Magali Garcia a débuté ses études de médecine à Toulouse d’où elle est originaire. Elle a rapidement un coup de cœur pour les maladies infectieuses. Après un passage à l’hôpital de La Rochelle, elle intègre, en 2008, le service de pneumologie du CHU de Poitiers en tant qu’interne. Au cours du DESC de maladies infectieuses et tropicales, elle découvre le monde des micro-organismes puis la recherche en microbiologie, domaine complémentaire du versant clinique. Pendant son internat, elle valide un master 2 en infectiologie cellulaire et moléculaire et vaccinologie à l’université François Rabelais de Tours. Après un clinicat dans le service de maladies infectieuses, elle réintègre le versant biologique en tant qu’assistante hospitalo-universitaire et réalise une thèse de sciences dédiée à l’étude des infections cutanées par la bactérie appelée Pseudomonas aeruginosa et le virus West Nile transmis à l’Homme par la piqûre de moustique. Une bourse chercheur Fulbright lui permet de rejoindre le laboratoire du Pr Michael Gale à Seattle, aux Etats-Unis pour un post-doctorat d’un an. Elle est, depuis le 1er septembre 2017, maître de conférences des universités et praticien hospitalier en virologie tout en conservant une activité de consultation en maladies infectieuses.
Vous êtes spécialiste dans deux domaines ?
Aujourd’hui, je travaille à la fois en tant qu’infectiologue et en tant que microbiologiste. Pratiquer ces deux activités complémentaires en parallèle est très enrichissant pour moi et me permet d’avoir une vision un peu différente de mes collègues qui ne font que l’un ou l’autre. Mon internat a duré plus longtemps mais je le savais. J’avais besoin de me stimuler intellectuellement en menant différentes activités, c’est pourquoi j’ai ensuite choisi de m’orienter vers une carrière hospitalo-universitaire. Notre externat et internat est stimulant et varié, nous changeons de stage tous les 3 à 6 mois et je pense que je me serais ennuyée dans des activités moins diversifiées. Ce n’est pas toujours facile mais c’est vraiment intéressant. Si je devais choisir entre mes activités cliniques, biologiques, d’enseignement et de recherche, j’aurais vraiment du mal parce que j’aime vraiment tout ce que je fais.
Sur quoi portent vos recherches ?
Je suis rattachée au Laboratoire Inflammation, Tissus Epithéliaux et Cytokines (LITEC EA 4331) de l’université de Poitiers, une équipe de recherche dirigée par le Pr Franck Morel. Tout comme le Pr Nicolas Lévêque, je fais partie de l’axe de recherche qui s’intéresse à l’étude des phénomènes infectieux au niveau de la peau. Je travaille plus particulièrement sur la réponse immunitaire innée de la peau contre les virus, notamment les arbovirus. Il s’agit de virus tels que le virus West Nile, le virus Zika, le virus de la dengue, le virus du Chikungunya, etc, transmis par la piqûre de moustiques. Une première partie de mes travaux de recherche consiste en l’étude des étapes initiales de l’infection cutanée par les arbovirus, à la suite de l’inoculation du virus par son vecteur. J’observe la multiplication du virus dans les différents types de cellules de la peau ainsi que la réponse immunitaire innée induite par l’infection. J’étudie aussi les activités antivirales de certains acteurs de la réponse immunitaire innée comme les peptides antimicrobiens qui sont des petites molécules sécrétées par nos cellules capables de détruire les micro-organismes. L’objectif de nos travaux est de développer de nouvelles stratégies qui permettraient de prévenir ou d’améliorer l’évolution des infections provoquées par ces virus émergents en appréhendant mieux les acteurs de notre système immunitaire susceptibles de les bloquer dès leur entrée dans l’organisme. Ce point est d’autant plus important que nous ne disposons actuellement d’aucun traitement et qu’il existe peu de vaccins contre ces virus.
Quel est l’autre versant de vos recherches ?
L’autre partie de mes travaux de recherche fondamentale est dédié à l’étude de la physiopathologie de l’infection par les arbovirus, c’est-à-dire la caractérisation des différentes étapes de progression du virus dans l’organisme lui permettant d’atteindre les organes cibles. Avec l’une des doctorantes que j’encadre, Axelle Vouillon, nous travaillons sur le virus Usutu, un autre arbovirus émergent qui peut affecter le système nerveux central de l’Homme infecté. Ce virus n’est pas très connu et l’on manque clairement de données le concernant ainsi que d’outils diagnostiques. Il est en train d’émerger en Europe, c’est pourquoi nous lui portons une attention particulière. Dans ce travail, nous nous intéressons à deux versants, l’un visant à préciser in vivo, dans un modèle murin, le rôle de la peau dans la dissémination du virus dans l’organisme et l’autre à étudier l’impact de la faible concentration en oxygène, retrouvée dans les couches profondes de l’épiderme, sur la réplication virale et la réponse inflammatoire induite. En effet, Il existe une pression partielle en oxygène variable au sein de la peau et différente de celle rencontrée dans l’atmosphère. Or, des données de la littérature ont montré l’importance de la teneur en oxygène sur la réponse immunitaire innée comme adaptative.
Comment menez-vous vos recherches ?
Nous réalisons nos expériences in vitro avec des cultures de cellules humaines. Nous infectons des cellules de la peau pour étudier la réplication virale et les acteurs de la réponse immunitaire. Nous ne travaillons évidemment pas directement sur la peau de l’Homme vivant mais développons des modèles d’explants cutanés humains à partir de déchets opératoires. La sécurité biologique est très importante surtout lorsque que l’on est en contact avec des virus transmissibles sans traitement disponible. Notre laboratoire est soumis à des règles de sécurité strictes et travaillons en laboratoire de norme de sécurité biologique de types 2 ou 3.
Pour vous qui êtes à la fois médecin infectiologue et virologue, comment avez-vous appréhendé l’arrivée de la COVID-19 ?
C’est l’ambivalence entre vivre quelque chose de vraiment extraordinaire pour un infectiologue et un virologue et le fait de devoir travailler dans l’urgence. Il y a, à la fois, ce côté grisant mais également un côté frustrant parce qu’il y aurait beaucoup de choses que nous aimerions faire mais pour lesquelles nous ne disposons pas d’assez de temps ni de moyens humains. Depuis le début de la pandémie, mon temps a été totalement dédié à l’activité en virologie qui a explosé et n’a pas cessé de nous accaparer avec tous mes collègues. Nous étions sur le pont avant même que le virus ne commence à émerger pour mettre en œuvre tout l’aspect diagnostic. Nous avons dû mettre de côté beaucoup de nos autres activités. Cela reste un marathon dont nous espérerions entrevoir la fin.