« Soulager les maux avec les mots » l’hypnose dans le traitement de la douleur

Hypnose

L’hypnose est une technique de soin ancienne que l’on trouve dans de nombreuses cultures. Grâce aux progrès de l’imagerie et de la recherche médicale, elle devient de plus en plus […]

L’hypnose est une technique de soin ancienne que l’on trouve dans de nombreuses cultures. Grâce aux progrès de l’imagerie et de la recherche médicale, elle devient de plus en plus présente dans le milieu hospitalier. A l’opposé de l’hypnose de « spectacle » véhiculée par les médias, l’hypnoalagésie employée dans un contexte soignant pour traiter la douleur n’a en effet rien à voir avec de la magie.

La pratique tend à se répandre depuis quelques années dans l’établissement, notamment au centre régional d’étude et de traitement de la douleur et dans de nombreux services de soins.

Qu’est-ce que l’hypnose ?

« Il s’agit d’un état naturel que l’on a tous, une capacité au lâcher prise, à être ici et ailleurs en même temps. Je prends souvent l’exemple d’une expérience que nous faisons tous au quotidien : lorsque nous sommes dans la voiture, au retour du travail, nous sommes conscients mais notre esprit est ailleurs, et nous revenons soudain à la réalité quand nous nous rendons compte que nous sommes arrivés à la maison », illustre Marie-Pierre Delaunay.

L’hypnose permet de reproduire intentionnellement cet état de conscience modifié par une technique d’induction et de transe hypnotique. Utilisée en complément de la médecine traditionnelle, l’hypnoanalgésie a pour objectif de soulager la douleur et le stress. Il existe d’autres applications de l’hypnose, par exemple l’hypnothérapie, utilisée à des fins psychothérapeutiques. Ces techniques d’hypnose pratiquées en milieu hospitalier relèvent du courant de l’hypnose ericksonienne, du nom du psychiatre américain Milton H. Erickson qui, par une approche indirecte plaçant le patient au coeur de sa guérison, a entièrement renouvelé la pratique du XXe siècle.

► Pour aller plus loin : www.hypnose.fr, le site de l’Institut français d’hypnose.

Soulager les patientes opérées de scoliose

Le service d’orthopédie-traumatologie a intégré l’hypnoanalgésie dans la prise en charge de la douleur depuis 2008 et expérimente depuis un an un projet médico-soignant dédié aux patientes opérées de scoliose. Une idée amenée par le Pr Pierre Pries, chirurgien orthopédiste responsable de l’unité rachis, avec l’aide de Marie-Pierre Delaunay, infirmière hypnopraticienne dans le même pôle. Tous deux ont décidé de mutualiser leurs compétences pour tenter de soulager les patientes opérées pour une correction de scoliose ou autre déformation de la colonne : une intervention très douloureuse, pratiquée dans la plupart des cas sur des jeunes filles en fin de croissance particulièrement sujettes au stress. Avec l’accord de la patiente et de sa famille lorsqu’elle est mineure, l’infirmière hypnopraticienne procède à une première séance d’hypnose conversationnelle la veille de l’intervention pour une prise de contact et des explications. Elle revient avec le kinésithérapeute au lendemain de l’intervention et accompagne le premier passage assis au bord du lit d’une séance d’hypnose formelle. Elle intervient de nouveau le surlendemain pour le premier lever. Les jours suivants et jusqu’à la sortie, en moyenne huit jours après l’intervention, la patiente apprend enfin des techniques d’autohypnose qui doivent la rendre plus autonome dans le processus de guérison.
Des résultats positifs

« La correction des scolioses est une chirurgie douloureuse, notre rôle est d’apporter confort et mieux-être aux patientes. Une douzaine d’entre elles ont bénéficié d’une prise en charge par l’hypnoanalgésie. Les résultats sont spectaculaires’ et positifs, pour elles et pour leurs familles », témoigne le Pr Pries. « Une évaluation médicale est actuellement réalisée sur les apports de cette pratique en fonction de différents critères : l’échelle de la douleur, l’anxiété, la consommation de médicaments comme les antalgiques morphiniques lourds en effets secondaires, ainsi que la durée d’hospitalisation, déjà réduite à six jours et qui pourrait être abaissée à cinq », poursuit-il. Ce projet innovant a été très bien accueilli par le service et par la direction, qui encourage le développement de cette pratique par la mise en place d’une formation certifiée mais non diplômante de sept jours ouverte principalement aux infirmiers. Une soixantaine de personnes ont ainsi été formées depuis deux ans. Une formation à l’hypnose conversationnelle a par ailleurs débuté depuis quelques mois dans le pôle neurosciences-locomoteur auprès des aide-soignants, infirmiers, kinésithérapeutes et manipulateurs radio demandeurs. L’équipe médicale se montre elle aussi convaincue : chirurgiens et anesthésistes sollicitant ponctuellement les services de l’hypnopraticienne, par exemple pour des pansements douloureux.
Etendre la pratique et développer la formation

L’encadrement du pôle neurosciences-locomoteur a initié et encouragé le développement de ce projet. « L’hypnose induit des valeurs de bienveillance et de bientraitance, elle implique une relation plus forte avec le patient et redonne tout son sens à la notion de prendre soin’. A ce titre, ce projet est un axe prioritaire du projet soignant du pôle », explique Marie-France Joyeux- Soyer, cadre supérieur de santé. « Nous souhaitons donc poursuivre la prise en charge en traumatologie et l’étendre à d’autres services en développant la formation institutionnelle des soignants et la formation du pôle. Cela permettra par ailleurs d’éviter l’écueil de la dépendance des soins à une seule personne », ajoute-t-elle.

Une consultation d’hypnose infirmière sera par ailleurs ouverte au public au sein de l’unité de médecines alternatives du centre régional d’étude et de traitement de la douleur à l’automne prochain.

Les différents types d’hypnose

Les trois types d’hypnose pratiqués lors de la prise en charge des patientes opérées de scoliose :

– L’hypnose conversationnelle
Tout en conversant tranquillement avec le patient, l’hypnopraticien mène un travail complexe favorisant un climat dissociatif et apaisant, grâce à une trame de communication paraverbale hypnotique. La spontanéité et l’improvisation caractérisent cette forme d’hypnose.

– L’hypnose formelle
L’hypnopraticien amène par sa simple voix à détacher le patient de son symptôme, douleur ou stress, pour modifier sa perception selon des phases bien définies : focalisation, induction, dissociation, transe, retour.

– L’autohypnose
Le patient apprend à induire une transe personnelle suivant le même schéma qu’une séance d’hypnose formelle. Il peut modifier sa perception douloureuse ou
émotionnelle à tout moment lorsqu’il en sent le besoin, par la mobilisation de ses ressources personnelles mises en lumière auprès de l’hypnopraticien.

Questions à… Marie-Pierre Delaunay, Infirmière hypnopraticienne

Comment en êtes-vous arrivée à pratiquer l’hypnose ?
Je suis infirmière en traumatologie au CHU depuis dix ans, et j’ai découvert le soin par l’hypnose au cours de la préparation de mon diplôme universitaire « douleur » en 2003. De 2008 à 2010, j’ai suivi une formation d’hypnose à l’Institut français d’hypnose à Paris, qui m’a délivré un diplôme d’hypnopraticienne en hypnoanalgésie et hypnosomatique. J’ai rapidement appliqué ces compétences au service des patients de traumatologie, par exemple au moment des pansements dans le cas de plaies douloureuses et complexes.Comment cette pratique est-elle perçue autour de vous ?
Il est vrai que notre demande de formation à l’hypnose a tout d’abord étonné, mais l’institution nous a offert cette opportunité et nous sommes aujourd’hui deux hypnopraticiennes diplômées avec Béatrice Geaugeais, infirmière puéricultrice aux urgences pédiatriques. Depuis les débuts, je dirais que cette autre manière de soigner est perçue de façon simple. Les patients sont curieux au départ, et il faut parfois mener un travail de démystification, mais ils adhèrent vite et le discours devient inutile devant l’efficacité des résultats. De même pour les soignants et les médecins.

Qu’est-ce que l’hypnose apporte de plus que des soins « classiques » ?
La chimie est importante, mais parfois elle ne suffit pas et l’hypnose intervient comme une technique de soin complémentaire pour soulager la douleur. Et puis il s’agit d’établir une relation de confiance mutuelle avec le patient qui, guidé par l’hypnopraticien, va puiser dans ses ressources personnelles pour participer à son soulagement, voire à sa guérison. On dit que l’hypnose permet au soignant de « soulager les maux avec les mots », de modifier le soin et
de « faire du bien sans faire du mal ». Je trouve que c’est une belle représentation de cette médecine alternative.

Angélique, 34 ans, hospitalisée, pour une fracture ouverte du tibia-péroné 

J’ai subi plusieurs interventions lourdes : pose d’un fixateur externe puis d’une plaque, greffe osseuse… J’étais dans un état de stress et de fatigue intense malgré mes traitements. Lorsque l’on m’a proposé une séance d’hypnose pour me relaxer, honnêtement je n’y croyais pas du tout. Je n’avais pas dormi depuis deux jours, et les vingt minutes de la première séance m’ont endormie pour tout l’après-midi ! Cela m’a fait énormément de bien, c’est comme si je n’étais plus à l’hôpital. J’avais la sensation que mon esprit n’était plus au même endroit que mon corps, qu’il vagabondait au gré de la voix de l’hypnopraticienne. C’était vraiment bénéfique pour moi, car on peut supporter beaucoup plus de choses lorsque l’on est reposé. De retour à la maison, je me suis longtemps servie de l’enregistrement audio de l’une de nos séances pour retrouver cet apaisement.