Regard médical : Pr Gianluca Donatini, chirurgien viscéral

Portrait Pr Gianluca Donatini

Chirurgien Viscéral spécialisé dans la chirurgie endocrinienne, Gianluca Donatini a été nommé professeur des universités – praticien hospitalier en septembre 2022. Il revient sur son parcours et sur ses importantes recherches liées à l’innovation.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Je me suis formé à la chirurgie générale à l’université de médecine de Pise, en Italie. J’y ai effectué mon internat en chirurgie viscérale et endocrinienne. J’ai passé mes six mois d’inter-CHU à l’université Brown de Providence, R.I. aux Etas Unis, ou j’ai aussi obtenu le Diplôme ECFMG qui permet d’obtenir l’équivalence des diplômes de formation en médecine. En 2007, j’ai commencé mon activité en tant que praticien hospitalier en chirurgie viscérale et endocrinienne au sein des centres hospitaliers de Massa et Carrara en Italie, obtenant la certification d’haute spécialité en chirurgie thyroïdienne en 2010. Durant cette période, j’ai préparé une thèse de sciences thèse que j’ai soutenue en 2012.  J’ai intégré ensuite le service de chirurgie générale et endocrinienne du Pr François Pattou du CHU à Lille sur un poste de praticien attaché faisant fonction de chef de clinique. J’ai rejoint le CHU de Poitiers en septembre 2014 en tant que praticien hospitalier. Je suis arrivé par l’intermédiaire du Pr Jean-Louis Kraimps qui cherchait à assurer la continuité du service de chirurgie endocrinienne avec un suivi universitaire.

Quelle est votre spécialité et pourquoi l’avez-vous choisi ?

Je suis spécialisé en chirurgie endocrinienne, c’est-à-dire tout ce qui concerne les pathologies de la thyroïde, des parathyroïdes et des glandes surrénales. A l’origine, je me suis formé à la chirurgie générale qui aujourd’hui est devenue chirurgie viscérale et digestive. J’ai choisi ce domaine lors de ma formation à Pise au cours de laquelle il y avait trois formations en chirurgie au choix : la chirurgie d’urgence, la chirurgie de transplantation et la chirurgie endocrinienne. J’ai choisi la troisième parce que j’ai été séduit par la formation dispensée par le Pr Paolo Miccoli, un pionnier dans le domaine.

Pourquoi avez-vous choisi de faire votre carrière en France ?

En Italie, il est très difficile d’avoir une carrière comme celle que j’ai en France. Les places de praticiens hospitalo-universitaires sont beaucoup plus fermées. En France, nous pouvons démontrer nos compétences et nos qualités et obtenir des postes importants, ce qui n’est pas évident en Italie. En effet, la France est très attractive pour le jeune médecin avec des compétences et envies de carrière universitaire.

Sur quoi portent vos recherches ?

Ma thèse de sciences portait sur les bio-marqueurs des carcinomes thyroïdiens. En arrivant au CHU, j’ai travaillé en collaboration avec le département d’anatomie pathologique du Pr Pierre Levillain et le département de biologie moléculaire du Pr Lucie Karayan-Tapon sur la carcinogenèse des cancers papillaires thyroïdiens. Il s’agissait d’étudier la clonalité sur des nodules partiellement cancéreux afin de définir le caractère monoclonal ou polyclonal de ces lésions. Nous essayons de mettre en place, avec le Pr Nicolas Bourmeyster, l’analyse pro-thermique qui, en effet, représente le noyau de ma thèse de sciences. Cela nous permettra de développer des études avec l’équipe INSERM IRMETIST du Pr Luc Pellerin et du Pr Thierry Hauet à laquelle je suis associé. Mes thèmes de recherches cliniques les plus importants portent sur l’innovation. Quand on opère la thyroïde, qui est la chirurgie la plus importante de la chirurgie endocrinienne, il peut y avoir deux complications :  la paralysie de la corde vocale et la lésion des glandes parathyroïdes qui contrôlent le calcium. Il est donc essentiel d’empêcher toute complication. L’une des études concerne l’utilisation d’un système de monitorage, le système de neuromonitorage NIM 3.0 de la société Medtronic, lors de chirurgies de la thyroïde. Ce dispositif permet de repérer les nerfs récurrents pendant l’opération et d’éviter ainsi toute lésion accidentelle. Ce projet est en cours d’évaluation auprès du programme hospitalier de recherche clinique auquel sont associés les meilleurs centres de chirurgie endocrinienne de France. Le CHU de Poitiers en sera le porteur. Un autre projet porte sur l’utilisation du dispositif Fluobeam de la société Fluoptics dont le CHU a fait l’acquisition. Ce dispositif d’imagerie fonctionne sur la base d’une caméra à infrarouges qui permet d’identifier plus facilement les parathyroïdes et leurs liaisons vasculaires. En effet, ces glandes émettent naturellement de la lumière infrarouge : c’est l’autofluorescence. La caméra du Fluobeam nous permet de voir les parathyroïdes qui ne mesurent que 4 mm et d’éviter ainsi de les endommager. Avec l’introduction de ce dispositif en 2020, le taux de lésions est de 5 % au CHU de Poitiers alors que le niveau national est de 15 à 30%. J’ai d’ailleurs remporté le prix du meilleur abstract lors du congrès national de l’Association française de chirurgie (AFC) en 2021. Nous disposons aujourd’hui de la version 2.0 de la fluorescence. On injecte un traceur fluorescent, le vert d’indocyanine (ICG), qui nous permet de reconnaître le vaisseau lors d’une angiographie vasculaire et donc de faire une dissection de façon plus aisée. Aujourd’hui, le CHU fait partie des leaders français et européens en termes d’innovation et de qualité chirurgicale dans le domaine de la chirurgie endocrinienne. Le CHU de Poitiers a d’ailleurs été classé en 8e position parmi les hôpitaux français par Le Point dans la catégorie du traitement des cancers de la thyroïde.

Pourquoi l’innovation est-elle un point important de vos recherches ?

À travers l’innovation, on cherche à réaliser la chirurgie parfaite qui n’entraîne pas de complications. Quand j’ai fait mon internat, on commençait à utiliser les techniques d’hémostases avec les pinces ultrasonores ou le bipolaire avancé. Aujourd’hui, nous utilisons les dispositifs innovants présentés ci-dessus pour essayer d’avoir un taux de complications à zéro. Bien sûr, nous sommes des êtres humains et nous ne pourrons jamais atteindre ce niveau. Mais notre taux de complications est bien en dessous du taux moyen national.

Quels enseignements dispensez vous ?

Je coordonne l’enseignement de la chirurgie digestive à la faculté de médecine de Poitiers. J’aime beaucoup enseigner surtout pour les échanges avec les étudiants. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner des choses qu’ils pourraient lire mais plutôt de personnaliser leurs formations par rapport à nos expériences. Je me rends toujours disponible pour eux. Malheureusement, les étudiants sont plutôt discrets sans doute parce qu’ils ont l’impression de gêner. Il me semble important pour un enseignant d’épauler les étudiants. Nous avons pu développer en 2020 un enseignement de chirurgie endrocrinienne avec le dispositif Simlife. Nous avons dispensé une première séance nationale en 2021 et nous allons en faire une autre au mois de novembre en partenariat avec l’AFCE, l’Association Francophone de Chirurgie Endocrinienne qui a reconnu le CHU de Poitiers comme centre référent national pour la formation par simulation SimLife.

Encore un mot ?

Je suis heureux de travailler au CHU de Poitiers. J’y ai reçu énormément de soutien, notamment de mes collègues, de la faculté et de la direction générale. Cela m’a permis d’aboutir à ces résultats, de devenir professeur des universités-praticien hospitalier, de prendre la suite du Pr Jean-Louis Kraimps sur un service qui est connu et renommé. Le Pr Kraimps m’a laissé prendre sa place tout en se tenant à mes côtés, il m’a toujours soutenu pour améliorer les activités cliniques et scientifiques. Nous avons très bien travaillé ensemble.