel est votre métier ?

Nous sommes physiciennes médicales, en charge de la radioprotection du patient. Notre travail est de sécuriser l’utilisation des rayonnements ionisants à visée médicale que ce soit en thérapie ou en diagnostic. Toutes les deux, nous travaillons sur la partie diagnostique qui comprend la radiologie conventionnelle, la radiologie interventionnelle, la médecine nucléaire mais également les blocs opératoires. Nous sommes rattachées à l’unité de radiophysique et radioprotection (U2R) de la direction des ressources biomédicales.

Quelles formations faut-il suivre pour exercer ce métier ?

Pour exercer ce métier, il est nécessaire d’avoir un master en physique médicale et de passer le concours pour accéder au diplôme de qualification en physique radiologique et médicale (DQPRM) qui correspond à deux années d’études supplémentaires. Ces deux années s’effectuent en alternance et le CHU de Poitiers accueille tous les ans des étudiants. Aujourd’hui, il est assez rare que des professionnels déjà en poste choisissent une reconversion vers notre métier car les prérequis sont très importants. Certains manipulateurs radio, qui ont déjà des bases et qui souhaitent continuer dans l’aspect plutôt scientifique, peuvent intégrer un master de physique médicale à la sortie de leurs études puisqu’ils ont déjà un niveau licence.

Quelles sont les particularités de votre service ?

La particularité, c’est que nous ne travaillons pas réellement dans notre service ! Nous sommes en contact quotidien avec l’ensemble des services qui utilise sur les patients des rayonnements ionisants soit à visée diagnostique soit pour guider un geste médical. Nous évoluons continuellement entre le service d’imagerie de la tour Jean-Bernard, la médecine nucléaire, ou encore les blocs opératoires. Uniquement sur le site de Poitiers, nous couvrons 58 installations. Ainsi, nous avons beaucoup d’interlocuteurs différents avec des problématiques différentes et devons sans cesse nous adapter à leurs besoins Nous sommes dans la protection du patient qui vient pour une radiographie ou une mammographie, examens qui exposent peu aux rayons X, à des patients devant subir un acte interventionnel plus irradiant mais parfois nécessaire à leur survie.

Contrairement à la thérapie où l’on utilise volontairement l’effet des rayonnements ionisants pour détruire des cellules cancéreuses ; le physicien d’imagerie est là pour limiter l’exposition des patients à des doses aussi basses que raisonnablement possible (le fameux principe ALARA) pour garantir la qualité du diagnostic tout en limitant les risques associés à l’utilisation des rayonnements ionisants.

En effet, contrairement aux travailleurs, il n’y a pas de limites d’exposition pour les patients, c’est la balance bénéfice/risque qui prime. Il est donc indispensable d’optimiser chaque procédure, chaque acte car il est impossible de prévoir la quantité d’examens irradiants qu’aura un patient au cours de sa vie. Il n’y a pas de petites économies en radioprotection !

Pouvez-vous nous décrire la journée type d’une physicienne médicale ?

C’est une question très difficile car il n’y a pas vraiment de journée type. Nous réalisons de nombreuses missions et répondons à de nombreuses sollicitations en journée. Même si nous prévoyons un planning, nous avons du mal à le respecter. Nous travaillons toujours dans l’urgence mais toujours au service des patients ! De façon programmée nous effectuons les contrôles qualité des différents appareils en interne et programmons les contrôles qualité externes. Notre rôle ici est d’être sûr que l’appareil fonctionne bien et que ce que voit le médecin est juste. Nous sommes toujours dans un compromis qualité-image/dose. Nous participons régulièrement à des réunions sur différents projets, comme la construction de l’extension du pôle régional de cancérologie, puisqu’il va accueillir le service de médecine nucléaire. Nous intervenons également dans le choix des nouveaux équipements, et réalisons les tests avant son utilisation. Il s’agit pour nous d’éprouver les limites de l’équipement choisi et de présenter des recommandations d’utilisation aux professionnels. Une fois par mois nous avons également mis en place une réunion avec les différents cadres de santé d’imagerie pour faire des points sur les installations, les projets, les problèmes …

Quotidiennement, nous évaluons les expositions de femmes enceintes, nous reconstituons la dose à la peau en cas pour certains actes de radiologie interventionnelle lourds car il peut y avoir des brûlures. Nous veillons également sur le cumul de doses des patients qui reviennent régulièrement. Nos missions couvrent aussi un gros volet formation auprès des différents professionnels, en particulier les utilisateurs des appareils, car il ne suffit pas qu’un appareil passe le contrôle qualité, il s’agit également de savoir bien l’utiliser. Nous intervenons donc régulièrement dans les différents instituts de formation comme celui des manipulateurs en électroradiologie médicale. Nous nous devons d’avoir une relation de confiance avec ces professionnels car ce sont eux, sur le terrain, qui nous alertent lorsqu’ils remarquent une modification de l’image ou de la dose. Dans tous les cas, sur l’ensemble de nos fonctions, notre priorité est garantir la sécurité des patients lors de l’utilisation des rayonnements ionisants et pour cela nous nous appuyons sur des données techniques, nous sommes toujours objectives dans toutes nos recommandations. Si nous préconisons l’arrêt d’un matériel ou le changement de celui-ci c’est que nous estimons techniquement que celui-ci devient dangereux dans la prise en charge du patient, soit parce que la dose délivrée au patient est trop importante, soit parce que la qualité image rendue n’est pas adéquate pour que le médecin puisse poser son diagnostic.

Quelles sont les perspectives d’évolution de votre métier ?

C’est un métier récent, en perpétuelle mutation, le physicien médical d’aujourd’hui ne fait pas le même métier qu’il y a 10 ans car il doit s’adapter aux évolutions technologiques et aux besoins qui ne font qu’augmenter. Difficile de prédire aujourd’hui ce qu’il fera dans 10 ans. Un physicien médical ne s’ennuie jamais ! Aujourd’hui, nous sommes environ 40 diplômés par an en France, c’est un petit monde dans lequel beaucoup de choses sont encore à construire. L’avantage de notre diplôme, c’est qu’il couvre toutes les spécialités, nous pouvons donc passer du diagnostic à la thérapie et inversement. Par son cœur de métier, le physicien médical travaille essentiellement dans des établissements de santés publiques ou privé. Il peut également intervenir en tant que prestataire externe, mais il peut aussi travailler dans le domaine de la recherche, de l’enseignement, dans l’industrie ou en tant que consultants (ASN, IRSN, etc.).

Qu’est-ce qui vous plait dans votre métier ?

En premier, c’est la variation des missions, on ne s’ennuie jamais ! Ensuite, nous voulions travailler dans un milieu scientifique mais avec un intérêt direct au quotidien, c’est ça la physique appliquée ! Le physicien médical met des compétences scientifiques au service de la médecine et du patient.

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Des anecdotes, on en a énormément ! Bien sûr, il y a le fait que nous ayons récemment pris en charge la statue emblématique du musée Sainte-Croix de Poitiers, la Grand-Goule, mais vous y avez déjà consacré un article (Cf. http://chu-poitiers.fr.lxwhpre.linexos.eu/la-grandgoule-la-sculpture-observee-sous-tous-les-angles/). Sinon, nous utilisons des objets test lors des contrôles qualités qui sont appelés des fantômes. Rien que le nom est à lui seul une anecdote ! Ces fantômes sont des objets de différentes densités, essayant de se rapprocher au maximum de celle du corps humain. Donc il y a en majorité de l’eau dans nos fantômes et nous pouvons également y insérer du calcium pour reproduite la densité des os, ou encore du polystyrène pour les poumons. En majorité, nos fantômes ne ressemblent pas visuellement au corps humain, sauf en scanographie, où nous pouvons utiliser un fantôme anthropomorphique adulte. Ainsi, les agents du CHU de Poitiers nous voient régulièrement traverser les couloirs avec des faux morceaux de corps humains sous les bras !