Regard médical : unité d’accueil pédiatrique enfants en danger

UAPED

La création de l’unité d’accueil pédiatrique enfants en danger du CHU de Poitiers était essentielle pour une prise en charge globale et adaptée des enfants victimes de violence. Entrée en fonctionnement en janvier 2023, elle accueille en moyenne 50 enfants par mois. Le Dr Marie Lebeau, qui en est la responsable, explique les missions de cette structure particulière.

Qui êtes-vous ?

Je suis arrivée au CHU de Poitiers en 2003, en tant qu’interne en santé publique avec l’idée de faire de la médecine légale qui à l’époque était une spécialité complémentaire. J’ai intégré le service de médecine légale en novembre 2006 au sein duquel j’ai fini mon internat et fait mon clinicat. Ce qui me plaît dans cette spécialité, c’est la démarche d’enquête pour comprendre ce qui s’est passé.

Comment vous êtes-vous spécialisée dans la maltraitance infantile ?

C’est un thème qui m’intéressait plus particulièrement. Je me suis formée à cette spécialité en faisant notamment un DIU en maltraitance infantile et en me formant au fur et à mesure des années. Actuellement, je suis référente sur l’établissement s’agissant des violences envers les enfants.

Quelle est la genèse du projet de l’unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) ?

Je m’intéressais à la maltraitance infantile, la direction générale m’a demandé, en 2021, de travailler sur le projet de création d’une unité d’accueil pédiatrique enfants en danger. Il s’agissait de répondre à une instruction de la direction générale de l’offre de soin (DGOS) qui demandait qu’il y ait, dans chaque département, une structure de ce type. J’ai développé ce projet en collaboration avec Amandine Dessevre, juriste à la direction des affaires juridiques. Nous avons bénéficié du soutien du CHU,  de financements de l’Agence régionale de santé et du Conseil départemental de la Vienne, qui nous a permis de recruter des professionnels pour la structure.

Quel était la prise en charge des enfants avant ?

Jusque-là, la prise en charge était très judiciaire. Les enfants victimes ou présumés victimes de violences venaient sur réquisition judiciaire à l’unité médicojudiciaire, où l’on procédait à l’examen médico-légal. Puis ils repartaient. Grâce à la création de l’UAPED, nous accueillons les enfants sur un même temps pour l’audition, l’examen médical avec le médecin légiste, et une rencontre avec une psychologue. Les parents peuvent rencontrer l’assistante sociale ce qui permet une prise en charge plus globale. Et ensuite, nous orientons les victimes vers d’autres structures qui assurent le suivi. C’est surtout toute cette coordination que nous avons mise en place pour une prise en charge médicale, psychologique et sociale. Il est vraiment important que la prise en charge évite de faire répéter les enfants, afin de ne pas leur faire revivre leurs traumatismes. Nous recevons des enfants de 0 à 18 ans, quel que soit le type de violence subie.

De qui est constituée l’équipe de l’UAPED ?

Il s’agit d’une équipe formidable et très motivée. Elle est composée d’Alison Girard, infirmière coordinatrice, de Léa Métais, psychologue, de Virginie Brossard et Marie Jeland, psychologues détachées par le conseil départemental, de Cécile Guignard, assistante sociale, et de Marie-Laure Ardon, secrétaire. Nous travaillons de concert avec la Maison de Freyja parce que les enfants des femmes victimes de violences sont également victimes. Il arrive que l’on adresse des femmes à la maison de Freyja et vice versa.

Que représente pour vous l’ouverture d’une unité d’accueil dédiée aux enfants victimes de violences ?

Il était essentiel de créer une structure d’accueil telle que l’UAPED. Avant, nous prenions en charge les enfants victimes de violences du mieux que l’on pouvait, mais nous sentions que, de temps en temps, cela restait traumatisant pour eux et très difficile pour nous. Cela n’était pas fait de façon sereine et adaptée. Même si les enfants passent des moments difficiles lorsqu’ils sont pris en charge à l’UAPED, j’ai la sensation qu’ils repartent plus apaisés. C’est important pour nous de savoir qu’après notre prise en charge, on les réoriente pour qu’ils ne soient pas seuls sur le chemin de la reconstruction. Cela me facilite le travail parce que j’ai l’impression que les choses sont plus faciles pour eux.

L’UAPED du CHU de Poitiers a-t-elle des particularités ?

L’UAPED est rattachée à la médecine légale alors que dans d’autres établissements, elle est intégrée à la pédiatrie. L’instruction de la DGOS préconisait un rattachement à la pédiatrie puisque les victimes sont des enfants. Mais au CHU de Poitiers, les enfants victimes de violences étaient déjà pris en charge par la médecine légale où nous disposons notamment d’une salle d’audition, la salle Mélanie. Nous travaillons, bien évidemment, en étroite collaboration avec le service de pédiatrie et les urgences pédiatriques. Ensemble, nous mettons en place des procédures pour une prise en charge, la plus adaptée possible. Le fait que l’UAPED soit intégrée à l’unité médico-judicaire nous permet tout de même d’avoir une structure d’accueil très centralisée sur la violence et les victimes de violences et de faire le lien avec la justice.

Quelle importance ont les partenariats dans l’activité de l’UAPED ?

Avant de mettre en place notre unité, nous sommes allés rencontrer chaque partenaire : les partenaires judiciaires tels que les officiers de la police judicaire et le parquet, le conseil départemental et des associations de victimes comme le PRISM. Nos partenariats sont essentiels dans notre prise en charge des enfants victimes. Nous rencontrons régulièrement nos différents partenaires afin de faire le point sur le fonctionnement et nos actions communes.

En tant que responsable, qu’est-ce qui est important pour vous ?

Il est essentiel pour nous de commencer l’accompagnement sans rajouter du traumatisme aux enfants. Nous devons les écouter et leur expliquer ce qu’ils ressentent afin de les aider. Le plus important est que nous initions l’accompagnement sur la voie de la reconstruction tout en fournissant les éléments objectifs et factuels qui vont permettre à la justice de faire son travail. Nous devons également les orienter au mieux pour leur suivi médical, psychologique et social sur du long terme.

Quels sont les enjeux pour vous dans les mois qui viennent ?

Il s’agit de pérenniser les postes des membres de l’équipe et de pouvoir assurer des remplacements en période d’absence des unes et des autres.