En plus de son activité médicale, le Dr Corinne Lamour s’est lancée dans la réalisation d’une thèse en philologie anglaise médiévale. Elle en explique les raisons.
Qui êtes-vous ?
Je suis pneumologue avec une surspécialisation en cancérologie. Je prends en charge les patients souffrant d’un cancer du poumon. Je consacre 40 % de mon temps de travail au pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers et 40 % au centre hospitalier de Niort, où j’effectue des consultations d’oncologie thoracique. Sur les 20 % de temps restant, je m’occupe de la coordination en cancérologie.
Pourquoi vous-êtes-vous lancée dans la rédaction d’une thèse ?
Dans un premier temps, il s’agissait pour moi de reprendre des études d’anglais. En effet, la région compte beaucoup de patients anglophones qui ne parlent pas du tout français. J’ai trouvé plus intelligent d’aller vers eux en apprenant leur langue. J’ai commencé par suivre des cours collectifs qui finalement ne m’ont pas apporté grand-chose. Je me suis alors inscrite à la faculté de lettres et langues en première année de licence d’anglais. En dernière année de licence, j’ai suivi des cours d’anglais du Moyen Âge qui m’ont énormément plu. J’ai donc continué sur un master de littérature médiévale, en langue française cette fois-ci, avec tout de même un travail de recherche sur la langue anglaise. Et puis, je me suis inscrite en doctorat de lettres et littérature anglo-saxonnes. Je suis intégrée au centre d’études supérieures de civilisation médiévale (UMR 7302), unité mixte de recherche relevant de l’université de Poitiers et du CNRS. Mon directeur de recherche est Stephen Morrison, professeur émérite de philologie anglaise médiévale.
Sur quoi porte votre thèse ?
Je fais ce que l’on appelle de la philologie, c’est-à-dire l’étude d’une langue et de sa littérature à partir de documents écrits. Je m’intéresse tout particulièrement à un texte du XVe siècle qui porte sur la chirurgie, mais travailler sur n’importe quelle autre thématique m’aurait tout autant plu. Ce manuscrit est la traduction en moyen anglais d’un texte en latin du XIVe siècle écrit par Henri de Mondeville, chirurgien du roi Philippe le Bel. Le manuscrit analysé provient du collège Peterhouse de l’université de Cambridge, il est désormais conservé à la bibliothèque universitaire de Cambridge au Royaume-Uni.Il n’a jamais été publié. Le rôle du philologue est de rendre ce texte en anglais ancien lisible par des lecteurs contemporains en le retranscrivant. Je travaille depuis six ans sur ce manuscrit qui compte 341 pages. Il m’a fallu reproduire le texte mais également un glossaire qui reprend chaque mot avec sa forme grammaticale. J’ai presque terminé. Je devrais soutenir ma thèse courant 2024. Une fois achevée, elle sera publiée dans une maison d’édition de textes anciens située en Angleterre afin que les chercheurs aient accès à ce texte jamais publié.
Le fait de faire partie du monde médical vous a-t-il apporté quelque chose dans la réalisation de votre thèse ?
C’est justement parce que je suis une professionnelle médicale que j’ai choisi un texte d’anatomie et de chirurgie. Il s’agit d’un texte extrêmement complexe qui nécessite, quand même, des connaissances de base en anatomie si l’on veut en comprendre l’intérêt. Le fait d’appartenir au milieu médical m’a permis de bien l’appréhender. Les textes anciens scientifiques sont très peu édités parce que les linguistes sont, en général, des littéraires qui n’ont pas suffisamment de connaissances sur de tels sujets et que les scientifiques ne s’intéressent pas à la langue.
Quand trouvez-vous le temps pour avancer sur votre thèse ?
Malgré mon activité médicale, je trouve du temps, même s’il est très variable, pour faire de la recherche parce c’est une véritable passion. J’y consacre tous mes loisirs, mes vacances, mes week-ends, mes soirées et puis dès que j’ai du temps libre dans la journée. Il y a deux ans, j’ai pris tous mes congés pour me rendre en Angleterre avec le programme Erasmus, afin de faire des recherches sur le Moyen Âge et pour consulter le manuscrit original.
Et après la thèse ?
Je continuerai à travailler sur des manuscrits anciens pour les mettre à la disposition des chercheurs.
Et finalement, maîtrisez-vous l’anglais ?
J’espère le maîtriser, suffisamment en tout cas pour échanger avec mes patients anglophones.