Recherche : quand le médicament devient intelligent

Process médicament intelligent

Fabriquer des médicaments qui ciblent de manière précise leur objectif devient une perspective réaliste grâce aux recherches d’un jeune chercheur poitevin du CHU.

Fabriquer une molécule médicamenteuse qui cible de façon précise la tumeur. Voilà une perspective stimulante qui mobilise depuis longtemps de nombreux chercheurs du monde entier avec l’objectif d’améliorer l’efficacité du médicament, et en limiter les effets secondaires désagréables ou invalidants – comme la perte de poids, de cheveux ou d’appétit. Aujourd’hui, le but semble plus proche que jamais, grâce aux recherches du Dr Jonathan Clarhaut, chercheur au CHU de Poitiers. « Dans les traitements anticancéreux, bien trop d’effets secondaires perturbent la vie du patient », explique le scientifique, dont le parcours s’est concrétisé en 2008 au sein de l’université de Poitiers par une thèse de doctorat sur les aspects moléculaires et cellulaires de la biologie, portant précisément sur l’étude de la régulation de l’expression de la sémaphorine 3F antitumorale.

La recherche s’est effectuée en collaboration entre le CHU et le groupe «Systèmes moléculaires programmés» dirigé par le professeur Sébastien Papot au sein de l’Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (CNRS-UMR7285).
La recherche s’est effectuée en collaboration entre le CHU et le groupe « Systèmes moléculaires programmés » dirigé par le professeur Sébastien Papot au sein de l’Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (CNRS-UMR7285).

Dès cet instant, grâce à un contrat de chercheur au sein du CHU, le jeune scientifique se consacrait à la mise au point de gâchettes qui permettent aux médicaments de circuler librement dans le plasma sans traverser la membrane des cellules saines, avant d’être libérés au sein de la tumeur. Greffée sur le médicament, cette gâchette bloque son entrée dans les cellules lambda et s’active au moment où elle doit agir : au coeur de la maladie.

En pratique, c’est en développant un système de molécules vectorisées que le résultat recherché a été atteint. Dotée d’un noyau auto-catalytique qui bloque sa libération prématurée, la molécule circule dans le corps humain jusqu’à atteindre son objectif où le programme moléculaire qui lui est intégré libère tout son potentiel thérapeutique. Cette ouverture planifiée et contrôlée de la molécule par libération enzymatique constitue un saut qualitatif indéniable dans l’administration d’un médicament et ouvre les possibilités d’un traitement sélectif.

« Polychimiothérapie ciblée »
Au stade actuel de recherche, « des discussions avancées sont en cours avec un groupe industriel afin de vendre les licences d’exploitation de nos médicaments intelligents et des essais cliniques pourraient être planifiées pour 2017 », note le Dr Clarhaut. Actuellement, les résultats obtenus permettent d’envisager un essai clinique pour lequel l’appui d’un groupe industriel sera nécessaire avant de donner des traductions concrètes à ce principe chez l’homme. Toutes ces opérations ont un coût très important qui rend nécessaire l’entrée en jeu d’un grand laboratoire. « Outre ces travaux, nous poursuivons nos investigations à la recherche de molécules anticancéreuses toujours plus performantes et ciblées, ajoute-t-il. Notre prochain challenge est de développer une polychimiothérapie ciblée qui va consister à utiliser en parallèle plusieurs classes de nos médicaments intelligents, qui auront des mécanismes d’action complémentaires, afin d’attaquer la tumeur par différents angles et d’améliorer les chances de l’éliminer totalement. »

De plus, le dispositif pourrait être utilisé dans d’autres maladies que le cancer. « Dans l’absolu, il est transférable à d’autres agents traitants », observe le Dr Clarhaut. À noter que ces recherches ont bénéficié de l’appui des associations Ligue contre le cancer et France-ADOT 86 ainsi que de l’initiative Sport et collection qui réunit chaque année des amateurs de belles voitures sur le circuit du Vigeant.