Aurélien Binet a récemment intégré le CHU de Poitiers en tant que professeur des universités-praticien hospitalier en chirurgie pédiatrique. Ravi de l’accueil qui lui a été réservé, il présente avec enthousiasme les projets qu’il souhaite développer.
Quel a été votre parcours professionnel avant d’arriver au CHU de Poitiers ?
Originaire de l’Indre-et-Loire, j’ai fait mon externat à la faculté de Tours. J’ai fait mon internat au CHU de Reims où j’ai obtenu un DES de chirurgie générale, un DESC de chirurgie infantile ainsi que le DESC d’oncologie option chirurgie des cancers. J’ai rejoint ensuite, en tant que chef de clinique, le service du Pr Mouriquand aux Hospices civils de Lyon – CHU auprès duquel je me suis formé aux chirurgies des hypospades (malformations uro-génitales fréquentes à la naissance – 1/250). Je suis revenu après au CHU de Tours pour un clinicat au cours duquel j’ai pu terminer ma formation sur la prise en charge plastique des enfants. J’ai obtenu un DIU de chirurgie plastique pédiatrique et un DIU de brûlologie. Pour compléter cette formation à la chirurgie plastique pédiatrique, je suis parti un an et demi en mobilité à Lausanne (Suisse) auprès du Dr Anthony de Buys Roessingh qui est reconnu dans la prise en charge des fentes faciales. A mon retour au CHU de Tours en septembre 2020, j’ai obtenu un poste de maître de conférences – praticien hospitalier et je suis ainsi arrivé en septembre 2022 au CHU de Poitiers pour prendre un poste de professeur des universités, poste précédemment occupé par le Pr Guillaume Levard. J’ai été accueilli avec bienveillance par l’ensemble de la communauté chirurgicale et médicale. Aux blocs opératoires, les gens communiquent entre eux de manière constructive. C’est vraiment très agréable de travailler dans une telle ambiance.
Parmi vos différentes casquettes, qu’elle est celle qui prédomine ?
Ma spécialité est, avant tout, la chirurgie plastique pédiatrique. Ma thèse d’exercice portait sur l’identité de genre et le développement psychologique des patientes opérées pour une génitoplastie féminisante dans le cadre de l’hyperplasie congénitale des surrénales, pathologie qui virilise les organes génitaux. Lorsque je préparais cette thèse, nous étions en plein dans le grand débat de société sur la « théorie du genre ». Je m’interrogeais alors sur le devenir à l’âge adulte de ces patientes prises en charge chirurgicalement. Ma thèse de médecine n’est donc pas dans le domaine chirurgical stricto sensu mais bien plus sur notre impact et notre aide – s’ils existent – apportés à nos patientes. Ce point est majeur dans les perspectives éthiques de notre société. Même si ce genre de chirurgie n’est pas fréquent, il nous interroge cependant sur le droit du corps au sens large et la nécessité de ne pas banaliser certains actes – tels que la posthectomie (circoncision) – qui portent atteinte à l’intégrité d’un individu ne pouvant exprimer un consentement éclairé.
Quels projets de recherches allez-vous développer au CHU de Poitiers ?
J’ai intégré le laboratoire Interactions homme environnement santé localisé à la Villa Santé. C’est une structure fabuleuse qui offre une multitude d’avantages pour la recherche clinique et la recherche fondamentale. Ma recherche fondamentale porte avant tout sur les perturbateurs endocriniens et leurs répercussions sur le développement génital et notamment sur l’apparition d’hypospades. Si nous pouvons les opérer, il serait préférable de les prévenir ce qui s’intègre parfaitement dans la dynamique de ce que l’on appelle ‘One Health’. Il a été démontré que les pesticides favorisent la survenue de ces malformations. Je me penche, en premier lieu, sur le bisphénol. Je travaillais déjà sur ce sujet au CHU de Tours mais de manière indirecte. J’étudiais les perturbateurs endocriniens dans les eaux consommables. Nous travaillions également sur des cellules de granulosa – cellules du follicule ovarien situées autour de l’ovocyte – issues de fécondation in vitro. Habituellement jetées, nous les récupérions pour pouvoir étudier leurs réactions dans des milieux contenant une quantité importante de bisphénol. A Poitiers, j’ai l’opportunité de travailler sur paillasse avec des granulosas prélevées. De plus, la Villa Santé nous permet de sensibiliser les mamans ou futures mamans aux effets des perturbateurs endocriniens.
D’autres projets ?
Des projets, j’en ai plein, le premier étant celui de ne plus raisonner à l’échelle individuelle – ce que nous oblige cette course à l’agrégation – mais à l’échelle d’une école chirurgicale pédiatrique pictavienne. Cela passe obligatoirement par la cohésion et l’épanouissement en équipe au sein de notre service. Je pense sincèrement que la crise sanitaire a ébranlé la vision que l’on a de l’hôpital : avant, on vivait pour travailler et maintenant on travaille pour vivre. Une inadéquation entre vie professionnelle et vie personnelle peut être à l’origine d’épuisement professionnel. Mon objectif est la conciliation entre ces deux vies, passant obligatoirement par l’entraide et l’esprit d’équipe. C’est un cercle vertueux au sein duquel nous pouvons tous être acteur. J’ai également envie de développer un projet autour des fratries des enfants que l’on prend en charge. Habituellement, on entoure le patient et ses parents. On ne mesure pas les dommages collatéraux sur les frères ou sœurs qui vont se construire en tant qu’individus ; ils vont devenir parents et transmettre ces failles psychologiques à leurs propres enfants. Nous avons déjà échangé avec les internes en pédiatrie sur ces projets d’encadrement qui devront être menés de façon pluridisciplinaire : psychologue, puéricultrice, auxiliaire, médecin… Tout le monde apporte une pierre à ces projets : parfois, il suffit juste de discuter, de mettre des mots, de reformuler les choses pour les aider même à mieux grandir. Il y a également un autre projet dont la mise en place avec les infirmières d’éducation thérapeutique de la Vie la Santé est plus qu’abouti, pour les enfants souffrant d’énurésie et d’oncoprésie. Avec le Dr Marie Auger-Hunault, nous avons développé un jeu des 7 familles pour que l’enfant assimile de façon ludique les règles d’hygiène à suivre. Cela implique la participation des parents. Nous utilisons le personnage Samsam – personnage d’une bande-dessinée pour les enfants réalisée par Serge Bloch – qui souffre également d’énurésie. L’auteur nous a donné son accord pour que l’on utilise le personnage. Nous attendons l’accord de sa maison d’édition, Bayard presse. Le jeu a déjà fait ses preuves tout comme le programme d’éducation thérapeutique. Ce n’est pas un projet chirurgical mais cela fait complètement partie de nos missions d’amélioration du quotidien des patients. Un autre projet concerne l’élaboration de fiches d’information harmonisées qui sert de support dans la communication avec l’enfant et les parents. Cela optimise et personnalise l’information et des parents mieux informés sont des parents moins stressés, un enfant plus serein, une chirurgie qui se passe mieux, etc. Nous avons l’obligation d’informer les parents en toute transparence et le plus complètement possible. Cet exercice est parfois difficile. Nous sommes en train de mettre au point en équipe avec le professeur Jiad Mcheik, les docteurs Diana Potop et Marie Auger-Hunault, des fiches pour les pathologies les plus courantes. Je suis arrivé depuis peu et je ne veux aucunement tout révolutionner. L’organisation locale est performante, fluide et efficace. Mon but est cependant d’apporter moi aussi une pierre a notre édifice.