La crise sanitaire a permis une mise en œuvre rapide de la télémédecine dans la plupart des services du CHU de Poitiers. Conscient de tout l’intérêt qu’elle représente pour la prise en charge de patients diabétiques, le service de diabétologie continue à l’exploiter et même à la développer. Le Dr Xavier Piguel nous explique les utilisations de la télémédecine dans son service.
Quelle utilisation faites-vous de la télémédecine en diabétologie ?
Nous l’utilisons en premier lieu pour faire de la téléconsultation. Cette pratique a été activée, quelque part, grâce à la covid. Durant la période initiale de la crise sanitaire, elle a été notre outil de travail quasi exclusif. On ne pouvait alors pas recevoir nos patients diabétiques considérés comme personnes très à risques. Nous avons pu maintenir le lien et assurer leur suivi grâce à la téléconsultation. Ensuite, malgré le retour possible des patients, nous avons continué à la proposer en complément de consultation en présentiel à deux types de patients : les patients traités par pompe à insuline qui nécessitent un suivi très régulier tous les trois mois et les jeunes diabétiques originaires de Poitiers qui partent faire leurs études dans d’autres villes. Le fait d’alterner entre téléconsultation et consultation en présentiel leur permet de gagner en flexibilité pour eux qui sont souvent actifs ; cela leur évite un déplacement et les monopolise moins de temps à l’hôpital. D’autant plus que les rendez-vous de téléconsultation sont parfois possibles en soirée.
Quelle est la seconde utilisation ?
Il s’agit de la télésurveillance, c’est-à-dire une surveillance à distance des données de suivi des patients diabétiques. Cela implique que le patient possède un dispositif connecté à un smartphone ou à un ordinateur, qui transmet les données en temps réel à une plate-forme. Ces données sont analysées par des médecins ou des infirmières. La télésurveillance est tout à fait appropriée à la diabétologie où les patients utilisent déjà des objets connectés tels que des lecteurs de glycémie, des stylos injecteurs ou des pompes à insuline. Certains dispositifs mesurent la glycémie, d’autres délivrent l’insuline et transfèrent automatiquement les données de surveillance sur la plateforme de suivi. Des infirmières spécialisées dans la prise en charge du diabète et de l’éducation thérapeutique, contrôlent régulièrement les données depuis notre interface informatique de télésurveillance. Lorsque l’on constate un déséquilibre, un onglet nous permet de tchatter avec le patient pour qu’il adapte le traitement. La télésurveillance permet d’éviter l’inertie thérapeutique entre les consultations trimestrielles. Elle permet aussi de maintenir la motivation du patient dans le temps puisque celui-ci sait que ses données sont contrôlées. Tout ceci est bien évidemment effectué avec le consentement du patient.
Combien de personnes prenez-vous en charge en télésurveillance ?
Nous suivons une quinzaine de patients dans le cadre du programme ETAPES. Ce programme, régie par un cahier des charges très strict, ne s’adresse pour le moment qu’aux patients ayant un mauvais équilibre glycémique et ce pour une durée de six mois renouvelables. Le suivi et l’analyse des données de ces patients se font chaque semaine. Dans une version moins contingentée de télésurveillance, nous prenons en charge 272 patients parmi lesquels une soixantaine de femmes présentant un diabète de la grossesse. Celles-ci ont besoin d’un suivi hebdomadaire.
Quels sont les outils nécessaires pour la télémédecine en endocrinologie ?
La téléconsultation se fait grâce au dispositif Covotem qui permet de réaliser la consultation en visioconférence dans un réseau totalement sécurisé. Le patient peut envoyer des documents médicaux en direct. La téléconsultation est vraiment intéressante lorsqu’il s’agit de contrôler la glycémie ou d’adapter le traitement. Mais elle ne nous permet pas de faire d’examen clinique à distance avec d’autres dispositifs connectés comme c’est le cas pour certaines spécialités comme la cardiologie. C’est pourquoi elle ne doit pas se substituer intégralement aux consultations en présentiel. Pour la télésurveillance, nous demandons à nos patients d’utiliser l’application gratuite myDiabby qui est compatible avec la plupart des smartphones et des dispositifs utilisés en diabétologie.
Y-a-t-il eu des réticences parmi les professionnels de votre service ou de vos patients ?
Aucune, parce ce qu’il s’agit vraiment de l’évolution naturelle de notre spécialité. De plus, la plupart de nos patients sont eux-mêmes demandeurs de cette évolution. Encore faut-il qu’ils soient relativement technophiles et qu’ils résident dans une zone avec une bonne couverture 4G.
Quelle est la prochaine étape de la télémédecine dans votre service ?
Nous sommes souvent sollicités par nos collègues médecins généralistes pour un avis en diabétologie ou en endocrinologie. Nous le faisons le plus souvent dans un cadre informel par téléphone, de façon non tracée. Nous transmettons ainsi une préconisation médicale qui peut être plus ou moins bien interprétée, engageant ainsi notre responsabilité. La télé-expertise va nous permettre, au travers d’un système sécurisé, de donner cet avis, tout en le traçant dans le dossier médical du patient.