Victoire contre la douleur par K.O.

Pour la première fois au CHU de Poitiers, une électrode de stimulation nerveuse périphérique a été implantée sur le plexus brachial d’un patient, par voie écho-endoscopique. Cette intervention qui a eu lieu le 18 janvier 2023 au CHU de Poitiers, a été accomplie par le Dr Bénédicte Bouche, anesthésiste interventionnel et médecin de la douleur, et le Pr Philippe Rigoard, neurochirurgien du rachis, de la douleur et du handicap.

L’objectif de l’intervention était de traiter les douleurs post-opératoires du bras d’un patient pour lequel tous les autres traitements avaient échoué.

Le patient, ancien entraîneur professionnel de boxeurs, dont certains sont devenus champions du monde, avait subi de multiples chirurgies du membre supérieur gauche après un accident de voiture. Malgré les nombreuses tentatives entreprises pour endiguer des douleurs chroniques, il a toujours gardé espoir.

Il a été adressé par des spécialistes parisiens à l’équipe du service de neurochirurgie du rachis, chirurgie de la douleur et du handicap (NRDH) du Pr Philippe Rigoard. Le Dr Bénédicte Bouche a proposé l’implantation d’une stimulation du système nerveux périphérique au niveau du plexus brachial, situé au niveau de l’épaule, entre la moelle épinière et les nerfs du bras.

L’implantation a été réalisée en couplant deux modalités d’imageries, l’endoscopie et l’échographie, grâce à un nouveau dispositif médical appelé EVOTOUCH, 7STARSCOPE/Quantel Medical, dont le CHU de Poitiers dispose depuis quelques semaines.

« Il s’agit d’un endoscope tellement miniaturisé qu’il peut passer à travers le chas d’une aiguille . Il peut ensuite être couplé à un échographe à haute résolution, ce qui nous permet de voir les structures anatomiques, comme les nerfs, sous la peau mais aussi en profondeur », explique le Pr Philippe Rigoard. Le Dr Bénédicte Bouche, qui a publié avec l’équipe PRISMATICS en 2019 la plus grande série de cas de patients stimulés du plexus brachial, estime pour sa part, que : « le couplage de l’échographie et de l’endoscopie miniaturisée, va permettre de révolutionner la prise en charge interventionnelle des douleurs chroniques et demain, peut-être, de réaliser ce type de gestes pour la chirurgie du handicap ».

L’intervention, qui a donc eu lieu le 18 janvier dans l’un des blocs opératoires du CHU, s’est très bien passée. Elle a permis de soulager fortement les douleurs de ce patient, contraint jusque lors à se déplacer en fauteuil roulant, tant les douleurs étaient insupportables. C’est une véritable collaboration transdisciplinaire « Douleur-Handicap » qui a été mise en place autour de ce patient, entre le service NRDH et celui de médecine physique et de réadaptation (MPR), sous l’égide des Drs Anne Jossart et Romain David. « Ce patient, qui suppliait qu’on l’ampute du bras pour ne plus souffrir, a quitté son fauteuil roulant depuis quelques jours. Il va pouvoir entamer une nouvelle vie grâce aux techniques de neurostimulation implantée. Cette intervention sophistiquée a été réalisée en moins de 30 minutes grâce aux mains du Dr Bouche et a permis d’éviter au patient une chirurgie majeure de la moelle épinière, qui aurait été discutée dans cette impasse, avec un taux de complications important et un résultat très aléatoire. Nous espérons sincèrement que cette première pourra inspirer de nombreuses équipes pour permettre de miniaturiser les techniques de stimulation implantée, d’aller vers le moins invasif possible quant au choix des outils et d’aider ces patients en bout de course, et parfois en errance thérapeutique », souligne le Pr Philippe Rigoard.

La clé ne réside pas seulement dans la technique mais avant tout dans l’indication. « On ne peut plus prendre une décision aussi importante pour l’avenir d’un patient de manière isolée. Notre métier de chirurgien, d’anesthésiste ou de médecin de la douleur a évolué. Pour poser l’indication d’une neurostimulation implantée de dernier recours, il faut réunir plusieurs professionnels de santé autour d’un même patient dans le cadre d’une « vraie consultation multidisciplinaire » » ajoute le Dr Bouche. Au total, cette intervention aura fédéré autour du patient une équipe de cliniciens spécialistes de la douleur, de neurochirurgiens, d’anesthésistes, d’implanteurs, de rééducateurs, d’infirmières, une psychiatre et plusieurs psychologues, sous la forme d’un engagement collectif. Cet accompagnement transdisciplinaire, propre au service NRDH, est rendu possible par des consultations multidisciplinaires de la douleur et du handicap. Celles-ci sont maintenant opérationnelles dans toutes les structures de prise en charge de la douleur et les centres de rééducation de la région. « Nous avons mis en place une convention régionale avec notre direction de la coopération, qui permet de catalyser les interactions entre ces différents établissements. Elle permet aux médecins du service NRDH et de MPR de consulter au CHU, mais également de manière délocalisée et par télémédecine dans 14 établissements, via 8 consultations multidisciplinaires par mois », précise le Pr Philippe Rigoard.

L’implantation réalisée par les deux spécialistes du CHU de Poitiers a été retransmise en direct dans le cadre du « Neuromodulation Pain International Symposium », réunissant les 30 plus grands experts mondiaux de la neurostimulation. « C’est une réelle chance de pouvoir réaliser une intervention en temps réel, grâce à la salle JB25 du bloc opératoire de la tour Jean-Bernard, qui a été spécifiquement dessinée pour la neurostimulation implantée et pour les retransmissions vidéo en direct », précise le Pr Philippe Rigoard. Celui-ci tient à remercier les professionnels du bloc opératoire, le service biomédical, la pharmacie et l’institution qui font preuve d’un soutien inconditionnel pour les projets touchant à l’innovation technologique et notamment l’acquisition d’équipements et « de nouveaux dispositifs qui changeront les soins de demain ».