Regard médical: Pr Nicolas Grégoire, professeur en pharmacométrie

Pr Nicolas Grégoire

Nicolas Grégoire a intégré le CHU de Poitiers en 2018. Il a été nommé professeur en pharmacométrie en septembre 2023.

Quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai commencé mes études à la faculté de pharmacie de Reims que j’ai terminées à la faculté de Toulouse où j’ai également fait mon internat en pharmacie industrielle et biomédicale. J’ai travaillé ensuite quelque temps à l’Agence nationale des médicaments vétérinaires. J’expertisais les dossiers d’autorisation de mise sur le marché de médicaments du point de vue de la pharmacocinétique. En 2008, j’ai rejoint le groupe SGS, basé à Saint-Benoît, qui s’appelait alors ASTER-CEPHAC. Il s’agit d’un centre de recherche clinique spécialisé dans le développement précoce de médicaments. J’y ai occupé les fonctions de chef de projet en pharmacocinétique. En 2008, j’ai voulu changer de voie parce que mon travail avait un côté répétitif, pas du tout stimulant. J’ai souhaité faire une carrière universitaire. J’ai contacté l’université de Poitiers. Mon profil les intéressant, ils m’ont proposé de faire une thèse avec le Pr William Couet au sein du laboratoire pharmacologie des anti-infectieux et antibiorésistance, INSERM-U1070, pour devenir maître de conférences à la faculté de pharmacie. J’ai ensuite réalisé des vacations à l’hôpital et intégré définitivement le CHU de Poitiers en devenant professeur des universités – praticien hospitalier en septembre 2023. Mes activités au CHU de Poitiers sont diversifiées et dynamiques. Elles sont faites pour le bénéfice des patients.

Qu’est-ce que la pharmacométrie ?

La pharmacométrie est la quantification des effets pharmacologiques. Il y a, d’un côté, la pharmacocinétique qui se penche sur le devenir du médicament : la vitesse à laquelle il va être absorbé, sa distribution dans l’organisme, la vitesse de métabolisation, etc. De l’autre côté, il y a la pharmacodynamie qui aborde les effets du médicament sur l’organisme. Mon quotidien à l’hôpital est d’analyser sur l’ordinateur tous ces points, d’en faire de la modélisation mathématique : quelle concentration de médicaments va entraîner tel effet, à partir de quel niveau y aura-t-il des effets toxiques, etc. Mon rôle est de définir le schéma posologique qui va permettre au médicament d’avoir les meilleurs effets thérapeutiques tout en évitant qu’il ait trop d’effets indésirables. En tant que pharmacométricien, je fais le suivi thérapeutique et pharmacologique des patients prenant des médicaments pour lesquels les marges thérapeutiques sont trop étroites comme les antibiotiques, les antiépileptiques, les immunosuppresseurs ou les  anticancéreux. Parfois c’est simple, d’autres fois, plus compliqué. Pour cela, j’ai mis au point un programme informatique qui va estimer les paramètres les plus probables pour le patient. La pharmacométrie demande des compétences en mathématique, en statistique et en codage informatique.

Quel type d’enseignement dispensez-vous ?

Je suis plutôt investi auprès des étudiants de pharmacie dans la filière industrielle. Au vu de mon parcours professionnel, c’est tout naturellement que j’ai pris en charge certains enseignements relatifs à l’industrie pharmaceutique. Beaucoup d’étudiants ne savent pas trop ce qu’ils peuvent faire dans le domaine pharmaceutique. Il n’y a pas que l’officine. Je leur présente le large éventail de métiers et je leur fais visiter des sites de productions. Je les initie également à l’analyse de données.

Et en recherche ?

Je fais partie de l’équipe PHAR2 du laboratoire pharmacologie des anti-infectieux et antibiorésistance INSERM U1070 dirigé par le Pr Sandrine Marchand qui est également chef de service du laboratoire de toxicologie pharmacocinétique. L’équipe travaille sur la pharmacologie des anti-infectieux. Plusieurs aspects sont analysés. Par exemple, les microbiologistes vont analyser les effets des antibiotiques sur une bactérie grâce au séquençage. Nous, en tant que pharmacocinéticiens, nous étudions les effets au cours du temps des antibiotiques sur une bactérie car nous savons qu’à un moment donné, celle-ci développe des systèmes de résistance ou d’adaptation aux antibiotiques. Pour cela, nous utilisons des modèles mathématiques qui permettent de quantifier et de caractériser l’effet des antibiotiques. Nous essayons de trouver les concentrations d’antibiotiques adéquates pour tuer la bactérie et empêcher ces phénomènes de résistance. L’antibiorésistance est un enjeu majeur de santé publique ; chaque année on dénombre de nombreux décès liés à l’antibiorésistance et les projections pour les années à venir sont plutôt pessimistes. Nous avons plusieurs projets de recherche en cours. Nous sommes une des rares équipe de l’INSERM à travailler sur la pharmacologie des anti-infectieux.